COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE PAIS
N° 02PA04278
Mme Jeannine G. et FEDERATION DES SYNDICATS GENERAUX DE L’EDUCATION NATIONALE ET DE LA RECHERCHE PUBLIQUE SGEN
CFDT
M. MERLOZ
Président
M. KOSTER
Rapporteur
M. HAIM
Commissaire du Gouvernement
Séance du 12 juin 2003
Lecture du 26 juin 2003
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE PARIS
(4ème Chambre B)
VU la requête, enregistrée le 20 décembre 2002 au greffe de la cour, présentée pour Madame Jeannine G. et la FEDERATION DES SYNDICATS GENERAUX DE L’EDUCATION NATIONALE ET DE LA RECHERCHE SGEN - CFDT dont le siège est 47-49 avenue Simon Bolivar 75019 Paris, par la SCP MASSE - DESSEN et THOUVENIN, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation ; Mme G. et la FEDERATION DES SYNDICATS GENERAUX DE L’EDUCATION NATIONALE ET DE LA RECHERCHE SGEN - CFDT demandent à la cour :
1°) d’annuler le jugement n° 99 13267-7 en date du 11 octobre 2002 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande et intervention tendant à l’annulation de la décision en date du 5 janvier 1999 par lequel le ministre de l’éducation nationale, de la recherche et de la technologie a refusé à Mme G. la protection statutaire prévue à l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983, ensemble la décision implicite rejetant le recours gracieux de Mme G. ;
2°) d’annuler lesdites décisions ;
3°) de condamner l’Etat à leur verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article L.761-1 du code de justice administrative ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
VU le code de procédure pénale ;
VU la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
VU le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 12 juin 2003 :
le rapport de M. KOSTER, premier conseiller,
les observations de Me MASSE-DESSEN, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, pour Mme G. et pour la FEDERATION SGEN-CFDT,
et les conclusions de M. HAIM, commissaire du Gouvernement ;
Considérant qu’après avoir reçu plusieurs cartes postales anonymes à caractère injurieux en 1990, 1991 et le 1er juin 1993 Mme G., inspecteur pédagogique régional - inspecteur d’académie, a déposé plainte contre X avec constitution de partie civile le 27 juillet 1993 ; que cette plainte ayant abouti à la mise en examen d’un inspecteur général de l’éducation nationale, Mme G. a obtenu le 1er février 1995 la protection statutaire de son administration pour soutenir son action en justice ; que, par un jugement du 30 septembre 1997, le tribunal correctionnel de Paris a condamné le prévenu à trois mois de prison avec sursis et à 15.000 F d’amende ainsi qu’à verser la somme de 25.000 F à Mme G. en réparation de son préjudice moral ; que ni le prévenu ni les parties civiles n’ont interjeté appel dans le délai de 10 jours qui leur était imparti ; que le procureur général près la cour d’appel de Paris ayant toutefois interjeté appel le 19 novembre 1997, dans le délai de deux mois qui lui est accordé par l’article 505 du code de procédure pénale, la protection juridique a été à nouveau accordée à Mme G. pour lui permettre à titre principal de contester la recevabilité dudit appel et subsidiairement d’être elle-même admise à faire appel ; que, par un arrêt du 4 novembre 1998, la cour d’appel de Paris a déclaré recevable l’appel du procureur général et irrecevables les appels incidents de Mme G. et de la FEDERATION DES SYNDICATS GENERAUX DE L’EDUCATION NATIONALE ET DE LA RECHERCHE PUBLIQUE SGEN - CFDT ; que, par une décision en date du 5 janvier 1999, le ministre de l’éducation nationale, de la recherche et de la technologie a rejeté la demande de Mme G. tendant au maintien de la protection statutaire dont elle avait jusqu’alors bénéficié afin de se pourvoir en cassation contre l’arrêt susmentionné de la cour d’appel de Paris ; que Mme G. et la FEDERATION DES SYNDICATS GENERAUX DE L’EDUCATION NATIONALE ET DE LA RECHERCHE PUBLIQUE SGEN - CDFT font appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande et intervention tendant à l’annulation de cette décision ainsi que de la décision implicite rejetant le recours gracieux formé le 3 mars 1999 par Mme G. ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que, contrairement à ce que soutiennent Mme G. et la fédération requérante, le tribunal administratif de Paris a répondu aux différents moyens qui lui ont été présentés en première instance ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait intervenu sur une procédure irrégulière faute d’avoir " rappelé " les moyens des parties doit être écarté ;
Sur la légalité des décisions attaquées :
Considérant qu’aux termes de l’article 11 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 : " Les fonctionnaires bénéficient, à l’occasion de leurs fonctions, d’une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales... La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l’occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté " ; que ces dispositions législatives établissent à la charge de l’Etat ou des collectivités publiques intéressées et au profit des fonctionnaires lorsqu’ils ont été victimes d’attaques relatives au comportement qu’ils ont eu dans l’exercice de leurs fonctions, une obligation de protection à laquelle il ne peut être dérogé, sous le contrôle du juge, que pour des motifs d’intérêt général ; que si cette obligation de protection comprend le devoir d’assister, le cas échéant, le fonctionnaire dans les procédures judiciaires qu’il entreprend pour sa défense, il appartient toutefois à l’administration d’apprécier, dans tous les cas, si les instances engagées par l’intéressé sont appropriées à l’objectif de défense recherché et si leur objet est conforme aux dispositions précitées de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier qu’en l’absence d’appel du prévenu ou des parties civiles le jugement du tribunal correctionnel de Paris du 30 septembre 1997 est devenu définitif en ce qui concerne les réparations accordées à Mme G. et à la FEDERATION DES SYNDICATS GENERAUX DE L’EDUCATION NATIONALE ET DE LA RECHERCHE PUBLIQUE SGEN - CFDT à raison des outrages subis par cette fonctionnaire de l’éducation nationale à l’occasion de ses fonctions ; que l’appel formé par le procureur général près la cour d’appel de Paris contre ledit jugement ne porte que sur les dispositions pénales de ce jugement et n’est pas de nature à remettre en cause les dispositions faisant droit aux demandes des parties civiles qui ont ainsi obtenu les réparations auxquelles elles pouvaient prétendre ; que si Mme G. et la fédération requérante soutiennent qu’elles conservaient un intérêt à la confirmation en appel du jugement de première instance en tant qu’il condamne pénalement l’auteur des outrages, aucune disposition du code de procédure pénale ne permet aux parties civiles de former un appel incident au-delà du délai de cinq jours suivant le délai d’appel de dix jours, dépassé en l’occurrence, prévu à l’article 498 dudit code et de participer, devant la juridiction du second degré, à l’action pénale, qui n’appartient plus qu’au ministère public ; que la cour d’appel de Paris ayant en conséquence, par son arrêt du 4 novembre 1998, rejeté comme irrecevables les appels incidents, de toute façon tardifs, de Mme G. et de la fédération requérante c’est à bon droit que le ministre de l’éducation nationale, de la recherche et de la technologie a estimé qu’il avait pris toutes les mesures utiles à la défense des intérêts de Mme G. et a refusé, par les décisions attaquées, de continuer à lui accorder la protection statutaire qu’elle sollicitait afin de se pourvoir en cassation contre l’arrêt susmentionné de la cour d’appel de Paris ; que la circonstance que la question de droit soumise à la cour de cassation, tirée de ce que les dispositions de l’article 505 du code de procédure pénale seraient incompatibles avec les stipulations de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales sur le principe du procès équitable, n’était pas évidente est sans influence sur la légalité des décisions litigieuses ; qu’il en est de même de la circonstance, d’ailleurs contestée par le ministre de l’éducation nationale, que l’administration aurait persisté à assister en appel le fonctionnaire condamné en première instance ; que, par suite, Mme G. et la fédération requérante ne sont pas fondées à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande et intervention tendant à l’annulation des décisions par lesquelles le ministre de l’éducation nationale, de la recherche et de la technologie a refusé de maintenir, au stade de la cassation, la protection statutaire qu’il avait accordée à ce fonctionnaire ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans le cadre de présente instance, soit condamné sur leur fondement à verser une somme à Mme G. et à la FEDERATION DES SYNDICATS GENERAUX DE L’EDUCATION NATIONALE ET DE LA RECHERCHE PUBLIQUE SGEN - CFDT au titre des frais qu’elles ont exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme G. et de la FEDERATION DES SYNDICATS GENERAUX DE L’EDUCATION NATIONALE ET DE LA RECHERCHE PUBLIQUE SGEN - CFDT est rejetée.