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Conseil d’Etat, 29 juillet 2002, n° 225446, M. Jacques G.

En estimant que le préjudice lié à la validation des services d’agent contractuel n’avait un caractère certain qu’à compter du versement des retenues par l’agent du Trésor public, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 225446

M. G.

Mme de Margerie, Rapporteur
Mme de Silva, Commissaire du gouvernement

Séance du 17 mai 2002
Lecture du 29 juillet 2002

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 2ème et 1ère sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 2ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 septembre 2000 et 23 janvier 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Jacques G. ; M. G. demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt en date du 21 juillet 2000 de la cour administrative d’appel de Marseille en tant qu’il a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l’Etat à lui verser la somme de 300 000 F, sauf à parfaire, avec les intérêts de droit et la capitalisation de ces intérêts. au titre des préjudices liés à la perte de son traitement, au trop-versé de cotisations sociales et à la validation de ses services d’agent contractuel au sein du centre du machinisme agricole, du génie rural et des eaux et forêts (CEMAGREF) ;

2°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 169 356 F sauf à parfaire, et avec les intérêts de droit à compter de la demande préalable d’indemnité et la capitalisation de ces intérêts ;

3°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 15 000 F au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraites ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

Vu la loi n° 83-1260 du 30 décembre 1983 ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu le décret n° 83-1260 du 30 décembre 1983 ;

Vu le décret n° 85-1401 du 27 décembre 1985 ;

Vu le décret n° 92-1060 du 1er octobre 1992 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme de Margerie, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges,Thouvenin, avocat de M. G. ,
- les conclusions de Mme de Silva, Commissaire du gouvernement ;

Sur la requête de M. G. :

Considérant que, par une décision du 6 juin 1991, le Conseil d’Etat statuant au contentieux a estimé que l’absence d’intervention dans un délai raisonnable du décret statutaire mentionné à l’article 2 du décret du 30 décembre 1983, relatif aux corps de fonctionnaires des établissements publics scientifiques et technologiques avait eu pour effet de priver les personnels du Centre national du machinisme agricole, du génie rural et des eaux et forêts (CEMAGREF), érigé en établissement public à caractère scientifique et technologique par le décret du 27 décembre 1985, de la possibilité de bénéficier du statut des fonctionnaires que leur reconnaissent les dispositions de l’article 17 de la loi du 15 juillet 1982 d’orientation et de programmation pour la recherche et le développement technologique de la France et celles des articles 1er et 2 du décret du 30 décembre 1983 et a annulé, en conséquence, le refus implicite des ministres concernés, intervenu à la date du 1er novembre 1987, de prendre ce décret statutaire ;

Considérant que, par un jugement du 1er juillet 1999, le tribunal administratif de Marseille a estimé que le retard mis par l’Etat à prendre les mesures statutaires permettant la titularisation de M. G. , agent contractuel du CEMAGREF, était constitutif d’une faute de nature à engager sa responsabilité, mais a rejeté les conclusions indemnitaires présentées par l’intéressé faute de justification du montant des préjudices invoqués ; que, sur appel de M. G. , la cour administrative d’appel de Marseille a, par un arrêt du 21 juillet 2000, condamné "le ministre de l’éducation nationale" et "le ministre de l’agriculture" à verser au requérant les la somme de 9 057,25 F (1 380,77 euros) en réparation du préjudice résultant de la perte de traitement ; que M. G. se pourvoit contre cet arrêt ; que le ministre de l’éducation nationale forme un pourvoi incident ;

En ce qui concerne la perte de rémunération principale :

Considérant que M. G. a demandé le versement d’une indemnité représentant la perte de rémunération durant la période comprise entre le 1er janvier 1988 et le 31 décembre 1996 du fait du retard mis à sa titularisation ; qu’aux termes de l’Article 1er de la loi du 31 décembre 1968 : "Sont prescrites au profit de l’Etat... toutes créances qui n’ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis" ; que le fait générateur de la créance dont se prévaut M. G. est constitué non par les services qu’il a accomplis comme agent contractuel, mais par l’arrêté de titularisation intervenu le 20 octobre 1993 ; qu’ainsi le délai de prescription de quatre ans a commencé à courir le 1er janvier 1994 ; qu’à la date du 16 décembre 1996 à laquelle l’intéressé a présenté pour la première fois une demande indemnitaire, ses créances n’étaient pas atteintes par la prescription ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la prescription était acquise pour la période antérieure au 1er janvier 1992 n’était pas fondé, contrairement à ce qu’a jugé la cour administrative qui, sur ce point, a entaché son arrêt d’une erreur de droit ;

En ce qui concerne le préjudice lié à un trop-versé de cotisation sociales :

Considérant que M. G. a demandé le versement d’une indemnité représentant le supplément de cotisations sociales qu’il a payé durant la période comprise entre le 1er janvier 1988 et le 31 décembre 1991 ; qu’il résulte de ce qui précède que la cour a commis une erreur de droit en estimant que la prescription quadriennale était acquise pour cette période ;

En ce qui concerne le supplément de cotisations pour pension de retraite :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 5 du code des pensions civiles et militaires de retraite : "... Peuvent être également pris en compte pour la constitution du droit à pension les services d’auxiliaire, de temporaire, d’aide ou de contractuel ... accomplis dans les administrations de l’Etat, les services extérieurs en dépendant et les établissements publics de l’Etat ne présentant pas un caractère industriel ou commercial ... " ; qu’en estimant que le préjudice lié à la validation des services d’agent contractuel n’avait un caractère certain qu’à compter du versement des retenues par l’agent du Trésor public, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit ;

En ce qui concerne la minoration de la pension de retraite :

Considérant que la cour a omis de statuer sur les conclusions à fins d’indemnité présentées par M. G. en réparation du préjudice résultant de la minoration de la pension de retraite ;

Sur le pourvoi incident du ministre de l’éducation nationale :

Considérant que le pourvoi incident formé par le ministre de l’éducation nationale tend à obtenir la minoration de l’indemnité devant être versée au titre de la perte de traitement subie à compter du 1er janvier 1992 ; qu’en estimant que la perte d’ancienneté subie par M. G. était susceptible de se traduire pour lui par une perte de traitement de trois mois non seulement au moment de la promotion au neuvième échelon de son grade, mais aussi à l’occasion de promotions aux échelons suivants, la cour n’a pas commis d’erreur de droit ; qu’il y a lieu, par suite, de rejeter le pourvoi ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu d’annuler l’arrêt du 21 juillet 2000 de la cour administrative d’appel de Marseille en tant qu’il a rejeté les conclusions de M. G. tendant à l’indemnisation des préjudices liés à la perte de rémunération principale, au trop-versé de cotisations sociales et au supplément de cotisation pour pension et en tant qu’il n’a pas statué sur la minoration de la pension de retraite ;

Considérant qu’aux termes de l’article L.821-2 du code de justice administrative, le Conseil d’Etat, s’il prononce l’annulation d’une décision d’une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l’affaire au fond si l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de régler l’affaire au fond ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction qu’en d’une part, M. G. a formellement opté pour le rachat des cotisations liées à ses services contractuels ; qu’il y a lieu de condamner l’Etat à lui verser la somme de 2 395,46 euros (15 731,20 F) à ce titre ; que, d’autre part, il sera fait une exacte appréciation des préjudices relatifs à la perte de rémunération et au trop-versé de cotisations sociales en allouant à M. G. la somme de 5 210 euros ; que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du 16 décembre 1996 ; qu’enfin, les conclusions du requérant tendant à la réparation du préjudice né de la minoration de la pension de retraite, qui ne sont pas chiffrées, sont irrecevables ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. G. est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté les conclusions susanalysées de sa demande ;

Sur l’application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative et de condamner l’Etat à verser à M. G. la somme de 2 280 euros pour les frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêt du 21 juillet 2000 de la cour administrative d’appel de Marseille est annulé en tant qu’il a rejeté les conclusions de M. G. tendant à l’indemnisation des préjudices liés à la perte de rémunération principale, au trop-versé de cotisations sociales et au supplément de cotisations pour pension de retraite et qu’il n’a pas statué sur la minoration de la pension de retraite.

Article 2 : L’Etat est condamné à payer à M. G. 7 605,46 euros. Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 16 décembre 1996.

Article 3 : L’article 4 du jugement du 1 "juillet 1999 du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. G. et le surplus des conclusions présentées par M. G. devant la cour administrative d’appel de Marseille et devant le tribunal administratif de Marseille sont rejetés.

Article 5 : Le pourvoi incident formé par le ministre de l’éducation nationale est rejeté.

Article 6 : L’Etat est condamné à payer à M. G. la somme de 2 280 euros pour les frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

Article 7 : La présente décision sera notifiée à M. Jacques G., au ministre de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche et au ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

 


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