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Conseil d’Etat, 12 décembre 2008, n° 300635, Commune d’Ignaux

Le versement de son traitement à un agent par l’administration, à laquelle il incombe de s’assurer de l’accomplissement effectif par l’intéressé de son service, manifeste, lorsque le traitement est versé en dépit de l’absence de service fait, l’existence d’une décision implicite d’octroi d’un avantage financier, créatrice de droits.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 300635

COMMUNE D’IGNAUX

M. Xavier Domino
Rapporteur

M. Emmanuel Glaser
Commissaire du gouvernement

Séance du 12 novembre 2008
Lecture du 12 décembre 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 3ème et 8ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 3ème sous-section de la section du contentieux

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 janvier et 16 avril 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la COMMUNE D’IGNAUX, représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité à l’Hôtel de Ville d’Ignaux (09110) ; la COMMUNE D’IGNAUX demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler le jugement du 9 novembre 2006 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a, d’une part, annulé l’arrêté du 28 mai 2003 du maire d’Ignaux demandant à M. T. le remboursement de la somme de 3 105, 61 euros correspondant à des rémunérations qu’il aurait indûment perçues, ainsi que le titre exécutoire du 2 juin 2003 émis en vue du recouvrement de ladite somme, et d’autre part, déchargé M. T. de cette somme ;

2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter les demandes de M. T. ;

3°) de mettre à la charge de M. T. la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Xavier Domino, Auditeur,

- les observations de la SCP Bachellier, Potier de la Varde, avocat de la COMMUNE D’IGNAUX et de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de M. T.,

- les conclusions de M. Emmanuel Glaser, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, recruté par la COMMUNE D’IGNAUX en qualité d’agent d’entretien à temps complet par contrats à durée déterminée pour des périodes comprises entre le 1er février et le 15 avril 2000 d’une part et entre le 18 décembre 2000 et le 17 mars 2001 d’autre part, M. T. a été rémunéré pour un montant total de 2 483, 29 euros ; que, deux ans après le paiement de ces sommes, qui avait donné lieu à la délivrance de bulletins de paye, la COMMUNE D’IGNAUX, estimant que le service n’avait en réalité pas été fait, a convoqué M. T. devant le conseil municipal le 21 mars 2003 ; qu’à la suite de cette séance, le maire d’Ignaux a pris, le 28 mai 2003, un arrêté constatant que l’intéressé n’avait pas effectué la totalité de ses heures de service entre 2000 et 2001 et a émis, le 2 juin suivant, un titre exécutoire correspondant au montant des heures non effectuées ; que la COMMUNE D’IGNAUX se pourvoit en cassation contre le jugement du 9 novembre 2006 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé, à la demande de M. T., l’arrêté du 28 mai 2003 et le titre de perception du 2 juin 2003 ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait statué irrégulièrement en fondant sa décision sur le moyen, qui n’était pas soulevé devant lui, tiré de ce que le versement des traitements en cause était révélateur d’une décision créatrice de droits manque en fait dès lors qu’ainsi que l’a relevé le tribunal, M. T. invoquait devant lui un moyen d’erreur de droit tiré de ce que les décisions attaquées remettaient en cause des droits pécuniaires acquis notamment du fait de la remise de bulletins de salaire ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait commis une erreur de droit en soulevant d’office un moyen qui n’était pas d’ordre public ne peut qu’être écarté ;

Sur le bien-fondé du jugement :

Considérant qu’une décision administrative accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire alors même que l’administration était tenue de refuser cet avantage ; que, sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, l’administration ne peut dès lors retirer sa décision explicite, hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, que dans le délai de quatre mois suivant son édiction ; que, pour l’application de ces règles, doit être assimilée à une décision explicite accordant un avantage financier celle qui, sans avoir été formalisée, est révélée par des agissements ultérieurs ayant pour objet d’en assurer l’exécution ; que l’existence d’une décision de cette nature peut par exemple, en fonction des circonstances de chaque espèce, être manifestée par le versement à l’intéressé des sommes correspondantes, telles qu’elles apparaissent sur son bulletin de paye ; que ces règles ne font obstacle ni à la possibilité, pour l’administration, de demander à tout moment le reversement des sommes attribuées par suite d’une erreur dans la procédure de liquidation ou de paiement ou d’un retard dans l’exécution d’une décision de l’ordonnateur, ni à celle de supprimer pour l’avenir un avantage dont le maintien est subordonné à une condition dès lors que celle-ci n’est plus remplie ;

Considérant que le versement de son traitement à un agent par l’administration, à laquelle il incombe de s’assurer de l’accomplissement effectif par l’intéressé de son service, manifeste, lorsque le traitement est versé en dépit de l’absence de service fait, l’existence d’une décision implicite d’octroi d’un avantage financier, créatrice de droits ;

Considérant qu’en regardant les faits qui lui étaient soumis comme révélant l’existence d’une décision de rémunération créatrice de droits, le tribunal administratif n’a commis aucune erreur de qualification juridique ; qu’en en déduisant que l’arrêté du 28 mai 2003 du maire d’Ignaux demandant à M. T. le remboursement de la somme de 3 105, 61 euros correspondant à des rémunérations qu’il aurait indûment perçues en l’absence de service fait ainsi que le titre exécutoire du 2 juin 2003 émis en vue du recouvrement de ladite somme, devaient être annulés, le tribunal administratif n’a entaché sa décision d’aucune erreur de droit ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la COMMUNE D’IGNAUX n’est pas fondée à demander l’annulation du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 9 novembre 2006 ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu’il y a lieu, en revanche, sur le fondement des mêmes dispositions, de mettre à la charge de la COMMUNE D’IGNAUX une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par M. T. et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le pourvoi de la COMMUNE D’IGNAUX est rejeté.

Article 2 : La COMMUNE D’IGNAUX versera à M. T. la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE D’IGNAUX, à M. Bruno T. et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

 


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