CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 288309
GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE
c/ M. S.
Mme Delphine Hedary
Rapporteur
M. Mattias Guyomar
Commissaire du gouvernement
Séance du 4 juin 2008
Lecture du 7 août 2008
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 6ème et 1ère sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 6ème sous-section de la section du contentieux
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 décembre 2005 et 20 avril 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour le maire de Nancy, déclarant agir au nom de l’Etat, qui demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt du 20 octobre 2005 par lequel la cour administrative d’appel de Nancy a, sur la requête de M. Jean-Christophe S., annulé, d’une part, le jugement du 20 août 2002 du tribunal administratif de Nancy rejetant sa demande tendant à l’annulation de la décision implicite par laquelle le maire de Nancy a refusé de lui délivrer un certificat d’insolvabilité, d’autre part, cette décision,
2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter la requête de M. S. comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître, ou, à titre subsidiaire, comme non fondée ;
3°) de mettre à la charge de M. S. le paiement d’une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de Mme Delphine Hedary, Maître des Requêtes,
les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat du maire de Nancy et de Me Copper-Royer, avocat de M. Jean-Christophe S., les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’en application de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, la cour administrative d’appel de Nancy a notifié le 10 juin 2005 aux parties qu’elle était susceptible de soulever d’office un moyen tiré de l’incompétence de la juridiction administrative ; que par un mémoire enregistré le 17 juin 2005, le maire de Nancy, reprenant l’argumentation qu’il avait soulevée devant les premiers juges, a conclu à l’incompétence de la juridiction administrative ; que la cour, qui a omis de viser ce mémoire, ne s’est pas prononcée sur l’exception d’incompétence qu’il comportait ; que, par suite, le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE, qui s’est approprié le pourvoi en cassation introduit pour le maire de Nancy au nom de l’Etat, est fondé à demander l’annulation pour ce motif de l’arrêt attaqué ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d’Etat, s’il prononce l’annulation d’une décision d’une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut " régler l’affaire au fond si l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie " ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de régler l’affaire au fond ;
Considérant qu’aux termes de l’article 752 du code de procédure pénale, dans sa rédaction applicable au litige : " La contrainte par corps ne peut être exécutée contre les condamnés qui justifient de leur insolvabilité en produisant : / 1° Un certificat du percepteur de leur domicile constatant qu’ils ne sont pas imposés ; / 2° Un certificat du maire ou du commissaire de police de leur commune. / La preuve que le condamné est en réalité solvable peut être rapportée par tous moyens. " ;
Considérant que le certificat d’insolvabilité que le maire ou le commissaire de police, agissant comme agents de l’Etat, sont susceptibles de délivrer est un acte administratif détachable de l’exercice par l’autorité judiciaire de la contrainte par corps ; que, par suite, le contentieux dirigé contre cet acte relève de la compétence de la juridiction administrative ;
Considérant que le maire de Nancy, commune dans laquelle M. S. demeurait avant son incarcération, était compétent pour lui délivrer un certificat d’insolvabilité ; qu’il ressort des pièces du dossier qu’en estimant que les éléments à sa disposition n’établissaient pas l’insolvabilité de l’intéressé, le maire n’a pas entaché sa décision d’une erreur d’appréciation ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. S. n’est pas fondé à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses conclusions tendant à l’annulation du refus implicite du maire de lui délivrer un certificat d’insolvabilité, et par voie de conséquence ses conclusions tendant à ce qu’il soit enjoint sous astreinte au maire de lui délivrer un tel certificat ; que, par suite, ses conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu’être rejetées ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de ces dispositions pour mettre à la charge de M. S. la somme demandée par l’Etat ;
D E C I D E :
Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Nancy du 20 octobre 2005 est annulé.
Article 2 : La requête présentée par M. S. devant la cour administrative d’appel de Nancy est rejetée.
Article 3 : Les conclusions du garde des sceaux, ministre de la justice, tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice et à M. Jean-Christophe S..
Copie en sera adressée au maire de Nancy et à la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales.