CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 248647
OFFICE PUBLIC D’HABITATIONS A LOYER MODERE DE SEINE-ET-MARNE
M. Bénard
Rapporteur
M. Bachelier
Commissaire du gouvernement
Séance du 7 janvier 2004
Lecture du 4 février 2004
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 8ème et 3ème sous-section réunies)
Sur le rapport de la 8ème sous-section de la Section du contentieux
Vu, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 15 juillet 2002, l’ordonnance du 9 juillet 2002 par laquelle le président du tribunal administratif de Melun a transmis, en application des dispositions des articles R. 311-1-5° et R. 351-2 du code de justice administrative, la demande présentée à ce tribunal pour l’OFFICE PUBLIC D’HABITATIONS A LOYER MODERE DE SEINE-ET-MARNE ;
Vu, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Melun le 5 juillet 2002, la demande de l’OFFICE PUBLIC D’HABITATIONS A LOYER MODERE DE SEINE-ET-MARNE, dont le siège est 10 avenue Charles Péguy à Melun (77002) ;
Vu, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 14 octobre 2002, le mémoire complémentaire, présenté pour l’OFFICE PUBLIC D’HABITATIONS A LOYER MODERE DE SEINE-ET-MARNE ; l’OFFICE PUBLIC D’HABITATIONS A LOYER MODERE DE SEINE-ET-MARNE demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler les instructions 6 G 0 et 6 G 22 du 15 décembre 1989 de la direction générale des impôts relatives aux majorations forfaitaires annuelles des valeurs locatives des propriétés bâties et non bâties ;
2°) de lui accorder, par voie de conséquence, la décharge des cotisations de taxe foncière auxquelles il a été assujetti depuis 1986 dans les rôles de la commune de Melun ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Bénard, Auditeur,
les observations de Me Spinosi, avocat de l’OFFICE PUBLIC D’HABITATIONS A LOYER MODERE DE SEINE-ET-MARNE,
les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que l’article 1380 du code général des impôts dispose : "La taxe foncière est établie annuellement sur les propriétés bâties sises en France à l’exception de celles qui en sont expressément exonérées par les dispositions du présent code" ; que les articles 1384, 1384 A et 1385 prévoient des durées d’exonération spécifiques en faveur, notamment, des offices publics d’habitations à loyer modéré ; que l’article 1518 du code, dans sa rédaction issue de l’article 24 de la loi n° 80-10 du 10 janvier 1980 dispose : "I. Dans l’intervalle de deux révisions générales, les valeurs locatives définies aux articles 1496-I et II, 1497 et 1498, ainsi que celles des propriétés non bâties et des terrains et sols à usage industriel ou commercial sont actualisées tous les trois ans au moyen de coefficients correspondant à l’évolution de ces valeurs, entre la date de référence de la dernière révision générale et celle retenue pour l’actualisation (...)" ; que l’article 1518 bis du même code dispose : "Dans l’intervalle de deux actualisations prévues par l’article 1518, les valeurs locatives foncières sont majorées par application de coefficients forfaitaires fixés par la loi de finances en tenant compte des variations des loyers" ;
Sur les conclusions à fin d’annulation :
Considérant que l’interprétation que, par voie, notamment, de circulaires ou d’instructions, l’autorité administrative donne des lois et règlements qu’elle a pour mission de mettre en œuvre n’est pas susceptible d’être déférée au juge de l’excès de pouvoir lorsque, étant dénuée de tout caractère impératif, elle ne saurait, quel qu’en soit le bien-fondé, faire grief ; qu’en revanche, les dispositions impératives à caractère général d’une circulaire ou d’une instruction doivent être regardées comme faisant grief, tout comme le refus de les abroger ; que le recours formé à leur encontre doit être accueilli si ces dispositions fixent, dans le silence des textes, une règle nouvelle entachée d’incompétence ou si, alors même qu’elles ont été compétemment prises, il est soutenu à bon droit qu’elles sont illégales pour d’autres motifs ; qu’il en va de même s’il est soutenu à bon droit que l’interprétation qu’elles prescrivent d’adopter, soit méconnaît le sens et la portée des dispositions législatives ou réglementaires qu’elle entendait expliciter, soit réitère une règle contraire à une norme juridique supérieure ;
Considérant, d’une part, qu’il ressort de ses termes mêmes que l’instruction 6 G 0 susmentionnée a pour objet : en premier lieu, de résumer de manière très générale les principes gouvernant l’état du droit applicable aux évaluations des valeurs locatives antérieurement à l’entrée en vigueur des lois n° 79-15 du 3 janvier 1979 et n° 80-10 du 10 janvier 1980 ; en deuxième lieu, de rappeler la substance des dispositions de l’article 24 de cette seconde loi ; en troisième lieu, de décrire l’application qui a été faite de ces dispositions depuis 1981 et 1986 ; en quatrième et dernier lieu, de récapituler les cinq éléments qui sont pris en compte dans la mise à jour des évaluations foncières des propriétés bâties et non bâties ; d’autre part, qu’il ressort de ses termes mêmes que l’instruction 6 G 22 susmentionnée a pour objet : en premier lieu, de rappeler la substance des dispositions de l’article 24 de la loi du 10 janvier 1980 susmentionnée ; en deuxième lieu, de rappeler l’application qui a été faite de ces dispositions depuis 1981 et 1986 ; en troisième lieu, de préciser les critères qui ont été utilisés depuis 1981 pour calculer les coefficients de majoration forfaitaire fixés annuellement par les lois de finances ; en quatrième et dernier lieu, d’énoncer les dispositions correspondantes desdites lois de finances adoptées par le Parlement entre 1980 et 1990 ;
Considérant que les dispositions de ces instructions se bornent à résumer les modifications apportées par le législateur au dispositif de mise à jour des évaluations foncières des propriétés bâties et non bâties entre 1974 et 1980 et à rappeler le régime applicable depuis lors ; qu’elles n’ont pas pour objet de donner de ces dispositions législatives une interprétation qui, par son caractère impératif, devrait être regardée comme faisant grief ; que, dès lors, l’OFFICE PUBLIC D’HABITATIONS A LOYER MODERE DE SEINE-ET-MARNE n’est pas recevable à demander l’annulation des instructions attaquées ;
Sur les conclusions tendant à la décharge des cotisations de taxe foncière :
Considérant que, par suite, sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions tendant à la décharge des cotisations de taxe foncière en litige, l’OFFICE PUBLIC D’HABITATIONS A LOYER MODERE DE SEINE-ET-MARNE n’est, en tout état de cause, pas fondé à exciper de l’illégalité des instructions dont s’agit pour obtenir la décharge de ces impositions ;
Considérant qu’aux termes de l’article R. 741-12 du code de justice administrative : "Le juge peut infliger à l’auteur d’une requête qu’il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 3 000 euros" ; qu’en l’espèce, la requête de l’OFFICE PUBLIC D’HABITATIONS A LOYER MODERE DE SEINE-ET-MARNE présente un caractère abusif ; qu’il y a lieu de le condamner à payer une amende de 3 000 euros ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de l’OFFICE PUBLIC D’HABITATIONS A LOYER MODERE DE SEINE-ET-MARNE est rejetée.
Article 2 : L’OFFICE PUBLIC D’HABITATIONS A LOYER MODERE DE SEINE-ET-MARNE versera à l’Etat une amende de 3 000 euros.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l’OFFICE PUBLIC D’HABITATIONS A LOYER MODERE DE SEINE-ET-MARNE et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.