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Conseil d’Etat, référé, 7 novembre 2001, M. Tabaka

Le fait pour le Président de la République de s’abstenir d’user de la faculté qu’il tient du deuxième alinéa de l’article 61 de la Constitution de déférer une loi au Conseil constitutionnel aux fins d’en faire examiner la conformité à la Constitution est indissociable de l’ensemble de la procédure législative ; qu’il touche ainsi aux rapports entre les pouvoirs publics constitutionnels et échappe par là même à la compétence de la juridiction administrative.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 239761

M. TABAKA

Ordonnance du 7 novembre 2001

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE JUGE DES RÉFÉRÉS

Vu la requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 6 novembre 2001, présentée par M. Benoît TABAKA ; M. TABAKA demande au juge des référés du Conseil d’Etat, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d’enjoindre au Président de la République de déférer au Conseil constitutionnel, en application de l’article 61 de la Constitution, la loi sur la sécurité quotidienne, adoptée définitivement le 31 octobre 2001 par l’Assemblée nationale ;

2°) de décider, en application de l’article R. 522-13 du code de justice administrative, que l’ordonnance prescrivant une telle injonction sera exécutoire dès son prononcé ;

M. TABAKA soutient que la loi sur la sécurité quotidienne adoptée en lecture définitive le 31 octobre 2001 porte atteinte à de nombreuses libertés fondamentales et doit en conséquence être soumise au contrôle du juge constitutionnel ; que l’article 5 de la Constitution dispose que "le Président de la République veille au respect de la Constitution" ; qu’il lui appartient en conséquence de prendre l’ensemble des mesures qui s’imposent pour qu’elle ne fasse pas l’objet de violations et en particulier, saisir le Conseil constitutionnel ; que, s’agissant du chef de l’Etat, la décision de saisine du juge constitutionnel ne revêt donc pas un caractère discrétionnaire et totalement politique ; qu’elle est dictée par la Constitution et revêt une nature purement juridique qui la rend justiciable du contrôle du Conseil d’Etat, sans que puisse être invoquée pour faire échec à ce contrôle la notion d’acte de gouvernement ; que les conditions justifiant la mise en oeuvre du référé-liberté sont remplies ; qu’en effet, d’une part, il y a urgence car il ressort des débats parlementaires qu’aucune autorité ne prendra la décision de déférer la loi au Conseil constitutionnel et qu’ainsi seule une saisine de cette instance par le Président de la République, dans le délai de promulgation, permettra de faire obstacle à ladite promulgation ; que, d’autre part, plusieurs dispositions de la loi sont manifestement inconstitutionnelles, soit en raison de leur adoption postérieurement à la réunion de la Commission mixte paritaire, soit du fait de leur contenu qui porte atteinte à la liberté de communication, au secret des correspondances, à la liberté d’aller et venir, au droit de propriété et à l’inviolabilité du domicile ;

Vu les pièces du dossier ;

Vu la Constitution du 4 octobre 1958, modifiée notamment par la loi constitutionnelle n° 74-904 du 29 octobre 1974, en particulier ses articles 5, 10, 19, 34, 39, 45 et 61 ;

Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique, sur la Conseil constitutionnel modifiée notamment par la loi organique n° 74-1101 du 26 décembre 1974, en particulier le chapitre II de son titre II ;

Vu le code de justice administrative, notamment ses articles L. 311-1, L. 511-2 (alinéa 2), L. 521-2, L. 522-1, L. 522-3 et R. 522-1 et suivants ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public (…) aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale » ;

Considérant que si l’article L. 522-1 du même code énonce dans son premier alinéa que "le juge des référés statue au terme d’une procédure contradictoire" et prévoit dans son deuxième alinéa qu’une audience publique est tenue lorsqu’il est demandé au juge de prononcer les mesures visées à l’article L. 521-2, il est spécifié à l’article L. 522-3 que ces formalités ne sont pas exigées notamment lorsqu’il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative ;

Considérant que le fait pour le Président de la République de s’abstenir d’user de la faculté qu’il tient du deuxième alinéa de l’article 61 de la Constitution de déférer une loi au Conseil constitutionnel aux fins d’en faire examiner la conformité à la Constitution est indissociable de l’ensemble de la procédure législative ; qu’il touche ainsi aux rapports entre les pouvoirs publics constitutionnels et échappe par là même à la compétence de la juridiction administrative ;

Considérant qu’il suit de là que la requête de M. TABAKA tendant à ce que le juge des référés du Conseil d’Etat enjoigne, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, au Président de la République de déférer au Conseil constitutionnel, avant sa promulgation, la loi relative à la sécurité quotidienne ne relève manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative ; qu’elle doit en conséquence être rejetée suivant la procédure fixée par l’article L. 522-3 du code précité ;

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de M. Benoît TABAKA est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Benoît TABAKA.

Copie en sera en outre adressée pour information au Premier ministre. Fait à Paris, le 7 novembre 2001

Signé : B. GENEVOIS

 


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