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Conseil d’Etat, 22 octobre 2003, n° 251469, M. Marc T. et Association "Au Pays d’en Haut"

Les dispositions de la directive du 27 juin 1985, qui exigent que l’auteur de la décision, une fois cette dernière prise, porte à la connaissance du public une information supplémentaire explicitant les motifs et les considérations qui l’ont fondée, ne sauraient être interprétées comme imposant une motivation en la forme de la décision qui serait une condition de légalité de cette dernière. Le moyen tiré de ce que, faute de prévoir une telle obligation de motivation des actes déclaratifs d’utilité publique entrant dans le champ d’application de cette directive, tant la loi du 15 juin 1906 que le décret du 11 juin 1970, sur le fondement desquels ont été prises les décisions attaquées, seraient devenus incompatibles avec les objectifs de la directive précitée ne peut, par suite, être accueilli.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N°s 251469,251501

M. T.
ASSOCIATION "AU PAYS D’EN HAUT"

M. Debat
Rapporteur

Mme Boissard
Commissaire du gouvernement

Séance du 29 septembre 2003
Lecture du 22 octobre 2003

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 10ème et 9ème sous-section réunies)

Sur le rapport de la 10ème sous-section de la Section du contentieux

Vu 1°), sous le n° 251469, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 5 novembre 2002, l’ordonnance n° 0103301 en date du 7 octobre 2002 par laquelle le président du tribunal administratif de Toulouse a renvoyé, en application de l’article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête de M. Marc T. ;

Vu la requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Toulouse le 3 septembre 2001, présentée par M. Marc T. ; il demande au tribunal :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté en date du 28 mars 2001 par lequel le ministre de l’équipement, des transports et du logement et le secrétaire d’Etat à l’industrie ont déclaré d’utilité publique en vue de l’application de servitudes les travaux de construction de la ligne à deux circuits à 63 kV "Saint-Sulpice-Verfeil" sur les territoire des communes d’Azas, Buzet-sur-Tarn et Verfeil, dans le département de Haute-Garonne et de Lugan, Lavaur, Saint-Agnan, Garrigues et Saint-Sulpice dans le département du Tarn, emportant mise en comptabilité des plans d’occupation des sols desdites communes et de la décision en date du 4 juillet 2001 du secrétaire d’Etat à l’industrie rejetant le recours gracieux qu’il avait présenté tendant au retrait de ladite décision ;

2°) de condamner l’Etat à lui payer la somme de 10 000 F en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu 2°), sous le n° 251501, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 5 novembre 2002, l’ordonnance n° 0103282 en date du 7 octobre 2002 par laquelle le président du tribunal administratif de Toulouse a renvoyé, en application de l’article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête de l’ASSOCIATION "AU PAYS D’EN HAUT" ;

Vu la requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Toulouse le 3 septembre 2001, présentée par l’ASSOCIATION "AU PAYS D’EN HAUT", dont le siège est situé "Al Truc" à Saint-Sulpice (81370) ; elle demande au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté en date du 28 mars 2001 par lequel le ministre de l’équipement, des transports et du logement et le secrétaire d’Etat à l’industrie ont déclaré d’utilité publique en vue de l’application de servitudes les travaux de construction de la ligne à deux circuits à 63 kV "Saint-Sulpice-Verfeil" sur les territoire des communes d’Azas, Buzet-sur-Tarn et Verfeil, dans le département de Haute-Garonne et de Lugan, Lavaur, Saint-Agnan, Garrigues et Saint-Sulpice dans le département du Tarn, emportant mise en comptabilité des plans d’occupation des sols desdites communes et de la décision en date du 4 juillet 2001 du secrétaire d’Etat à l’industrie rejetant le recours gracieux qu’elle avait présenté tendant au retrait de ladite décision ;

2°) de condamner l’Etat à lui payer la somme de 10 000 F en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l’urbanisme ;

Vu la loi du 15 juin 1906 modifiée ;

Vu la loi n° 83-630 du 12 juillet 1983 relative à la démocratisation des enquêtes publiques pour la protection de l’environnement ;

Vu le décret n° 70-492 du 11 juin 1970 portant règlement d’administration publique relatif aux déclarations d’utilité publique des travaux d’électricité et de gaz qui n’entraînent que l’établissement de servitudes ;

Vu le décret n° 77-1141 du 12 octobre 1977 pris pour l’application de l’article 2 de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature ;

Vu le décret n° 85-453 du 23 avril 1985 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Debat, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Coutard, Mayer, avocat de Electricité de France-RTE,
- les conclusions de Mme Boissard, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes de M. T. et de l’ASSOCIATION "AU PAYS D’EN HAUT" sont dirigées contre l’arrêté en date du 28 mars 2001 par lequel le ministre de l’équipement, des transports et du logement et le secrétaire d’Etat à l’industrie ont déclaré d’utilité publique en vue de l’application de servitudes les travaux de construction de la ligne à deux circuits à 63 kV "Saint-Sulpice-Verfeil" sur les territoires des communes d’Azas, Buzet-sur-Tarn et Verfeil, dans le département de Haute-Garonne et de Lugan, Lavaur, Saint-Agnan, Garrigues et Saint-Sulpice dans le département du Tarn, emportant mise en comptabilité des plans d’occupation des sols desdites communes et la décision en date du 4 juillet 2001 du secrétaire d’Etat à l’industrie rejetant les recours gracieux que M. T. et l’ASSOCIATION "AU PAYS D’EN HAUT" avaient présentés tendant au retrait de cet arrêté ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur la légalité externe de l’arrêté attaqué :

Considérant, en premier lieu, qu’il ressort des pièces du dossier que, par arrêté en date du 8 septembre 2000, publié au Journal officiel du 9 septembre 2000, le ministre de l’équipement, des transports et du logement a donné délégation à M. Paul Schwach, directeur, adjoint au directeur général de l’urbanisme de l’habitat et de la construction pour signer en son nom "tous actes, arrêtés, décisions, marchés, contrats et avenants, à l’exclusion des décrets" ; que, par arrêté en date du 19 avril 2000, publié au Journal officiel du 21 avril 2000, le secrétaire d’Etat à l’industrie a donné délégation à M. Batail, directeur du gaz, de l’électricité et du charbon, pour signer en son nom "tous actes, arrêtés, décisions, marchés, contrats et avenants, à l’exclusion des décrets" ; que, par arrêté du 7 avril 2000, publié au Journal officiel du 12 avril 2000, le secrétaire d’Etat à l’industrie a donné délégation à M. Delpech, directeur de son cabinet, pour signer en son nom "tous actes, arrêtés, décisions, marchés, contrats et avenants, à l’exclusion des décrets" ; qu’ainsi, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les décisions attaquées auraient été signées par des autorités incompétentes ;

Considérant, en deuxième lieu, que, si à la suite de la modification introduite par l’article 1er point 11 de la directive n° 85-337/CCE du Conseil du 3 mars 1997, le 1. de l’article 9 de la directive n° 85-337/CCE du Conseil du 27 juin 1985, dont le délai de transposition en droit interne a expiré le 14 mars 1999, prévoit que "lorsqu’une décision d’octroi ou de refus d’autorisation a été prise, la ou les autorités compétentes en informent le public selon les modalités appropriées et mettent à sa disposition les informations suivantes :... - les motifs et considérations principaux qui ont fondé la décision", ces dispositions, qui exigent que l’auteur de la décision, une fois cette dernière prise, porte à la connaissance du public une information supplémentaire explicitant les motifs et les considérations qui l’ont fondée, ne sauraient, en revanche, être interprétées comme imposant une motivation en la forme de la décision qui serait une condition de légalité de cette dernière ; que le moyen tiré de ce que, faute de prévoir une telle obligation de motivation des actes déclaratifs d’utilité publique entrant dans le champ d’application de cette directive, tant la loi du 15 juin 1906 que le décret du 11 juin 1970, sur le fondement desquels ont été prises les décisions attaquées, seraient devenus incompatibles avec les objectifs de la directive précitée ne peut, par suite, être accueilli ;

Considérant, en troisième lieu, que, si les requérants soutiennent que la concertation à laquelle Electricité de France-RTE a procédé préalablement à l’enquête publique auprès des élus et de la population des communes concernées par le projet serait insuffisante au regard des protocoles signés entre l’Etat et Electricité de France-RTE les 25 août 1992 et 22 mai 1997, la méconnaissance de ces stipulations dépourvues de prescriptions réglementaires ne saurait être utilement invoquée à l’appui d’un recours pour excès de pouvoir formé à l’encontre d’une décision administrative ; qu’il en va de même du moyen tiré de ce que la procédure préalable de concertation aurait méconnu la circulaire du ministre délégué à l’industrie du 14 janvier 1993, qui se borne à commenter la première de ces deux conventions ;

Considérant, en quatrième lieu, que la circonstance qu’une des cartes reproduite dans l’étude d’impact, qui n’avait pas pour objet de décrire le trajet projeté, serait entachée d’une erreur matérielle et qu’une étude portant sur l’avifaune citée dans l’étude n’ait pas été jointe à celle-ci est, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité de la procédure ; que les justifications du projet ne peuvent être regardées comme de nature à induire le public en erreur au motif qu’elles ne mentionnaient pas l’incinérateur de Bessières susceptible d’être raccordé au réseau et dont la production en énergie était en tout état de cause négligeable ; que cette étude d’impact expose de manière suffisante les différentes contraintes qui ont conduit EDF-RTE à construire une ligne nouvelle en remplacement de la ligne existante ; que le projet en cause, compte tenu de son importance et de sa nature, n’étant pas susceptible d’avoir des incidences prévisibles sur le climat, l’absence d’étude spécifique sur ce point n’a pas méconnu les dispositions de l’article 2 du décret du 12 octobre 1977 susvisé ; que l’étude décrit de manière suffisante les impacts directs et indirects du projet sur l’environnement et les mesures de sécurité à prendre au regard des mêmes dispositions ; que les moyens tirés de l’absence dans l’étude d’impact, d’une part, du coût du projet, d’autre part, de la liste des espaces boisés classés inscrits dans les documents d’urbanisme des communes traversées par la ligne, et enfin de l’indication de la hauteur des poteaux électriques, manquent en fait ;

Considérant, en cinquième lieu, que les moyens tirés du caractère incomplet du dossier d’enquête publique et de ce que les associations de protection de l’environnement n’auraient pas été suffisamment informées de la procédure en cours, ne sont pas assortis de précisions permettant d’en apprécier la portée ; que les moyens tirés de ce que la durée de l’enquête publique aurait été insuffisante au regard du délai minimal d’un mois fixé à l’article 11-1 du décret du 23 avril 1985 susvisé et de ce que l’avis d’enquête publique n’aurait pas été affiché dans les mairies de toutes les communes concernées, manquent en fait ; que la circonstance que les permanences tenues par le commissaire-enquêteur dans certaines communes n’auraient duré que quelques heures n’est pas de nature à entacher d’irrégularité l’enquête publique ; qu’il en est de même de la circonstance que le commissaire-enquêteur n’a pas fait usage de la faculté qui lui est accordée par les textes réglementaires de se faire communiquer des pièces complémentaires à celles jointes au dossier d’enquête publique ; qu’il ressort des pièces du dossier que le commissaire-enquêteur a suffisamment motivé dans son rapport le projet de construction de la ligne électrique et la mise en compatibilité des plans d’occupation des sols des communes de Buzet-sur-Tarn et de Saint-Sulpice-sur-Tarn ;

Considérant qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet soumis à enquête publique aurait nécessité la mise en compatibilité des plans d’occupation des sols d’autres communes que celles précitées ;

Sur la légalité interne :

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la construction de la ligne à deux circuits à 90 kV "Saint-Sulpice/Verfeil", en lieu et place de la ligne existante à un circuit 63 kV "Balma/Saint-Sulpice", a pour objet de renforcer l’alimentation en électricité de dix-huit communes comptant plus de 10 000 habitants situées dans le secteur de Saint-Sulpice-sur-Tarn, et de mettre Electricité de France-RTE à même de répondre en toute sécurité à une demande croissante d’énergie électrique ; que cette opération présente en elle-même un caractère d’utilité publique ; que les inconvénients inhérents à la construction, en lieu et place de la ligne existante, d’une ligne nouvelle ne présentent pas un caractère excessif de nature à retirer aux travaux projetés son caractère d’utilité publique ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. T. et l’ASSOCIATION "AU PAYS D’EN HAUT" ne sont pas fondés à demander l’annulation de l’arrêté attaqué et de la décision rejetant leur demande de retrait dudit arrêté ;

Sur les conclusions des parties tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de ces dispositions et de condamner M. T. et l’ASSOCIATION "AU PAYS D’EN HAUT" à payer à Electricité de France-RTE la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu’il soit fait droit à la demande de M. T. et de l’ASSOCIATION "AU PAYS D’EN HAUT" et de condamner Electricité de France-RTE, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, à leur verser la somme qu’ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. T. et de l’ASSOCIATION "AU PAYS D’EN HAUT" sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions d’Electricité de France-RTE tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Marc T., à l’ASSOCIATION "AU PAYS D’EN HAUT", à Electricité de France-RTE, au ministre de l’équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer et au ministre délégué à l’industrie.

 


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