CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 319620
SYNDICAT SNPEFP-CGT et autres
M. Alexandre Lallet
Rapporteur
M. Luc Derepas
Commissaire du gouvernement
Séance du 21 novembre 2008
Lecture du 28 novembre 2008
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 1ère et 6ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 1ère sous-section de la Section du contentieux
Vu la requête, enregistrée le 8 août 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour le SYNDICAT SNPEFP-CGT, dont le siège est case 544, 263 rue de Paris à Montreuil Cedex (93515), le SYNDICAT NATIONAL DE L’ENSEIGNEMENT PRIVE CFE-CGC, dont le siège est 63, rue du Rocher à Paris (75008) et la FEDERATION DES SYNDICATS DE L’ENSEIGNEMENT ET DE LA FORMATION PRIVES, dont le siège est Tour Atlas 12, villa d’Este à Paris (75013), représentés par leurs représentants légaux ; les requérants demandent au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir la circulaire DGT 2008/07 du 10 juin 2008 du ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité relative à l’inscription sur les listes électorales prud’homales et à l’éligibilité aux élections prud’homales des maîtres et des documentalistes des établissements d’enseignement privés sous contrat ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat le versement à chacun des requérants de la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 21 novembre 2008, présentée pour le SYNDICAT SNPEFP-CGT et autres ;
Vu le code de l’éducation, modifié notamment par la loi n° 2005-5 du 5 janvier 2005 ;
Vu le code rural, modifié par la même loi ;
Vu le code du travail ;
Vu le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Alexandre Lallet, Auditeur,
les observations de la SCP Gatineau, avocat du SYNDICAT SNPEFP-CGT et autres,
les conclusions de M. Luc Derepas, Commissaire du gouvernement ;
Considérant, en premier lieu, d’une part, qu’aux termes de l’article L. 442-5 du code de l’éducation, dans sa rédaction issue de l’article 1er de la loi du 5 janvier 2005 relative à la situation des maîtres des établissements d’enseignement privés sous contrat : " Le contrat d’association peut porter sur une partie ou sur la totalité des classes de l’établissement. Dans les classes faisant l’objet du contrat, l’enseignement est dispensé selon les règles et programmes de l’enseignement public. Il est confié, en accord avec la direction de l’établissement, soit à des maîtres de l’enseignement public, soit à des maîtres liés à l’Etat par contrat. Ces derniers, en leur qualité d’agent public, ne sont pas, au titre des fonctions pour lesquelles ils sont employés et rémunérés par l’Etat, liés par un contrat de travail à l’établissement au sein duquel l’enseignement leur est confié, dans le cadre de l’organisation arrêtée par le chef d’établissement, dans le respect du caractère propre de l’établissement et de la liberté de conscience des maîtres. / Nonobstant l’absence de contrat de travail avec l’établissement, les personnels enseignants mentionnés à l’alinéa précédent sont, pour l’application des articles L. 236-1, L. 412-5, L. 421-2 et L. 431-2 du code du travail, pris en compte dans le calcul des effectifs de l’établissement, tel que prévu à l’article L. 620-10 du même code. Ils sont électeurs et éligibles pour les élections des délégués du personnel et les élections au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail et au comité d’entreprise. Ils bénéficient de ces institutions dans les conditions prévues par le code du travail (.) " ; qu’en vertu des dispositions de l’article L. 813-8 du code rural, dans leur rédaction résultant de la même loi, les mêmes règles s’appliquent aux personnels enseignants et de documentation des établissements d’enseignement agricole privés sous contrat au titre des fonctions pour lesquelles ils sont employés et rémunérés par l’Etat ;
Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article L. 1441-1 du code du travail : " Sont électeurs les salariés, les employeurs ainsi que les personnes à la recherche d’un emploi inscrites sur la liste des demandeurs d’emploi, à l’exclusion de celles à la recherche de leur premier emploi, âgés de seize ans accomplis et ne faisant l’objet d’aucune interdiction, déchéance ou incapacité relative à leurs droits civiques (.) " ;
Considérant qu’il résulte de ces dispositions combinées, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 5 janvier 2005, que les maîtres titulaires de l’enseignement public détachés ou mis à la disposition d’établissements d’enseignement privés sous contrat d’association ainsi que les maîtres contractuels de ces établissements ne sont pas, au titre des fonctions pour lesquelles ils sont employés et rémunérés par l’Etat, liés à l’établissement dans lequel ils les exercent par un contrat de travail et n’ont donc pas, à ce titre, la qualité de salarié de cet établissement, ni par suite celle d’électeur et d’éligible aux élections prud’homales ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la circulaire attaquée, relative à l’inscription sur les listes électorales prud’homales et à l’éligibilité aux élections prud’homales des maîtres et des documentalistes des établissements d’enseignement privés sous contrat, serait entachée d’illégalité en ce qu’elle exclut que ces personnels soient, au titre de ces fonctions, électeurs et éligibles aux élections aux conseils de prud’hommes, alors qu’ils sont " intégrés de façon étroite et permanente " à la communauté de travail que constitue l’établissement d’enseignement dans lequel ils les exercent, doit être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, que si les dispositions de l’article L. 442-5 du code de l’éducation permettent aux maîtres des établissements d’enseignement privés sous contrat d’exercer un mandat syndical ou des fonctions de représentation du personnel en dépit de leur qualité d’agent public, l’exercice de tels mandats ou fonctions n’est pas, par lui-même, de nature à leur conférer la qualité de salarié au sens de l’article L. 1441-1 du code du travail ; que, par suite, les syndicats requérants ne sont pas fondés à soutenir qu’en déniant aux maîtres de l’enseignement privé exerçant de telles fonctions le droit d’être électeurs et éligibles aux élections aux conseils de prud’hommes, alors qu’ils pourraient bénéficier d’heures de délégation dont le contentieux relèverait du juge prud’homal, la circulaire attaquée serait illégale ;
Considérant, en troisième lieu, que la qualité de salarié permettant d’être électeur aux élections aux conseils de prud’hommes en vertu des dispositions de l’article L. 1441-1 du code du travail est notamment subordonnée à l’existence d’une rémunération ; que, dès lors, en rappelant que " les maîtres et documentalistes qui exercent d’autres activités, pour lesquelles ils sont rémunérés par l’établissement, doivent être considérés, à raison de ces activités, comme des salariés de droit privé sous contrat avec l’établissement " et doivent ainsi se voir reconnaître la qualité d’électeurs, la circulaire attaquée a, contrairement à ce qui est soutenu, fait une exacte interprétation de ces dispositions ;
Considérant, en quatrième lieu, que les syndicats requérants ne peuvent utilement soutenir que la circulaire qu’ils attaquent introduirait une discrimination illégale entre les maîtres exerçant leurs fonctions dans un même établissement selon que celles-ci s’inscrivent dans le cadre du contrat d’association, dans le cadre d’un contrat simple ou en-dehors de tout contrat, dès lors que cette différence de traitement et de situation résulte directement de la loi ;
Considérant, en cinquième lieu, qu’en vertu de l’article L. 1441-16 du code du travail, sont éligibles aux élections aux conseils de prud’hommes " 1° Les personnes inscrites sur les listes électorales prud’homales ; / 2° Les personnes remplissant les conditions requises pour y être inscrites ; / 3° Les personnes ayant été inscrites au moins une fois sur les listes électorales prud’homales, dès lors qu’elles ont cessé d’exercer l’activité au titre de laquelle elles ont été inscrites depuis moins de dix ans (.) " ;
Considérant qu’en énonçant que le bénéfice des dispositions du 3° de l’article L. 1441-16 du code du travail était réservé aux personnes ayant cessé l’activité qui avait donné lieu à leur inscription sur les listes prud’homales depuis le 4 décembre 1998 et qui n’avait pas repris une autre activité depuis lors, le point 2. c) de la circulaire attaquée n’a pas, contrairement à ce qui est soutenu, fait une inexacte interprétation des dispositions de l’article L. 1441-16 du code du travail ;
Considérant qu’ainsi, le directeur général du travail, qui était habilité à signer la circulaire attaquée par délégation du ministre chargé du travail en vertu de l’article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement, n’a pas, ce faisant, illégalement exercé le pouvoir réglementaire ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que, sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre, la requête doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête du SYNDICAT SNPEFP-CGT, du SYNDICAT NATIONAL DE L’ENSEIGNEMENT PRIVE CFE-CGC et de la FEDERATION DES SYNDICATS DE L’ENSEIGNEMENT ET DE LA FORMATION PRIVES est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT SNPEFP-CGT, au SYNDICAT NATIONAL DE L’ENSEIGNEMENT PRIVE CFE-CGC, à la FEDERATION DES SYNDICATS DE L’ENSEIGNEMENT ET DE LA FORMATION PRIVES et au ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.
Copie en sera adressée pour information au ministre de l’éducation nationale.