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Cour administrative d’appel de Douai, 22 mai 2002, n° 98DA02264, M. Philippe D.

Si l’université soutient qu’elle souhaitait ne pas majorer la charge budgétaire que représentent ces subventions, limiter les surfaces de locaux prélevés pour des usages autres que l’enseignement, et ne pas encourager la multiplication de listes sans représentativité significative au niveau local, ces considérations d’intérêt général ne justifiaient pas légalement, à elles seules, la décision de priver les listes d’étudiants non affiliées à l’une des organisations nationales représentatives de toute aide matérielle sans tenir compte de leurs résultats aux élections universitaires.

COUR ADMINISTRATIVE DE DOUAI

N° 98DA02264

M. Philippe D.

Mme Brenne, Rapporteur

M. Evrard, Commissaire du gouvernement

Lecture du 22 Mai 2002

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

La Cour administrative de Douai,

(Xe chambre)

Vu l’ordonnance en date du 30 août 1999 par laquelle le président de la cour administrative d’appel de Nancy a, en application du décret n° 99-435 du 28 mai 1999 portant création d’une cour administrative d’appel à Douai et modifiant les articles R. 5, R. 7 et R. 8 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, alors applicables, transmis à la cour administrative d’appel de Douai la requête présentée pour M. Philippe D. par Me Velliet, avocat ;

Vu la requête, enregistrée le 30 octobre 1998 au greffe de la cour administrative d’appel de Nancy, par laquelle M. D. demande à la Cour :

1° ) d’annuler le jugement en date du 26 mai 1998, par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l’annulation des délibérations en date des 21 janvier 1994 et 8 décembre 1995 du conseil d’administration de l’université de Lille III, de la décision du président de cette université de lui attribuer des locaux et une subvention et à la condamnation de l’université à lui payer une somme de 70 000 francs en réparation du préjudice résultant de la privation des subventions escomptées au titre des années 1994 et 1995, de l’impossibilité pour sa liste d’exercer une activité syndicale et du préjudice personnel ten ant en l’impossibilité pour lui d’exercer son mandat ;

2°) d’annuler lesdites décisions et de condamner l’université à lui payer une somme de 66 000 francs, majorée des intérêts au taux légal à compter de sa demande, eux-mêmes capitalisés ;

3°) de condamner l’université à lui payer une somme de 10 000 francs en application de l’article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la loi n° 84-52 du 26 janvier 1984 sur l’enseignement supérieur ;

Vu la loi n° 89-486 du 10 juillet 1989, d’orientation sur l’éducation ;

Vu le décret n° 85-827 du 31 juillet 1985 relatif à l’ordre dans les enceintes et locaux des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel ;

Vu le décret n° 99-435 du 28 mai 1999 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience,

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 24 avril 2002 :
- le rapport de Mme Brenne, premier conseiller,
- les observations de Me Velliet, avocat, pour M. Philippe D.,
- et les conclusions de M. Evrard, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par une première délibération en date du 21 janvier 1994, le conseil de l’université de Lille III a décidé de réserver l’attribution d’un local et d’une subvention aux listes d’étudiants ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés lors des élections universitaires à condition qu’elles soient rattachées à une organisation syndicale étudiante représentative au niveau national ; que par une seconde délibération en date du 8 décembre 1995, le même conseil a décidé d’attribuer ces avantages matériels et financiers aux listes d’étudiants ayant au moins un élu, si elles sont rattachées à une liste nationale ainsi qu’à toute liste locale ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés ; que M. Philippe D., étudiant à l’université de Lille III et élu sur une liste locale, ayant obtenu, lors des élections universitaires du 13 décembre 1993, 9,23 % des suffrages exprimés et, lors des élections de novembre 1995, 6 % de ces mêmes suffrages, demande à la Cour d’annuler ces deux délibérations et de condamner l’université à l’indemniser des divers préjudices que lui a occasionnés celle du 21 janvier 1994 ;

SUR LES CONCLUSIONS A FIN D’ANNULATION :

Sur la délibération du 21 janvier 1994 :

Sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

Considérant qu’aux termes de l’article 13 de la loi du 10 juillet 1989 : " Sont regardées comme représentatives les associations d’étudiants qui ont pour objet la défense des droits et intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu’individuels, des étudiants et, à ce titre, siègent au Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche et au conseil d’administration du Centre national des uvres universitaires et scolaires Elles bénéficient d’aides à la formation des élus Elles sont associées au fonctionnement d’un observatoire de la vie étudiante qui rassemble des informations et effectue des études concernant les conditions de vie matérielle, sociale et culturelle des étudiants " ;

Considérant que contrairement à ce que soutient l’université, ces dispositions n’ont pas pour effet de conférer aux listes d’étudiants rattachées à une organisation nationale représentative et se présentant aux élections universitaires, une situation au niveau local différente de celle des listes sans lien avec ces mêmes organisations ; que si l’université soutient qu’elle souhaitait ne pas majorer la charge budgétaire que représentent ces subventions, limiter les surfaces de locaux prélevés pour des usages autres que l’enseignement, et ne pas encourager la multiplication de listes sans représentativité significative au niveau local, ces considérations d’intérêt général ne justifiaient pas légalement, à elles seules, la décision de priver les listes d’étudiants non affiliées à l’une des organisations nationales représentatives de toute aide matérielle sans tenir compte de leurs résultats aux élections universitaires ; que par suite, M. D. est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la délibération en date du 21 janvier 1994 et à demander l’annulation de ladite délibération ;

Sur la délibération du 8 décembre 1995 :

Sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

Considérant qu’aux termes de l’article 50 de la loi du 26 janvier 1984 : " Les usagers du service public de l’enseignement supérieur sont les bénéficiaires des services d’enseignement, de recherche et de diffusion des connaissances et, notamment, les étudiants inscrits en vue de la préparation d’un diplôme ou d’un concours, les personnes bénéficiant de la formation continue et les auditeurs Ils disposent de la liberté d’information et d’expression à l’égard des problèmes politiques, économiques, sociaux et culturels Ils exercent cette liberté à titre individuel et collectif, dans des conditions qui ne portent pas atteinte aux activités d’enseignement et de recherche et qui ne troublent pas l’ordre public Des locaux sont mis à leur disposition Les conditions d’utilisation de ces locaux sont définies après consultation du conseil des études et de la vie universitaire, par le président ou le directeur de l’établissement, et contrôlées par lui " ; qu’aux termes de l’article 26 de la même loi : " Le président de l’université par ses décisions, le conseil d’administration par ses délibérations, le conseil scientifique, ainsi que le conseil des études et de la vie universitaire par leurs propositions, leurs avis et leurs v ux, assurent l’administration de l’université " ; qu’aux termes de l’article 31 de la même loi : " Le conseil des études et de la vie universitaire propose au conseil d’administration les orientations des enseignements de formation initiale et continue, et instruit les demandes d’habilitations et les projets de nouvelles filières Il prépare les mesures de nature à permettre la mise en uvre de l’orientation des étudiants et la validation des acquis, à faciliter leur entrée dans la vie active, à favoriser les activités culturelles, sportives, sociales ou associatives offertes aux étudiants, et à améliorer leurs conditions de vie et de travail Il examine, notamment, les mesures relatives aux activités de soutien, aux uvres universitaires et scolaires, aux services médicaux et sociaux, aux bibliothèques et centres de documentation Il est garant des libertés politiques et syndicales étudiantes " ; qu’aux termes de l’article 4 du décret du 31 juillet 1985 : " Le règlement intérieur ou, à défaut, les autorités responsables désignées à l’article premier, fixe les règles relatives à l’accès dans les enceintes et locaux de l’établissement et dresse la liste des locaux mis à la disposition des usagers et des personnels dans les conditions prévues à l’article premier du présent décret Les conditions d’utilisation de ces locaux, ( ), sont fixées par les autorités responsables de l’ordre, après consultation du conseil des études et de la vie universitaire (...) " ;

Considérant qu’il résulte de ces dispositions combinées que le conseil des études et de la vie universitaire devait être consulté préalablement à l’adoption par le conseil de l’université de la délibération du 8 décembre 1995 décidant de mettre à la disposition des élus étudiants un local et de leur verser une subvention ; qu’une telle formalité, qui garantit l’examen concerté et pluraliste des demandes des organisations d’étudiants revêt, contrairement à ce que soutient l’université, un caractère substantiel ; qu’il suit de là que M. D. est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cette délibération et à demander l’annulation de celle-ci prise au terme d’une procédure irrégulière ;

SUR LES CONCLUSIONS DE PLEIN CONTENTIEUX :

Sur la demande de versement d’une somme de 12 000 francs, en compensation de la subvention non versée :

Considérant que la délibération du conseil de l’université en date du 29 janvier 1988, implicitement abrogée par la délibération annulée du 21 janvier 1994, ne prévoyait pas le versement d’une subvention par l’université aux listes d’étudiants ayant obtenu 5 % des suffrages exprimés lors des élections universitaires ; que les délibérations budgétaires successives prises au cours des exercices antérieurs à l’année 1994 n’ont créé aucun droit, au profit de M. D., à bénéficier d’une même subvention, en sa qualité d’étudiant élu au conseil de l’université, au titre des années 1994 et 1995 ; que, par suite, le requérant n’est pas fondé à soutenir que l’annulation de la délibération du 21 janvier 1994 lui confère le droit de bénéficier d’une subvention d’un montant global de 12 000 francs au titre de ces deux années ;

Sur les autres préjudices :

Considérant que M. D., qui n’allègue pas avoir loué un local au cours des années 1994 et 1995, pour exercer son mandat à la suite des élections universitaires, n’établit pas que le refus de l’université de lui attribuer un local à cet effet, lui a personnellement occasionné un préjudice matériel ; que par suite il n’est pas fondé à demander que l’université soit condamnée à lui payer une somme de 24 000 francs pour la location d’un tel local ;

Considérant que dans les circonstances de l’espèce, il sera fait une juste appréciation des autres préjudices subis par M. D., résultant des difficultés dans l’exercice de son mandat au cours des années 1994 et 1995, en condamnant l’université à lui payer la somme de 2 000 euros (13 119,14 francs), tous intérêts compris au jour de la présente décision ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. D.est également fondé à demander l’annulation du jugement du tribunal administratif de Lille en tant qu’il a rejeté sa demande d’indemnisation ;

SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE L 761-1 DU CODE DE JUSTICE ADMINISTRATIVE :

Considérant que les dispositions susvisées font obstacle à ce que M. D., qui n’est pas dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à l’université de Lille III, une somme au titre des frais exposées par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant que dans les circonstances de l’espèce il y a lieu de condamner l’université de Lille III à payer à M. D. une somme de 1 000 euros (6 559,57 francs), au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille en date du 26 mai 1998 est annulé.

Article 2 : Les délibérations du conseil de l’université de Lille III en date des 21 janvier 1994 et 8 décembre 1995 sont annulées.

Article 3 : L’université de Lille III est condamnée à payer à M. Philippe D. la somme de 2 000 euros (13 119,14 francs), tous intérêts compris au jour de la présente décision en réparation de ses divers préjudices indemnisables.

Article 4 : L’université de Lille III est condamnée à payer à M. Philippe D. une somme de 1000 euros (6 559,57 francs), au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Philippe D. est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Philippe D., au président de l’université de Lille III et au ministre de l’éducation nationale.

Copie sera transmise au recteur de l’académie de Lille.

 


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