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Conseil d’Etat, 24 novembre 2008, n° 291607, Société Sogea Sud

L’entrepreneur dont le contrat est entaché de nullité peut prétendre, sur un terrain quasi-contractuel, au remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s’était engagé ; que les fautes éventuellement commises par l’intéressé antérieurement à la signature du contrat sont sans incidence sur son droit à indemnisation au titre de l’enrichissement sans cause de la collectivité, sauf si le contrat a été obtenu dans des conditions de nature à vicier le consentement de l’administration, ce qui fait obstacle à l’exercice d’une telle action ; que dans le cas où la nullité du contrat résulte d’une faute de l’administration, l’entrepreneur peut en outre, sous réserve du partage de responsabilités découlant le cas échéant de ses propres fautes, prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de l’administration ; qu’à ce titre il peut demander le paiement des sommes correspondant aux autres dépenses exposées par lui pour l’exécution du contrat et aux gains dont il a été effectivement privé par sa nullité, notamment du bénéfice auquel il pouvait prétendre, si toutefois l’indemnité à laquelle il a droit sur un terrain quasi-contractuel ne lui assure pas déjà une rémunération supérieure à celle que l’exécution du contrat lui aurait procurée.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 291607

SOCIETE SOGEA SUD

Mme Agnès Fontana
Rapporteur

M. Bertrand Dacosta
Commissaire du gouvernement

Séance du 17 septembre 2008
Lecture du 24 novembre 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 7ème et 2ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 7ème sous-section de la Section du contentieux

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 mars et 25 juillet 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la société en nom collectif SOGEA SUD, dont le siège est 381 avenue du Mas d’Argelliers à Montpellier (34000) ; la société SOGEA SUD demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt du 23 janvier 2006 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté sa requête tendant à l’annulation du jugement du 17 mai 2001 du tribunal administratif de Montpellier ayant rejeté sa demande de condamnation de la société d’équipement de la région montpelliéraine (SERM) à lui verser la somme de 50 343 553, 13 francs, assortie des intérêts, au titre de prix du marché de travaux du 28 juillet 1986 relatif à la réalisation de la" structure béton" de l’opéra régional de Montpellier ;

2°) de mettre la somme de 6 000 euros à la charge de la commune de Montpellier au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n°76-87 du 21 janvier 1976 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux, ensemble ledit cahier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Agnès Fontana, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la société SOGEA SUD et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la commune de Montpellier venant aux droits de la SERM,

- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société SOGEA SUD a conclu avec la société d’équipement de la région montpellieraine (SERM) un marché de travaux pour la réalisation du lot n°50 (gros œuvre - structures en béton) en vue de l’édification d’un palais des congrès-opéra, à Montpellier ; que l’acte d’engagement a été signé le 15 octobre 1986 et le décompte général a été notifié à la société SOGEA SUD le 15 juillet 1992 ; que cette société a adressé un mémoire de réclamation le 24 juillet 1992 ; qu’en l’absence de réponse, la société SOGEA SUD a saisi le tribunal administratif de Montpellier, lequel, par jugement en date du 17 mai 2001, a rejeté sa demande ; que la cour administrative d’appel de Marseille a, par l’arrêt attaqué du 23 janvier 2006, rejeté la requête de la société SOGEA SUD au motif que sa demande présentée devant le tribunal administratif était irrecevable ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen du pourvoi ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le maire de Montpellier a signé la convention confiant à la société d’équipement de la région montpelliéraine la maîtrise d’ouvrage déléguée en vue de l’édification de l’ouvrage dit " Le Corum ", sans y être préalablement autorisé par le conseil municipal ; qu’ainsi, la convention de délégation de maîtrise d’ouvrage doit être regardée comme nulle ; qu’il en résulte que le contrat conclu le 15 octobre 1986 entre la société SOGEA SUD et la société d’équipement de la région montpellieraine pour le compte de la ville de Montpellier sur la base de cette convention de délégation de maîtrise d’ouvrage entachée de nullité est lui-même entaché de nullité ; que la cour a donc commis une erreur de droit en se fondant sur les documents contractuels entachés de nullité pour rejeter comme tardive la demande de la société SOGEA SUD ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu d’annuler l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 23 janvier 2006 ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d’Etat, s’il prononce l’annulation d’une décision d’une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut " régler l’affaire au fond si l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie " ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de régler l’affaire au fond ;

Considérant que l’entrepreneur dont le contrat est entaché de nullité peut prétendre, sur un terrain quasi-contractuel, au remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s’était engagé ; que les fautes éventuellement commises par l’intéressé antérieurement à la signature du contrat sont sans incidence sur son droit à indemnisation au titre de l’enrichissement sans cause de la collectivité, sauf si le contrat a été obtenu dans des conditions de nature à vicier le consentement de l’administration, ce qui fait obstacle à l’exercice d’une telle action ; que dans le cas où la nullité du contrat résulte d’une faute de l’administration, l’entrepreneur peut en outre, sous réserve du partage de responsabilités découlant le cas échéant de ses propres fautes, prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de l’administration ; qu’à ce titre il peut demander le paiement des sommes correspondant aux autres dépenses exposées par lui pour l’exécution du contrat et aux gains dont il a été effectivement privé par sa nullité, notamment du bénéfice auquel il pouvait prétendre, si toutefois l’indemnité à laquelle il a droit sur un terrain quasi-contractuel ne lui assure pas déjà une rémunération supérieure à celle que l’exécution du contrat lui aurait procurée ;

Considérant qu’alors même que le moyen tiré de la nullité du marché a été soulevé, la société SOGEA SUD n’a, à aucun stade de la procédure, présenté de demande au titre des dépenses utiles ou de l’indemnisation du préjudice causé par la nullité du contrat résultant d’une faute de l’administration ; qu’il en résulte que ses conclusions, qui se fondent exclusivement sur le respect des stipulations contractuelles, ne peuvent qu’être rejetées ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la société SOGEA SUD n’est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué du 17 mai 2001, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la somme demandée par la société SOGEA SUD au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens soit mise à la charge de la commune de Montpellier qui n’est pas, dans la présente affaire, la partie perdante ; que dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande présentée par la commune de Montpellier au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 23 janvier 2006 est annulé.

Article 2 : L’appel présenté par la société SOGEA SUD est rejeté, ainsi que ses conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Montpellier tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société en nom collectif SOGEA SUD et à la commune de Montpellier, venant aux droits de la société d’équipement de la région montpelliéraine.

 


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