COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE MARSEILLE
N° 00MA01056
SA SPOMC
c/ Ministre de la défense
M. BERNAULT
Président
M. FIRMIN
Rapporteur
M. BEDIER
Commissaire du gouvernement
Arrêt du 18 décembre 2003
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE MARSEILLE
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d’appel de Marseille le 18 mai 2000 sous le n° 00MA01056, présentée pour la Société Provençale de Fabrications Médico-Chirurgicales, (SPOMC), dont le siège social est 50, rue de Ruffi, à Marseille (13301), représentée par son président directeur général, domicilié ès qualité au dit siège, par la S.C.P. BONABEL, avocats ;
La Société Provençale de Fabrications Médico-Chirurgicales (SPOMC) demande à la Cour :
1°/ d’annuler le jugement du 15 mars 2000 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande dirigée contre le titre de perception n° 6 émis à son encontre le 15 décembre 1993 par le directeur du Génie de Marseille, en remboursement des frais de remise en état d’un appareil de laboratoire endommagé à l’occasion des travaux effectués à l’hôpital d’instruction des armées de Lavéran à Marseille dans le cadre d’un marché passé avec un groupement d’entreprises conjointes dont elle était mandataire ;
2°/ d’annuler pour excès de pouvoir cette décision ;
Elle soutient que sa responsabilité, en qualité de mandataire du groupement d’entreprises, ne peut revêtir qu’une nature contractuelle ; que le dommage relatif aux dégâts des eaux dont s’est prévalu l’administration postérieurement à la réception des travaux a une nature extra-contractuelle ; que l’article 44.1 du cahier des clauses administratives générales travaux ne vise que la mise en œuvre de la garantie de parfait achèvement de l’entrepreneur, obligation distincte de sa responsabilité contractuelle ; que cette obligation de parfait achèvement ne vise que les défaillances de l’entrepreneur dans le cadre de l’exécution du lot qui lui a été attribué ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense enregistré au greffe de la Cour le 26 avril 2001 présenté par le ministre de la défense ;
Le ministre de la défense demande à la Cour de rejeter la requête ; à cette fin, il soutient que les travaux ayant été réceptionnés au fur et à mesure de l’achèvement des différentes phases, dont la dernière le 5 mars 1993, la garantie de parfait achèvement visant le marché expirait le 5 mars 1994 ; qu’à la date d’émission du titre de perception, le 15 décembre 1993, les obligations contractuelles de la société mandataire n’étaient donc pas éteintes ni par la réception, ni en l’espèce par la levée des réserves ; que le lien entre les dommages causés et l’exécution des travaux n’est pas contestable ; que les désordres ont été réparés aux frais avancés par l’Etat bien avant la réception des travaux objets du marché ; que, lorsqu’un marché est confié à un groupement d’entrepreneurs conjoints, le mandataire est solidaire de chacun des autres dans les obligations contractuelles de celui-ci à l’égard du maître de l’ouvrage jusqu’à la date définie au 1 de l’article 44 du cahier des clauses administratives générales, à laquelle ces obligations prennent fin ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 25 novembre 2003 :
le rapport de M. FIRMIN, premier conseiller ;
les observations de Me BUSSI pour la société SPOMC ;
et les conclusions de M. BEDIER, premier conseiller ;
Considérant que par acte d’engagement du 23 avril 1992, l’ Etablissement du Génie de Marseille, agissant en qualité de maître d’œuvre pour le ministère de la défense, a confié à un groupement d’entreprises conjoint ayant pour mandataire la Société Provençale de Fabrications Médico-Chirurgicales, les travaux de rénovation des unités de soins de l’hôpital d’instruction des armées de Lavéran à Marseille comportant six lots dont l’exécution était divisée en cinq phases correspondant aux différents services concernés ; qu’il résulte de l’instruction qu’à la suite d’une intervention, le 6 novembre 1992, de l’entreprise Somochauf, titulaire du lot n° 3, plomberie - sanitaire, sur une conduite d’eaux usées une fuite d’eau a endommagé le plafond suspendu du laboratoire de biologie médicale, un climatiseur et un appareil médical de type " scipion " , faits signalés au mandataire par ordre de service n° 50 du 9 novembre 1992 ; que, si en avril 1993 les dommages précédemment décrits ont été repris par la société Somochauf, cette dernière n’a pas pris en charge le coût des réparations de l’appareil médical qui s’élèvent à la somme non contestée de 14.646, 62 euros ; que, nonobstant la réception des travaux en cause le maître d’œuvre a, par lettres du 28 janvier, 31 mars, 22 octobre et 2 novembre 1993, faisant suite à une mise en demeure du 26 janvier 1993, adressé à la société mandataire les factures des réparations effectuées par la société Sanofi sur l’appareil médical endommagé, puis, ces démarches étant restées vaines, a émis le titre de perception contesté ; que la Société Provençale de Fabrications Médico-Chirurgicales fait appel du jugement du 15 mars 2000 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l’annulation de ce titre de recettes ;
Considérant qu’aux termes de l’article 35 du cahier des clauses administratives générales, lequel est applicable au marché considéré en vertu de l’article 2 du cahier des clauses administratives particulières du dit marché : " L’entrepreneur a, à l’égard du maître de l’ouvrage, la responsabilité pécuniaire des dommages causés aux personnes et aux biens par la conduite des travaux ou les modalités de leur exécution, sauf s’il établit que cette conduite ou ces modalités résultent nécessairement de stipulations du marché ou de prescriptions d’ordre de service, ou sauf si le maître de l’ouvrage, poursuivi par le tiers victime de tels dommages, a été condamné sans avoir appelé l’entrepreneur en garantie devant la juridiction saisie ... " ; qu’en vertu de l’article 2, paragraphe 31, du même cahier : " (...) Les entrepreneurs groupés sont conjoints lorsque, les travaux étant divisés par lots dont chacun est assigné à l’un des entrepreneurs, chacun d’eux est engagé par le ou les lots qui lui sont assignés ; l’un d’entre eux, désigné dans l’acte d’engagement comme mandataire, est solidaire de chacun des autres dans les obligations contractuelles de celui-ci à l’égard du maître de l’ouvrage jusqu’à la date définie au 1 de l’article 44, à laquelle ces obligations prennent fin. Le mandataire représente, jusqu’à la date ci-dessus, l’ensemble des entrepreneurs conjoints, vis à vis du maître de l’ouvrage, de la personne responsable du marché et du maître d’oeuvre pour l’exécution du marché. Il assure sous sa responsabilité la coordination de ces entrepreneurs en assurant les tâches d’ordonnancement et de pilotage des travaux. (...) " et qu’enfin, aux termes du I de l’article 44 de ce cahier : " Le délai de garantie est, sauf stipulation différente du marché et sauf prolongation décidée comme il est dit au 2 du présent article d’un an à compter de la date d’effet de la réception, ou de six mois à compter de cette date si le marché ne concerne que des travaux d’entretien ou des terrassements. " ; qu’il résulte de ces dispositions que, dans le cadre d’un groupement d’entrepreneurs conjoints, le mandataire des entrepreneurs demeure vis à vis du maître de l’ouvrage solidairement responsable avec l’ensemble des entreprises du groupement pour tous les faits impliquant leur responsabilité contractuelle jusqu’à la date définie au 1 de l’article 44, soit jusqu’à l’écoulement d’un délai de un an à compter de la date d’effet de la réception, sauf stipulation différente du marché ou prolongation ; que, toutefois, cette solidarité du mandataire ne porte que sur les obligations contractuelles des entreprises du groupement ;
Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de l’instruction que la réception du lot en cause est intervenue le 21 décembre 1992 ; qu’il n’y a pas lieu de fixer à la date de la réception du dernier des lots relatifs aux travaux d’ensemble affectant l’hôpital de Lavéran le point de départ de la garantie de parfait achèvement ; que c’est donc à juste titre, comme le fait observer la société requérante, que les premiers juges ont retenu cette date ;
Considérant, en deuxième lieu, qu’il est constant que les dommages causés à l’appareil médical dont s’agit sont imputables à des fautes, d’ailleurs grossières, commises par la société Somochauf dans le cadre et à l’occasion de travaux effectués sur le lot en cause ; que ces dommages relevaient donc bien de la responsabilité contractuelle de cette société, qui était un des membres du groupement d’entreprises dont la Société Provençale de Fabrications Médico-Chirugicales se trouvait être le mandataire commun ; qu’ils étaient donc bien de nature à permettre la mise en jeu de la solidarité du mandataire commun ;
Considérant, en troisième lieu, qu’il résulte des dispositions combinées précitées des articles 31, 35 et 44 du cahier des clauses administratives générales que la solidarité du mandataire avec les entreprises du groupement a seulement pris fin à la date de l’expiration du délai de la garantie de parfait achèvement, soit en l’espèce le 21 décembre 1993 ; que, pour contester la validité du titre de perception émis à son encontre le 15 décembre 1993 par le maître d’œuvre en vue d’obtenir l’indemnisation des dommages subis, la société SPOMC se borne à soutenir en appel, comme en première instance, que l’intervention de la réception avait mis fin depuis le 21 décembre 1992 aux rapports contractuels et à la possibilité d’invoquer la solidarité du mandataire commun avec les autres entreprises ; qu’il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que ce moyen n’est pas fondé ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la société Société Provençale de Fabrications Médico-Chirurgicales, mandataire du dit groupement, n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l’annulation du titre de perception émis à son encontre le 15 mars 2000 par le maître d’œuvre en vue d’obtenir le remboursement des dommages subis ; qu’il y a lieu, par suite, de rejeter la requête ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête présentée par la Société Provençale de Fabrications Médico-Chirurgicales est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la Société Provençale de Fabrications Médico-Chirurgicales, au ministre de la défense et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.
Délibéré à l’issue de l’audience du 25 novembre 2003, où siégeaient :