format pour impression
(imprimer)

DANS LA MEME RUBRIQUE :
Conseil d’Etat, 24 juin 2002, n° 242376, Société Laser
Conseil d’Etat, 2 octobre 2002, n° 219659, M. Joseph G.
Conseil d’Etat, 2 avril 2004, n° 257392, Société Imhoff
Conseil d’Etat, 25 mars 2002, n° 187885, Société GTM-International et Société GTM-Réunion
Conseil d’Etat, 10 décembre 2003, n° 248950, Institut de recherche pour le développement
Conseil d’Etat, 30 juin 2004, n° 263402, Société nationale des chemins de fer français
Conseil d’Etat, 11 juillet 2008, n° 287590, Philippe T. et Pierre F.
Conseil d’Etat, 13 novembre 2002, n° 245354, Commune du Mans
Conseil d’Etat, 2 avril 2008, n° 277302, Société BPVR
Tribunal des conflits, 22 octobre 2001, n° 03257, Commune de Villepinte c/ Société NRG France




Conseil d’Etat, 21 janvier 2004, n° 253509, Société Aquitaine Démolition

Les dispositions de l’article 76 du code des marchés publics alors en vigueur font obligation à la personne responsable du marché de communiquer au candidat à un appel d’offres dont la candidature ou l’offre a été rejetée les motifs de ce rejet. Cette communication a notamment pour objet de permettre à l’intéressé de contester le rejet qui lui est opposé. Il en résulte qu’une méconnaissance de l’obligation de communication qui incombe à la personne responsable du marché constitue une atteinte aux obligations de publicité et de mise en concurrence dont il appartient au juge administratif, saisi en application de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, de tirer les conséquences.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 253509

SOCIETE AQUITAINE DEMOLITION

Mme Touraine
Rapporteur

M. Piveteau
Commissaire du gouvernement

Séance du 7 janvier 2004
Lecture du 21 janvier 2004

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 7ème et 2ème sous-section réunies)

Sur le rapport de la 7ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 janvier et 4 février 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la SOCIETE AQUITAINE DEMOLITION, dont le siège est 4, avenue René Descartes à Artigues près Bordeaux (33370), représentée par son président directeur général en exercice ; la SOCIETE AQUITAINE DEMOLITION demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’ordonnance du 3 janvier 2003 par laquelle le vice-président du tribunal administratif de Bordeaux, statuant en application de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à la suspension de la passation du marché à intervenir dans le cadre de l’opération de "déconstruction sélective" de 200 logements situés cité du Bousquet à Bassens, ainsi qu’à la communication de la motivation de la décision l’évinçant de ce marché ;

2°) de condamner l’OPAC Aquitanis à lui verser 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Touraine, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de la SOCIETE AQUITAINE DEMOLITION et de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de l’OPAC Aquitanis,
- les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’aux termes de l’article L.551-1 du code de justice administrative : "Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu’il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics et des conventions de délégation de service public. (...) Il peut ordonner à l’auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du contrat ou l’exécution de toute décision qui s’y rapporte. Il peut également annuler ces décisions et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations. Dès qu’il est saisi, il peut enjoindre de différer la signature du contrat jusqu’au terme de la procédure et pour une durée maximum de vingt jours (...)" ;

Considérant que la SOCIETE AQUITAINE DEMOLITION a répondu à l’appel d’offres lancé par l’office public d’aménagement et de construction de la communauté urbaine de Bordeaux AQUITANIS (OPAC Aquitanis) en vue de la "déconstruction sélective" de deux cents logements situés à Bassens (Gironde) ; qu’ayant été informée le 13 décembre 2002 du rejet de son offre, elle a sollicité par écrit auprès du maître d’ouvrage la communication des motifs de cette décision ; qu’en l’absence de réponse de l’OPAC Aquitanis, la société requérante a saisi le juge du référé pré-contractuel du tribunal administratif de Bordeaux d’une demande tendant à ce que soit ordonnée, en application de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, la communication des motifs du rejet de son offre et la suspension du marché et à ce que la procédure d’appel d’offres soit annulée ; que, par une ordonnance en date du 3 janvier 2003, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes ;

Considérant que les moyens tirés de ce que le juge des référés n’a ni visé ni analysé le mémoire de la SOCIETE AQUITAINE DEMOLITION en date du 2 janvier 2003 manquent en fait ; que l’ordonnance attaquée, dont les mentions font foi jusqu’à preuve contraire, justifie de la tenue d’une audience publique ;

Sur les conclusions tendant à l’annulation de l’ordonnance attaquée en tant qu’elle n’a pas annulé la procédure d’appel d’offres litigieuse :

Considérant qu’aux termes de l’article 65 du code des marchés publics : "La personne responsable du marché après avis de la commission d’appel d’offres pour l’Etat, ou la commission d’appel d’offres pour les collectivités territoriales, peut seulement leur demander de préciser ou de compléter la teneur de leur offre" ; que l’OPAC Aquitanis a demandé le 19 novembre 2002à l’ensemble des entreprises soumissionnaires de préciser "le coût à la tonne de béton concassé valorisé issu de la déconstruction des bâtiments, mis à disposition de l’entreprise qui sera en charge de remblayer et préparer le terrain", tout en leur rappelant l’évolution de la législation relative à l’amiante ; que, si l’entreprise requérante soutient qu’elle aurait été désavantagée par rapport à ses concurrentes, il ressort des pièces du dossier que l’ensemble des entreprises soumissionnaires s’est vu demander les mêmes précisions dans les mêmes conditions ; qu’ainsi, le juge des référés n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que l’égalité entre les candidats n’avait pas été méconnue ; que, dès lors, les conclusions tendant à l’annulation de l’ordonnance attaquée en tant qu’elle n’a pas annulé la procédure d’appel d’offres litigieuse doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l’annulation de l’ordonnance du 3 janvier 2003 en tant qu’elle n’a pas ordonné la communication des motifs de son éviction à la SOCIETE AQUITAINE DEMOLITION et suspendre la procédure de passation du marché litigieux :

Considérant que le deuxième alinéa de l’article 76 du code des marchés publics alors en vigueur dispose que : "La personne responsable du marché communique, dans un délai de quinze jours à compter de la réception d’une demande écrite, à tout candidat écarté les motifs de rejet de sa candidature ou de son offre ..." ;

Considérant que ces dispositions font obligation à la personne responsable du marché de communiquer au candidat à un appel d’offres dont la candidature ou l’offre a été rejetée les motifs de ce rejet ; que cette communication a notamment pour objet de permettre à l’intéressé de contester le rejet qui lui est opposé ; qu’il en résulte qu’une méconnaissance de l’obligation de communication qui incombe à la personne responsable du marché constitue une atteinte aux obligations de publicité et de mise en concurrence dont il appartient au juge administratif, saisi en application de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, de tirer les conséquences ; que, dès lors, en estimant qu’aucun des moyens dont il était saisi n’avait trait aux obligations de l’OPAC Aquitanis en matière de publicité et de mise en concurrence, alors que la SOCIETE AQUITAINE DEMOLITION faisait valoir devant lui n’avoir pas reçu communication des motifs du rejet de son offre malgré la demande qu’elle en avait faite, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a commis une erreur de droit ; que la SOCIETE AQUITAINE DEMOLITION est fondée à demander pour ce motif l’annulation de son ordonnance en tant qu’elle n’a pas ordonné que soient communiqués à cette société les motifs du rejet de son offre et suspendu la procédure de passation du marché litigieux ;

Considérant qu’en application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler l’affaire au titre de la procédure de référé engagée ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’OPAC Aquitanis, qui s’est abstenu de communiquer à la SOCIETE AQUITAINE DEMOLITION les motifs du rejet de son offre en réponse à la demande qu’elle lui en avait faite, a manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de lui enjoindre sur le fondement de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, de se conformer à ces obligations en communiquant à la SOCIETE AQUITAINE DEMOLITION les motifs du rejet de son offre dans un délai de quinze jours et de suspendre la procédure de passation du marché ; qu’afin de permettre à la SOCIETE AQUITAINE DEMOLITION de contester éventuellement les motifs du rejet de son offre, cette suspension est prononcée jusqu’à l’expiration d’un délai de sept jours à compter de la date à laquelle il aura été procédé à cette communication ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l’office public d’aménagement et de construction de la communauté urbaine de Bordeaux Aquitanis à payer à la SOCIETE AQUITAINE DEMOLITION la somme de 3 000 euros qu’elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que les dispositions de cet article font en revanche obstacle à la condamnation de la SOCIETE AQUITAINE DEMOLITION à payer à l’OPAC Aquitanis la somme qu’il demande à ce titre ;

D E C I D E :

Article 1er : L’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux en date du 3 janvier 2003 est annulée en tant qu’elle n’a pas ordonné que soient communiqués à la SOCIETE AQUITAINE DEMOLITION les motifs de son éviction du marché ouvert par l’office public d’aménagement et de construction de la communauté urbaine de Bordeaux et n’a pas suspendu la procédure de passation de ce marché.

Article 2 : Il est ordonné à l’office public d’aménagement et de construction de la communauté urbaine de Bordeaux Aquitanis de communiquer à la SOCIETE AQUITAINE DEMOLITION les motifs de son éviction du marché de déconstruction de logements à Bassens dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : La passation du marché de déconstruction de logements à Bassens est suspendue jusqu’à l’expiration d’un délai de sept jours à compter de la date à laquelle il sera procédé à la communication par l’office public d’aménagement et de construction de la communauté urbaine de Bordeaux Aquitanis à la société aquitaine démolition des motifs de son éviction.

Article 4 : L’office public d’aménagement et de construction de la communauté urbaine de Bordeaux Aquitanis versera la somme de 3 000 euros à la SOCIETE AQUITAINE DEMOLITION en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la SOCIETE AQUITAINE DEMOLITION est rejeté.

Article 6 : Les conclusions présentées par l’office public d’aménagement et de construction de la communauté urbaine de Bordeaux Aquitanis tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE AQUITAINE DEMOLITION et à l’Office Public d’Aménagement de la Communauté Urbaine de Bordeaux AQUITANIS.

 


©opyright - 1998 - contact - Rajf.org - Revue de l'Actualité Juridique Française - L'auteur du site
Suivre la vie du site