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Cour administrative d’appel de Nantes, 28 mars 2003, n° 00NT00470, Centre hospitalier universitaire de Caen

Les dispositions du décret du 6 décembre 1994 ne sauraient avoir pour objet ou pour effet de donner au directeur des affaires sanitaires et sociales compétence à l’effet de signer les recours gracieux adressés aux auteurs des actes soumis au contrôle de légalité du préfet prévu à l’article L.714-10 du code de la santé publique. Le préfet, qui dispose d’un pouvoir propre pour déférer au juge administratif les marchés des établissements publics de santé et les actes relatifs à ces marchés qu’il estime irréguliers, s’il peut déléguer sa signature pour l’exercice de ces recours gracieux à certains agents placés sous son autorité directe et à l’égard desquels il exerce la plénitude des attributions d’un supérieur hiérarchique, ne saurait, en revanche, consentir une telle délégation aux chefs des services des administrations civiles de l’Etat dans le département.

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE NANTES

N° 00NT00470
N° 00NT00483

Centre hospitalier universitaire de Caen

M. VANDERMEEREN
Président de la Cour

Mme JACQUIER
Rapporteur

M. MORNET
Commissaire du Gouvernement

Séance du 21 février 2003
Lecture du 28 mars 2003

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE NANTES

(4ème chambre)

Vu, 1°) la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 7 mars 2002, sous le n° 00NT00470, présentée pour le centre hospitalier universitaire de Caen, établissement public dont le siège est avenue de la Côte de Nacre, 14033 Caen Cedex, représenté par son directeur en exercice, par Me Jean-Pierre GOHON, avocat au barreau de Paris ;

Le centre hospitalier universitaire de Caen demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 98-1199 du 14 décembre 1999 par lequel le Tribunal administratif de Caen a prononcé, à la demande du préfet du Calvados, l’annulation du marché que l’établissement public requérant avait passé le 13 janvier 1998 pour la fourniture de moniteurs de surveillance des paramètres physiologiques, en tant que les lots nos 1, 6, 10, 11, 12, 13, 17 et 18 avaient été attribués à la société Hewlett Packard France ;

2°) de rejeter la demande présentée par le préfet du Calvados devant le Tribunal administratif de Caen ;

Vu, 2°), la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 9 mars 2000, sous le n° 00NT00483, présentée pour la société Hewlett Packard France, par la société civile professionnelle DEPREZ, DIAN, GUIGNOT, avocats au barreau de Paris ;

La société Hewlett Packard France demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement susmentionné du Tribunal administratif de Caen ;

2°) de rejeter la demande présentée par le préfet du Calvados devant le Tribunal administratif de Caen ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économiques et financier ;

Vu le décret n° 82-389 du 10 mai 1982, modifié, relatif aux pouvoirs des préfets et à l’action des services et organismes publics de l’Etat dans les départements ;

Vu le décret n° 94-1046 du 6 décembre 1994 relatif aux missions et attributions des directions régionales et départementales des affaires sanitaires et sociales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 21 février 2003 :
- le rapport de Mme JACQUIER, premier conseiller,
- et les conclusions de M. MORNET, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre un même jugement ; qu’il y a lieu de les joindre pour qu’elles fassent l’objet d’un seul arrêt ;

Considérant qu’aux termes de l’article L.714-10 du code de la santé publique, alors en vigueur : "Les marchés des établissements publics de santé sont exécutoires dès leur réception par le représentant de l’Etat. Celui-ci défère au tribunal administratif, dans les deux mois suivant cette réception, les décisions qu’il estime illégales..." ; qu’aux termes de l’article 4 du décret du 10 mai 1982 susvisé : "Le préfet est assisté dans l’exercice de ses fonctions d’un secrétaire général, des chefs des services déconcentrés de l’Etat, de sous-préfets, ainsi que des services de la préfecture..." ; que l’article 17 du même décret, dans sa rédaction alors en vigueur, dispose : "Le préfet peut donner délégation de signature... - 2° Aux chefs des services des administrations civiles de l’Etat dans le département ou à leurs subordonnés en ce qui concerne les matières relevant de leurs propres attributions..." ; qu’enfin, l’article 3 du décret du 6 décembre 1994 susvisé dispose : "Sous l’autorité du préfet de département, le directeur départemental des affaires sanitaires et sociales est responsable de la mise en œuvre, dans le département, des politiques sanitaires, médico-sociales et sociales définies par les pouvoirs publics. A ce titre, ses missions comprennent notamment ... 4° La tutelle et le contrôle des établissements sanitaires, médico-sociaux et sociaux" ;

Considérant que les dispositions précitées du décret du 6 décembre 1994 ne sauraient avoir pour objet ou pour effet de donner au directeur des affaires sanitaires et sociales compétence à l’effet de signer les recours gracieux adressés aux auteurs des actes soumis au contrôle de légalité du préfet prévu à l’article L.714-10 du code de la santé publique ; que le préfet, qui dispose d’un pouvoir propre pour déférer au juge administratif les marchés des établissements publics de santé et les actes relatifs à ces marchés qu’il estime irréguliers, s’il peut déléguer sa signature pour l’exercice de ces recours gracieux à certains agents placés sous son autorité directe et à l’égard desquels il exerce la plénitude des attributions d’un supérieur hiérarchique, ne saurait, en revanche, consentir une telle délégation aux chefs des services des administrations civiles de l’Etat dans le département ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le centre hospitalier et universitaire de Caen a transmis le 20 janvier 1998 au directeur départemental des affaires sanitaires et sociales du Calvados le marché qu’il avait passé en vue de la fourniture de certains matériels médicaux ; qu’ainsi, le délai du recours contentieux ouvert au préfet pour déférer ce marché au Tribunal administratif a commencé à courir à compter de cette date ; que la lettre du 20 mars 1998 par laquelle le directeur départemental a contesté auprès du directeur du centre hospitalier et universitaire l’attribution à la société Hewlett Packard France de certains des lots de ce marché n’a pas été de nature à interrompre le délai susmentionné ; que, dès lors, la demande présentée au Tribunal administratif le 3 août 1998, soit après l’expiration du délai de recours contentieux, par le préfet du Calvados en vue d’obtenir l’annulation des lots dont s’agit, n’était pas recevable ; que, par suite, l’établissement public requérant est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal a prononcé cette annulation ;

Considérant que, dès lors qu’il est fait droit aux conclusions du centre hospitalier universitaire de Caen tendant à l’annulation du jugement attaqué et au rejet de la demande présentée au Tribunal administratif de Caen par le préfet du Calvados, les conclusions de la requête de la société Hewlett Packard France tendant à l’annulation de ce jugement et au rejet de cette demande sont devenues sans objet ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Caen du 14 décembre 1999 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par le préfet du Calvados devant le Tribunal administratif de Caen est rejetée.

Article 3 : Il n’y a pas lieu de statuer sur la requête n° 00NT00483 de la société Hewlett Packard France.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier universitaire de Caen, au préfet du Calvados, à la société Philips France, venant aux droits de la société Hewlett Packard France, et au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

 


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