CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 304705
Mme T.
M. Philippe Barbat
Rapporteur
M. Yves Struillou
Commissaire du gouvernement
Séance du 8 septembre 2008
Lecture du 3 octobre 2008
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 4ème et 5ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 4ème sous-section de la Section du contentieux
Vu le pourvoi, enregistré le 12 avril 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présenté pour Mme Anne T. ; Mme T. demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler le jugement du 14 février 2007 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du 16 décembre 2003 du recteur de l’académie de Versailles rejetant sa demande de reconstitution de carrière et, d’autre part, à ce qu’il soit enjoint à ce dernier de reconstituer sa carrière par la prise en compte de son service à temps incomplet comme un service à temps complet ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 18 septembre 2008, présentée pour Mme T. ;
Vu le code de l’éducation ;
Vu le décret n° 51-1423 du 5 décembre 1951 ;
Vu le décret n° 64-217 du 10 mars 1964 ;
Vu le décret n° 78-252 du 8 mars 1978 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Philippe Barbat, Auditeur,
les observations de Me de Nervo, avocat de Mme T.,
les conclusions de M. Yves Struillou, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant qu’il ressort des mémoires présentés par Mme T. en première instance que celle-ci, à l’appui du moyen tiré de ce que le refus par le recteur de l’académie de Versailles de reconstituer sa carrière en prenant en compte son service à temps incomplet comme un service à temps complet méconnaissait le principe de parité des maîtres de l’enseignement public et de l’enseignement privé sous contrat, invoquait notamment les dispositions de l’article 15 de la loi du 31 décembre 1959 sur les rapports entre l’Etat et les établissements d’enseignement privé, codifié à l’article L. 914-1 du code de l’éducation, dont résulte ce principe, et celles de l’article 1er du décret du 8 mars 1978 fixant les règles générales déterminant les conditions de service de certains maîtres contractuels ou agréés des établissements d’enseignement privé sous contrat, qui prévoient que ces derniers sont soumis, pour la détermination de leurs conditions de service, aux dispositions applicables aux personnels de l’enseignement public ; qu’ainsi, en jugeant que Mme T. ne se prévalait, à l’appui du moyen mentionné ci-dessus, de la méconnaissance d’aucune disposition législative ou réglementaire et que ce moyen devait, par suite, être écarté faute d’être assorti des précisions suffisantes permettant d’en apprécier le bien-fondé, le tribunal administratif de Paris a dénaturé les écritures dont il était saisi ; qu’il s’ensuit que le jugement du 14 février 2007 de ce tribunal doit être annulé ;
Considérant qu’il y a lieu, pour le Conseil d’Etat, de régler l’affaire au fond en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 914-1 du code de l’éducation : "Les règles générales qui déterminent les conditions de service et de cessation d’activité des maîtres titulaires de l’enseignement public, ainsi que les mesures sociales et les possibilités de formation dont ils bénéficient, sont applicables également et simultanément aux maîtres justifiant du même niveau de formation, habilités par agrément ou par contrat à exercer leur fonction dans des établissements d’enseignement privés liés à l’Etat par contrat. Ces maîtres bénéficient également des mesures de promotion et d’avancement prises en faveur des maîtres de l’enseignement public." ; qu’il résulte de ces dispositions que, lorsque les maîtres enseignant dans les établissements privés sous contrat sont intégrés, en application de l’article 5-7 du décret du 10 mars 1964, par liste d’aptitude dans l’échelle de rémunération des professeurs certifiés, les années d’enseignement effectuées par ces maîtres avant cette intégration doivent être prises en compte, pour le calcul de leur ancienneté, selon des règles identiques à celles applicables aux agents titularisés dans le corps des professeurs certifiés et définies par le décret du 5 décembre 1951 ;
Considérant, d’une part, que ni les dispositions du décret du 5 décembre 1951 applicables aux enseignants ayant appartenu, antérieurement à leur titularisation dans un corps de l’enseignement du ministère de l’éducation nationale, à un autre corps relevant de ce ministère, ni celles de l’article 7 bis du même décret applicables aux agents ayant accompli, avant leur titularisation, des services dans les établissements privés, ni enfin celles de l’article 11 du même décret applicables aux agents ayant été, avant leur titularisation, maîtres auxiliaires de l’enseignement public, ne prévoient que les services accomplis à temps incomplet soient pris en compte, pour le reclassement, comme des services à temps complet ;
Considérant, d’autre part, que Mme T. ne peut utilement invoquer ni les dispositions applicables aux services accomplis à temps partiel, à la demande d’un agent, ni celles de l’instruction du 18 février 1991 du ministre de l’éducation nationale, dès lors que cette instruction n’a pu légalement modifier les dispositions statutaires de l’article 11 du décret du 5 décembre 1951 ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme T. n’est pas fondée à demander l’annulation de la décision du 16 décembre 2003 par laquelle le recteur de l’académie de Versailles a rejeté sa demande tendant à ce que sa reconstitution de carrière soit effectuée en prenant en compte ses services à temps incomplet comme des services à temps complet ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 14 février 2007 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme T. devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de Mme T. tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Anne T. et au ministre de l’éducation nationale.