CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 305782
M. W.
M. Philippe Barbat
Rapporteur
M. Rémi Keller
Commissaire du gouvernement
Séance du 13 octobre 2008
Lecture du 14 novembre 2008
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 4ème et 5ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 4ème sous-section de la Section du contentieux
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 mai et 20 août 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Edouard W. ; M. W. demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt du 28 décembre 2006 par lequel la cour administrative d’appel de Nantes a rejeté sa requête tendant, d’une part, à l’annulation du jugement du 25 mai 2005 du tribunal administratif de Nantes rejetant sa demande tendant à l’annulation de la décision du 16 avril 2002 du directeur de l’école nationale supérieure des techniques industrielles et des mines de Nantes décidant de ne pas renouveler son contrat de professeur associé de première catégorie au-delà du 30 juin 2002, ainsi que ladite décision et, d’autre part, à enjoindre à l’école de procéder à sa réintégration sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de l’arrêt à intervenir ;
2°) de mettre à la charge de l’école nationale supérieure des techniques industrielles et des mines de Nantes la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu le décret n° 70-663 du 10 juillet 1970 modifié ;
Vu le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;
Vu le décret n° 91-1037 du 8 octobre 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Philippe Barbat, Auditeur,
les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M. W. et de la SCP Laugier, Caston, avocat de l’Ecole nationale supérieure des techniques industrielles et des mines de Nantes,
les conclusions de M. Rémi Keller, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 4 du décret du 10 juillet 1970 applicable au recrutement de personnels associés dans les écoles nationales supérieures des techniques industrielles et des mines : "La nomination des personnels associés est prononcée par arrêté du ministre chargé de l’industrie après avis du conseil d’administration (.)" ;
Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 18 du décret du 8 octobre 1991 relatif à l’école nationale supérieure des techniques industrielles et des mines de Nantes : "Le directeur dirige l’établissement, le représente en justice et à l’égard des tiers dans tous les actes de la vie civile. Il exerce toutes les compétences qui ne sont pas attribuées à une autre autorité par le présent décret, notamment : 1° Il prépare et exécute les décisions du conseil d’administration ; 2° Il a autorité sur l’ensemble des personnels de l’établissement et nomme à toutes les fonctions pour lesquelles aucune autre autorité n’a reçu pouvoir de nomination [.]" ; et qu’aux termes de l’article 4-2 du règlement intérieur de l’école nationale supérieure des techniques industrielles et des mines de Nantes, le directeur "organise le recrutement des personnels titulaires ou contractuels d’Etat, ainsi que des contractuels propres de l’établissement [.]" ;
Considérant qu’il résulte de ces dispositions, applicables à la nomination et au renouvellement du contrat des professeurs associés des écoles nationales supérieures des techniques industrielles et des mines, que le renouvellement d’un engagement de professeur associé dans une de ces écoles est prononcé par arrêté du ministre chargé de l’industrie après avis du conseil d’administration ; que, saisi par un professeur associé, dont l’engagement est parvenu à son terme, d’une demande de renouvellement, le directeur de l’école doit transmettre cette demande au conseil d’administration ; qu’il ne tient, en revanche, d’aucune disposition le pouvoir de rejeter une telle demande ; qu’il résulte de ce qui précède qu’en affirmant que le directeur disposait de ce pouvoir, la cour administrative d’appel de Nantes a entaché sa décision d’une erreur de droit ; que, dès lors, M. W. est fondé à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ;
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l’affaire au fond ;
Considérant qu’ainsi qu’il vient d’être dit, le directeur de l’école nationale supérieure des techniques industrielles et des mines de Nantes n’était pas compétent pour rejeter, comme il l’a fait par la décision attaquée du 16 avril 2002, la demande de renouvellement de l’engagement comme professeur associé que lui avait présentée M. W. ; que, par suite, M. W. est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision attaquée ;
Sur les conclusions à fin d’injonction :
Considérant que l’annulation de la décision attaquée ne confère à M. W. aucun droit au renouvellement de son engagement ; qu’il appartient, en revanche, en exécution de la présente décision, au directeur de l’école nationale supérieure des techniques industrielles et des mines de Nantes de transmettre au conseil d’administration la demande de renouvellement présentée par M. W. ; qu’il y a lieu d’enjoindre au directeur de l’école de procéder à cette transmission dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. W. qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande l’école nationale supérieure des techniques industrielles et des mines de Nantes au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l’école nationale supérieure des techniques industrielles et des mines de Nantes la somme de 3 000 euros que demande M. W. au même titre ;
D E C I D E :
Article 1er : L’arrêt du 28 décembre 2006 de la cour administrative d’appel de Nantes, le jugement du 25 mai 2005 du tribunal administratif de Nantes et la décision du 16 avril 2002 du directeur de l’école nationale supérieure des techniques industrielles et des mines de Nantes sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au directeur de l’école nationale supérieure des techniques industrielles et des mines de Nantes de transmettre au conseil d’administration de l’école, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, la demande de renouvellement de l’engagement en qualité de professeur associé présentée par M. W..
Article 3 : L’école nationale supérieure des techniques industrielles et des mines de Nantes versera à M. W. la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative par l’école nationale supérieure des techniques industrielles et des mines de Nantes sont rejetées.
Article 5 : Le surplus des conclusions de M. W. est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Edouard W., à l’école nationale supérieure des techniques industrielles et des mines de Nantes et à la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.