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Le candidat a unique qualité pour agir devant le juge judiciaire des référés contre l’affichage sauvage.

Par Benoît TABAKA
Chargé d’enseignements à l’Université de Paris V - René Descartes et Paris X - Nanterre

Les opinions exprimées dans cet article sont uniquement celles de l’auteur et ne sauraient engager la responsabilité de son employeur.

Le maire de la commune n’a pas qualité à agir en référé, devant le juge judiciaire, pour obtenir l’enlèvement des affiches apposées en dehors des panneaux obligatoires. Il ne fait preuve, en effet, d’aucun préjudice direct en sa qualité de premier magistrat de la commune.

Référence : CA Versailles, 14 février 2001

Le maire a-t-il compétence pour agir contre l’affichage électoral sauvage ? Telle était la question posée à la Cour d’appel de Versailles statuant en référé qui, dans son arrêt du 14 février 2001, a répondu par la négative.

L’article L. 51 pose le principe selon lequel « pendant les trois mois précédant le premier jour du mois d’une élection et jusqu’à la date du tour de scrutin où celle-ci est acquise, tout affichage relatif à l’élection, même par affiches timbrées, est interdit en dehors de cet emplacement ou sur l’emplacement réservé aux autres candidats ». Toute violation de cette disposition est susceptible d’une condamnation du candidat à une amende d’un montant de 60.000 F, par application des dispositions de l’article L. 90 du Code électoral.

Une application assez disparate a été réalisée par les diverses autorités judiciaires. Le Conseil d’Etat ne sanctionne pas systématiquement toute violation de cette interdiction. Il vérifiera si, eu égard à l’écart de voix opposant les deux candidats, la violation a été de nature à vicier la sincérité du scrutin. Le juge de l’élection, que ce soit le Conseil d’Etat ou le Conseil constitutionnel, a ainsi ignoré de telles violations dès lors que des abus analogues ont été commis par les candidats adverses [CE, 19 juin 1998, Elections municipales de Vitrolles], ou que cela a été réalisé par l’apposition d’affiches à l’effigie du candidat élu en dehors des emplacements prévus à cet effet [CE, 24 janvier 1984, M. Boisel c/ M. Genies] comme sur des panneaux publicitaires [CE, 24 octobre 1986, Elections municipales de Cagnes-sur-Mer] ou sur la vitrine de la permanence électorale [CC, 28 octobre 1997, décision n° 97-2555 AN, Moselle (7e circ)].

De son côté, le juge judiciaire a acquis par sa jurisprudence une compétence dans ce domaine, hormis celle de réprimer pénalement les violations des dispositions impératives. Se fondant sur l’article 809 du Nouveau code de procédure civile, le président du Tribunal de grande instance peut ordonner sous astreinte l’enlèvement d’affiches apposées hors des emplacements réservés [pour une application : TGI Carcassonne, ordonnance de référé, 2 novembre 1990]. Pour qu’une telle décision puisse intervenir, deux conditions doivent être réunies. Tout d’abord, il doit exister un trouble manifestement illicite – ici concrétisé par la violation des dispositions de l’article L. 51 du Code électoral. Ensuite, ce trouble manifestement illicite doit causer personnellement au requérant un préjudice personnel.

Pour la première fois, un juge s’est penché sur les conditions entourant l’existence d’un préjudice personnel au requérant. La Cour d’appel de Versailles a estimé, dans son arrêt du 14 février 2001, que le maire n’avait pas d’intérêt à demander l’enlèvement des affiches, celui-ci n’étant pas lésé personnellement en sa qualité de premier magistrat de la commune.

Il est possible de déduire de cette solution que seul le candidat peut avoir intérêt à agir au travers d’une telle voie. En effet, il subit au travers l’affichage sauvage un préjudice personnel et direct du fait de la violation du principe d’égalité. Le maire – même candidat – dès lors qu’il agirait ès-qualité tout comme le préfet ou un électeur seraient irrecevables. Pourtant, le maire ne subit-il pas un préjudice dès lors que les affiches seraient apposées sur les murs des bâtiments communaux ? Un électeur ou le propriétaire d’un panneau d’affichage ne sont-ils pas lésés du fait de l’affichage sauvage opéré sur leurs murs ? La solution de la Cour d’appel ne doit pas permettre d’en tirer un principe irrévocable. Des personnes, autres que le candidat, peuvent subir des préjudices directs et sont, en conséquence, en droit d’obtenir du juge la cessation immédiate d’un tel trouble manifestement illicite.

© - Tous droits réservés - Benoît TABAKA - 15 février 2001

 


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