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L’utilisation par les candidats de fichiers nominatifs

Par Benoît TABAKA
Chargé d’enseignements à l’Université de Paris V - René Descartes et Paris X - Nanterre

Les opinions exprimées dans cet article sont uniquement celles de l’auteur et ne sauraient engager la responsabilité de son employeur.

Les candidats ont le droit d’obtenir du maire communication d’une copie de la liste électorale. Le maire n’est pas pour autant obligé de communiquer de façon distincte pour chaque bureau de vote une copie de la liste électorale et les tableaux rectificatifs. L’utilisation à des fins politiques des autres fichiers constitués dans le cadre d’une mission de service public est prohibée.

Référence : Communiqué de presse de la CNIL du 22 février 2001 & CE, Ordonnance de référé, 7 février 2001, Commune de Pointe-à-Pitre, n° 229921 et 229922

Un candidat peut-il librement utiliser les fichiers informatiques ? Cette interrogation a eu l’occasion de se poser notamment dans le cadre du renouvellement général du conseil municipal de Toulouse, l’ancien maire étant poursuivi pour détournement de fichier, à la suite de l’envoi aux candidats d’une liste comportant les noms des délégués de parents d’élèves.

Saisissant la balle au vol, la Commission nationale de l’informatique et des libertés a, par un communiqué en date du 22 février 2001, rappelé les dispositions de sa délibération en date du 3 décembre 1996 relative à l’utilisation de fichiers à des fins politiques au regard de la loi du 6 janvier 1978.

Concernant cette utilisation, le Code électoral institue le principe selon lequel tout électeur, candidat ou parti politique peut obtenir, auprès du maire de la commune, communication et copie de la liste électorale. Cette communication peut notamment se faire au travers de la remise aux demandeurs autorisés d’une copie de la liste électorale sur un support informatique [CE, 3 janvier 1975, Pietri]. Comme précisé par le Conseil d’Etat dans son ordonnance de référé en date du 7 février 2001, « les dispositions des articles L. 28 et R. 10 du code électoral, qui ouvrent au profit des électeurs, des candidats et des groupements et partis politiques un droit à la communication de la liste électorale et des rectifications qui lui sont apportées chaque année par la commission administrative, ont pour objet de concourir à la libre expression du suffrage ». En raison de l’existence du lien étroit entre la libre expression du suffrage et la communicabilité de la liste électorale, le Conseil d’Etat n’hésite pas à sanctionner les maires récalcitrants. Tel est le cas lorsque le maire refuse toute reproduction de la liste électorale alors que la mairie est dotée de moyens de reprographie [CE, 26 janvier 1994, M. Perez], ou lorsque le maire n’ouvre à l’électeur que la seule possibilité de recopier à la main les données figurant sur la liste électorale [TA Versailles, 7 mars 1989, Dame Prieur c/ Commune de Paray-Vieille-Poste] Le maire n’est pas pour autant obligé de communiquer de façon distincte pour chaque bureau de vote une copie de la liste électorale et les tableaux rectificatifs [CE, Ordonnance de référé, 7 février 2001, Commune de Pointe-à-Pitre].

Selon la CNIL, cette copie de la liste électorale peut être utilisée pour s’adresser aux électeurs à condition que les candidats n’opèrent pas de tris afin de déterminer l’appartenance de tel ou tel électeur à une communauté ethnique ou religieuse, notamment en se basant sur son nom patronymique.

Par ailleurs, comme précisé dans la délibération de 1996, la constitution d’un fichier informatique à partir des informations issues de la liste électorale n’est en aucune façon soumise à l’obligation de déclaration préalable auprès de la CNIL à condition qu’aucune information étrangère à la liste électorale n’y soit ajoutée. Si le candidat utilise cette liste pour faire parvenir du courrier aux électeurs, ce courrier devra indiquer clairement que les coordonnées ont été obtenues à partir d’une copie de la liste électorale.

En outre, un second fichier est mis à la disposition des candidats dans le cadre de leur campagne électorale. Il s’agit de l’annuaire téléphonique. Néanmoins, la CNIL a souhaité rappeler que l’article R. 10-1 du Code des postes et télécommunications proscrit l’usage par quiconque, notamment à des fins de communication politique, des coordonnées des personnes qui se sont inscrites en liste orange, la fameuse liste indiquant que l’abonné ne souhaite recevoir aucune sollicitation commerciale. Un problème de taille se pose alors au candidat puisque l’annuaire téléphonique dans sa version papier, sa version disponible sur Minitel ou Internet, n’opère aucune distinction entre les abonnés traditionnels et ceux ayant désiré figurer sur la liste orange. A ce problème quasi-insoluble, la CNIL recommande aux candidats de s’adresser directement auprès de France Télécom afin que l’opérateur fournisse une liste des abonnés, expurgée des coordonnées des personnes figurant en liste orange.

Ensuite, comme pour faire écho à l’affaire qui fit grand bruit à Toulouse, la CNIL a rappelé dans son communiqué, le contenu de l’article 226-21 du Code pénal qui punit toute utilisation à des fins politiques, de fichiers constitués dans le cadre d’une mission de service public. Ainsi, « les registres d’état civil, les rôles des impôts, les fichiers d’aide sociale ou les fichiers de parents d’élèves » ne devront en aucun cas être mis à la disposition de candidats pour être utilisés à des fins de propagande politique. Un fichier échappe pourtant à cette exception : les listes d’émargement du premier tour. En effet, l’usage républicain autorise la consultation par tout candidat ou parti politique, de ces listes pour leur permettre de s’adresser aux abstentionnistes. La CNIL recommande néanmoins, la destruction de ces listes à l’issue du second tour.

Pour autant, la violation de ces prescriptions ne sera pas susceptible d’avoir des conséquences sur le contentieux devant le juge de l’élection. En effet, le Conseil d’Etat a déjà jugé que la violation par un candidat des prescriptions de la CNIL en matière d’utilisation de fichiers informatiques n’est pas susceptible de fausser les résultats du scrutin [CE, 16 mars 1984, Elections municipales de Marseille]

© - Tous droits réservés - Benoît TABAKA - 23 février 2001

 


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