CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 285281
M. D.
M. Pierre Chaubon
Rapporteur
M. Yann Aguila
Commissaire du gouvernement
Séance du 27 juin 2008
Lecture du 18 juillet 2008
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 6ème et 1ère sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 6ème sous-section de la Section du contentieux
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 septembre 2005 et 19 janvier 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Franck D. ; M. D. demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision du 29 juin 2005, par laquelle la commission nationale instituée pour l’application de l’article 7 bis de l’ordonnance du 19 septembre 1945 a refusé de l’autoriser à demander son inscription au tableau de l’Ordre des experts-comptables ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l’Ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d’expert-comptable ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;
Vu le décret n° 70-147 du 19 février 1970 relatif à l’Ordre des experts comptables et des comptables agréés ;
Vu le décret n° 2001-492 du 6 juin 2001, pris pour l’application du chapitre II du titre II de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 et relatif à l’accusé de réception des demandes présentées aux autorités administratives ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Pierre Chaubon, Maître des Requêtes,
les observations de la SCP Parmentier, Didier, avocat de M. D.,
les conclusions de M. Yann Aguila, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’aux termes de l’article 7 bis de l’ordonnance du 19 septembre 1945 portant institution de l’Ordre des experts-comptables : " Les personnes ayant exercé une activité comportant l’exécution de travaux d’organisation ou de révision de comptabilité, et qui ont acquis de ce fait une expérience comparable à celle d’un expert-comptable particulièrement qualifié, pourront être autorisées à demander (.) leur inscription au tableau de l’ordre en qualité d’expert-comptable " ; qu’aux termes de l’article 2 du décret du 19 février 1970, pris pour l’application de ces dispositions : " Les personnes visées à l’article 7 bis de l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 (.) peuvent demander l’autorisation de s’inscrire au tableau de l’ordre en qualité d’expert-comptable lorsqu’elles remplissent l’une des conditions suivantes : (.) 3 - Justifier de quinze ans d’activité dans l’exécution de travaux d’organisation ou de révision de comptabilité, dont cinq ans au moins dans des fonctions ou missions comportant l’exercice de responsabilités importantes d’ordre administratif, financier et comptable " ; que, par la décision du 29 juin 2005 dont M. D. demande l’annulation, la commission nationale instituée pour l’application de l’article 7 bis de l’ordonnance du 19 septembre 1945 a confirmé, faute pour le requérant d’avoir justifié de l’exercice, pendant cinq ans au moins, de responsabilités importantes dans les domaines administratif, financier et comptable, la décision du 19 octobre 2004 par laquelle la commission régionale d’Ile-de-France de l’Ordre des experts-comptables a refusé de l’autoriser à demander son inscription au tableau de l’ordre des experts-comptables ;
Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 2 du décret du 6 juin 2001 :
Considérant que si le requérant soutient que la commission nationale a méconnu l’article 2 du décret du 6 juin 2001, pris pour l’application de l’article 19 de la loi du 12 avril 2000, qui impose à l’administration, à peine d’illégalité de sa décision, lorsque la demande est incomplète, d’indiquer au demandeur, dans l’accusé de réception, les pièces manquantes dont la production est requise pour l’instruction de sa demande, il ressort des pièces du dossier que la commission nationale ne s’est pas fondée sur l’absence de documents ou de justificatifs nécessaires à l’instruction du dossier de M. D. mais sur l’insuffisance de la valeur probante de ceux soumis à son appréciation quant au niveau des responsabilités qu’il avait exercées ; que, dès lors, le moyen doit être écarté ;
Sur le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation :
Considérant qu’il résulte de l’article 2 du décret du 19 février 1970 que la commission nationale doit apprécier le caractère important des responsabilités d’ordre administratif, financier et comptable exercées par un candidat pendant au moins cinq ans ; qu’à ce titre il appartient à la commission de se référer notamment à la nature des fonctions et des missions exercées par le candidat, à la position hiérarchique qu’il occupe ou a occupée dans les sociétés qui l’ont employé, à son degré d’autonomie, compte tenu éventuellement des délégations et procurations dont il a bénéficié, à l’importance des entreprises clientes et à la responsabilité assumée à leur égard par l’intéressé ; que ces éléments, examinés à partir des documents, attestations et justificatifs produits par le candidat à l’appui de sa demande, sont à combiner avec la dimension des sociétés dans lesquelles il a exercé ses fonctions, appréciée notamment à travers leur chiffre d’affaires, les effectifs de leurs collaborateurs ainsi que le nombre et la taille des entreprises qu’elles ont comme clients ;
Considérant, d’une part, qu’il ressort des pièces du dossier que M. D. a exercé des fonctions de directeur adjoint de bureaux secondaires de la société KPMG Fiduciaire de France à Mantes-la-Jolie de 1993 à 1996, avec 5 collaborateurs, puis à Paris-Ile-de-France de 1998 à 2000, avec 9 collaborateurs ; que le requérant ne peut être regardé, dans ces conditions, comme ayant exercé des responsabilités importantes au sens de l’article 2 du décret du 19 février 1970 ; qu’à supposer, d’autre part, que les fonctions exercées par M. D. depuis le 1er janvier 2001, en qualité de gérant du cabinet de commissariat aux comptes Audit Finances et d’associé du cabinet d’expertise comptable Alain Cletz Conseils, puissent être regardées comme comportant l’exercice de responsabilités importantes, la durée d’exercice de ces responsabilités aurait en tout état de cause été insuffisante à la date de la décision attaquée pour satisfaire à la condition de cinq années prévue par le décret ; qu’il suit de là que la commission nationale, en estimant que le requérant ne pouvait se prévaloir de l’exercice, pendant cinq ans au moins, de responsabilités importantes dans les domaines administratif, financier et comptable, n’a pas entaché sa décision d’erreur manifeste d’appréciation ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. D. n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision attaquée et qu’il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. D. est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Franck D., au président de la commission nationale instituée pour l’application de l’article 7 bis de l’ordonnance du 19 septembre 1945 et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.