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Conseil d’Etat, 30 décembre 2003, n° 257546, Société Arab Bank PLC

Les dispositions de l’article L. 613-6 du code monétaire et financier ne limitent pas la mise en œuvre de la procédure d’injonction au seul cas où un établissement de crédit n’a pas respecté une norme de gestion obligatoire établie par le comité de la réglementation bancaire et financière. Une injonction peut être adressée à un établissement dès lors que les informations dont dispose la commission bancaire font apparaître que son équilibre financier est compromis ou que ses méthodes de gestion ne sont pas satisfaisantes.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 257546

SOCIETE ARAB BANK PLC

M. Dacosta
Rapporteur

M. Guyomar
Commissaire du gouvernement

Séance du 3 décembre 2003
Lecture du 30 décembre 2003

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 6ème et 4ème sous-section réunies)

Sur le rapport de la 6ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête, enregistrée le 6 juin 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par la SOCIETE ARAB BANK PLC, dont le siège est 26, avenue des Champs Elysées à Paris (75008), représentée par son président directeur général en exercice ; la SOCIETE ARAB BANK PLC demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision, notifiée par lettre en date du 8 avril 2003, par laquelle la commission bancaire lui a enjoint, en application de l’article L. 613-16 du code monétaire et financier, de prendre toutes mesures destinées à renforcer sa situation financière, en ramenant le coefficient d’exploitation à un niveau inférieur à 80 % à compter du 31 décembre 2003 ;

2°) de condamner l’Etat à lui verser une somme de 30 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Dacosta, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la commission bancaire et du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie,
- les conclusions de M. Guyomar, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 613-1 du code monétaire et financier : "La commission bancaire est chargée de contrôler le respect par les établissements de crédit des dispositions législatives et réglementaires qui leur sont applicables et de sanctionner les manquements constatés. Elle examine les conditions de leur exploitation et veille à la qualité de leur situation financière. Elle veille au respect des règles de bonne conduite de la profession..." ; qu’aux termes de l’article L. 613-16 du même code : "La commission bancaire peut ... adresser à tout établissement de crédit ... une injonction à l’effet notamment de prendre dans un délai déterminé toutes mesures destinées à restaurer ou renforcer sa situation financière, à améliorer ses méthodes de gestion ou à assurer l’adéquation de son organisation à ses activités ou à ses objectifs de développement" ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée, par laquelle il a été enjoint à la succursale parisienne de la SOCIETE ARAB BANK PLC, en application des dispositions susmentionnées de l’article L. 613-16 du code monétaire et financier, de prendre toutes mesures destinées à renforcer sa situation financière en ramenant son coefficient d’exploitation à un niveau inférieur à 80 % à compter du 31 décembre 2003, a été prise par la commission bancaire lors de sa séance du 25 février 2003 au cours de laquelle l’ensemble de ses membres étaient présents ou représentés ; qu’ainsi le moyen tiré de l’irrégularité de la composition de la commission bancaire ne peut qu’être écarté ;

Considérant qu’aux termes de l’article 1er de la loi du 12 avril 2000 : "Sont considérés comme autorités administratives au sens de la présente loi les administrations de l’Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics à caractère administratif, les organismes de sécurité sociale et les autres organismes chargés de la gestion d’un service public administratif" ; qu’aux termes du second alinéa de l’article 4 de la même loi : "Toute décision prise par l’une des autorités administratives mentionnées à l’article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci" ; que la commission bancaire, qui est une autorité administrative au sens de l’article 1er de la loi du 12 avril 2000, est en conséquence soumise aux prescriptions de l’article 4 de cette loi ; que, s’agissant d’une autorité de caractère collégial, il est satisfait aux exigences découlant de celles-ci dès lors que les décisions que prend la commission portent la signature de son président, accompagnée des mentions, en caractères lisibles, prévues par cet article ; qu’il ressort des pièces du dossier que la notification, le 9 avril 2003, par le président de la commission bancaire de la décision prise par celle-ci dans sa séance du 25 février répond à ces exigences ; que, par suite, le moyen tiré par la requérante de leur méconnaissance doit être écarté ;

Considérant qu’aux termes de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 : "Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public n’interviennent qu’après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales..." ; qu’il ressort des pièces du dossier que le directeur général de la succursale parisienne de la SOCIETE ARAB BANK PLC a été invité, par lettre du 25 novembre 2002 du secrétaire général de la commission bancaire, à faire valoir ses observations, ce qu’il a d’ailleurs fait par deux lettres en date des 13 décembre 2002 et 6 février 2003, et avisé de ce qu’il pouvait, s’il le voulait, être entendu par le chef du service des établissements de crédit généraux, ce qui a été fait à l’occasion d’une réunion tenue le 11 décembre 2002 ; que les dispositions précitées n’imposent pas que la personne vis-à-vis de laquelle il est envisagé de prendre une décision soit entendue par l’autorité investie du pouvoir de décision elle-même, dès lors que celle-ci, avant de se prononcer, prend connaissance des observations écrites et orales formulées par l’intéressé ; que, par suite, le fait que le directeur général de la succursale parisienne de la SOCIETE ARAB BANK PLC ait été entendu par les services de la commission et non par un membre de celle-ci est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, dès lors qu’il n’est pas contesté que ses observations écrites et orales ont été portées à la connaissance des membres de la commission ; que la circonstance qu’un délai de plus de deux mois s’est écoulé entre le moment où le directeur général de la succursale parisienne de la SOCIETE ARAB BANK PLC a fait part de ses observations et la date à laquelle la commission s’est prononcée n’est pas, par elle-même, de nature à entacher d’irrégularité l’injonction attaquée ; qu’ainsi les moyens tirés de la méconnaissance des exigences de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 ne peuvent qu’être écartés ;

Considérant que les dispositions de l’article L. 613-6 du code monétaire et financier ne limitent pas la mise en œuvre de la procédure d’injonction au seul cas où un établissement de crédit n’a pas respecté une norme de gestion obligatoire établie par le comité de la réglementation bancaire et financière ; qu’une injonction peut être adressée à un établissement dès lors que les informations dont dispose la commission bancaire font apparaître que son équilibre financier est compromis ou que ses méthodes de gestion ne sont pas satisfaisantes ; qu’en l’espèce, il ressort des pièces du dossier que le coefficient d’exploitation de la succursale parisienne de la SOCIETE ARAB BANK PLC, soit le rapport entre les frais généraux et les dotations nettes aux amortissements, d’une part et, son produit d’exploitation d’autre part, a connu une importante dégradation en 2002 ; que, dès lors, la commission bancaire n’a pas commis d’erreur de droit en lui adressant, sur le fondement de l’article L. 613-16 du code monétaire et financier, une injonction d’avoir à ramener son coefficient d’exploitation à 80 % fin 2003 ;

Considérant que les succursales en France d’établissements de crédit étrangers dont le siège n’est pas situé dans un Etat membre de l’Union européenne doivent obtenir l’agrément du comité des établissements de crédit et des entreprises d’investissement ; que la commission bancaire, lorsqu’elle se fonde, pour adresser une injonction à la succursale d’un tel établissement en vue de restaurer ou renforcer sa situation financière, sur le critère du coefficient d’exploitation, ne doit prendre en considération que le seul coefficient d’exploitation de la succursale agréée, et non le coefficient d’exploitation consolidé de l’établissement ; que si la commission bancaire peut tenir compte, le cas échéant, dans le cadre d’une appréciation globale de la situation financière de la succursale, des garanties qu’est susceptible de lui fournir l’établissement dont elle dépend, dès lors que les éléments produits sont suffisamment précis et fiables, il ressort des pièces du dossier, et en particulier de celles qui lui avaient été communiquées par la succursale parisienne de la SOCIETE ARAB BANK PLC, que la commission bancaire ne disposait pas d’éléments suffisamment précis pour apprécier la valeur des garanties offertes par cette dernière société dont le siège est à Amman (Jordanie) ; qu’elle a donc pu légalement s’abstenir de les prendre en compte ;

Considérant qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que la commission bancaire aurait commis une erreur d’appréciation en estimant que les mesures proposées par la succursale parisienne de la SOCIETE ARAB BANK PLC reposaient sur une vision trop optimiste de son évolution envisageable et n’étaient donc pas de nature à permettre une diminution suffisante de son coefficient d’exploitation ;

Considérant, enfin, que la commission bancaire n’a pas entaché sa décision d’une erreur d’appréciation en enjoignant à la succursale parisienne de la SOCIETE ARAB BANK PLC de ramener son coefficient d’exploitation à 80 % dans le délai fixé, qui laissait huit mois au destinataire de l’injonction pour prendre les mesures nécessaires ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la société requérante n’est pas fondée à demander l’annulation de la décision attaquée ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la SOCIETE ARAB BANK PLC la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SOCIETE ARAB BANK PLC est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au directeur général de la succursale parisienne de la SOCIETE ARAB BANK PLC, à la commission bancaire et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

 


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