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Conseil d’Etat, 3 décembre 2003, n° 247985, Banque de l’Ile-de-France

Il appartient aux services de la commission bancaire de mettre en état les dossiers sur lesquels elle a à se prononcer. Dans ce but, le secrétaire général de la commission doit faire en sorte que la procédure soit pleinement contradictoire et que, par conséquent, tous les éléments figurant dans la lettre d’ouverture de la procédure disciplinaire aient été complètement discutés. Il en résulte que le secrétaire général de la commission bancaire peut, après que la banque mise en cause a fait valoir ses observations sur les raisons de l’ouverture à son encontre d’une procédure disciplinaire, formuler ses propres observations auxquelles la banque peut répliquer.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 247985

BANQUE DE L’ILE-DE-FRANCE

Mlle Vialettes
Rapporteur

M. Lamy
Commissaire du gouvernement

Séance du 5 novembre 2003
Lecture du 3 décembre 2003

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 6ème et 4ème sous-section réunies)

Sur le rapport de la 6ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 juin et 21 octobre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la BANQUE DE L’ILE-DE-FRANCE, dont le siège est 8, rue de la Rochefoucault à Paris (75008) ; la BANQUE DE L’ILE-DE-FRANCE demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler la décision du 16 avril 2002 par laquelle la commission bancaire a prononcé à son encontre un blâme et une sanction pécuniaire d’un montant de 75 000 euros ;

2°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu le décret n° 84-708 du 24 juillet 1984 ;

Vu le décret n° 91-160 du 13 février 1991 ;

Vu le règlement n° 91-07 du 15 février 1991 du comité de la réglementation bancaire et financière ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Vialettes, Auditeur,
- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, avocat de la BANQUE DE L’ILE-DE-FRANCE et de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la commission bancaire et du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 613-1 du code monétaire et financier : "La commission bancaire est chargée de contrôler le respect par les établissements de crédit des dispositions législatives et réglementaires qui leur sont applicables et de sanctionner les manquements constatés" ; qu’aux termes du I de l’article L. 613-21 de ce code : "Si un établissement de crédit (...) a enfreint une disposition législative ou réglementaire afférente à son activité, (...) la commission bancaire, sous réserve des compétences du conseil des marchés financiers, peut prononcer l’une des sanctions disciplinaire suivantes : 1° l’avertissement ; 2° le blâme ; 3° l’interdiction d’effectuer certaines opérations et toutes autres limitations dans l’exercice de l’activité ; 4° la suspension temporaire de l’une ou de plusieurs des personnes mentionnées à l’article L. 511-13 et à l’article L. 532-2 avec ou sans nomination d’administrateur provisoire ; 5° la démission d’office de l’une ou de plusieurs de ces mêmes personnes avec ou sans nomination d’administrateur provisoire ; 6° la radiation de l’établissement de crédit ou de l’entreprise d’investissement de la liste des établissements de crédit ou des entreprises d’investissement agréées avec ou sans nomination d’un liquidateur./ (...) En outre, la commission bancaire peut prononcer, soit à la place, soit en sus de ces sanctions, une sanction pécuniaire au plus égale au capital minimum auquel est astreinte la personne morale sanctionnée. Les sommes correspondantes sont recouvrées par le Trésor public et versées au budget de l’Etat" ; qu’enfin, aux termes du I de l’article L. 613-23 du même code : "Lorsque la commission bancaire statue en application de l’article L. 613-21, elle est une juridiction administrative" ;

Considérant que, par la décision attaquée du 16 avril 2002, la commission bancaire, faisant application des dispositions qui précèdent, a infligé à la BANQUE DE L’ILE-DE-FRANCE un blâme assorti d’une sanction pécuniaire de 75 000 euros ;

Sur l’exigence d’impartialité :

Considérant qu’aux termes de l’article 9 du décret du 24 juillet 1984 : "Lorsque la commission bancaire estime qu’il y a lieu de faire application des sanctions prévues à l’article 45 de la loi du 24 janvier 1984 susvisée, elle porte à la connaissance de l’établissement de crédit ou de l’entreprise d’investissement concerné, par une lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée au représentant légal de l’établissement ou de l’entreprise ou par tout autre moyen permettant de s’assurer de sa réception par ledit représentant, les faits qui lui sont reprochés. Elle informe également le représentant de l’établissement ou de l’entreprise qu’il peut prendre communication, au secrétariat général de la commission, des pièces tendant à établir les infractions constatées. (...)" : qu’aux termes de l’article 10 du même décret : "Le représentant de l’établissement de crédit ou de l’entreprise d’investissement doit adresser ses observations au président de la commission bancaire dans un délai fixé par la lettre susvisée. Ce délai ne peut être inférieur à huit jours./ Le représentant de l’établissement ou de l’entreprise est convoqué par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par tout autre moyen permettant de s’assurer de sa réception par ledit représentant pour être entendu par la commission bancaire. Cette convocation doit lui parvenir huit jours au moins avant la date de la réunion de la commission./ Il peut se faire assister par un avocat et un représentant de l’organe central auquel l’établissement ou l’entreprise est affilié ou de l’association professionnelle à laquelle il adhère" ;

Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ces dispositions qu’il appartient aux services de la commission bancaire de mettre en état les dossiers sur lesquels elle a à se prononcer ; que, dans ce but, le secrétaire général de la commission doit faire en sorte que la procédure soit pleinement contradictoire et que, par conséquent, tous les éléments figurant dans la lettre d’ouverture de la procédure disciplinaire aient été complètement discutés ; qu’il en résulte que le secrétaire général de la commission bancaire peut, après que la banque mise en cause a fait valoir ses observations sur les raisons de l’ouverture à son encontre d’une procédure disciplinaire, formuler ses propres observations auxquelles la banque peut répliquer ; que cette manière de procéder, loin d’entacher d’irrégularité la décision à intervenir de la commission, a pour effet d’assurer l’équité de la procédure suivie devant elle ; que, par ailleurs, il n’est pas contesté qu’aucun membre du secrétariat général n’a pris part à la décision attaquée ; qu’ainsi la procédure suivie par la commission n’a méconnu ni les dispositions du décret du 24 juillet 1984, ni l’exigence d’impartialité rappelée au premier paragraphe de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Sur la méconnaissance des obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 562-2 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable au moment des faits sanctionnés par la commission bancaire : "Les organismes financiers et les personnes mentionnées à l’article L. 562-1 sont tenus, dans les conditions fixées par le présent titre, de déclarer au service institué à l’article L. 562-4 :/1. Les sommes inscrites dans leurs livres lorsqu’elles paraissent provenir du trafic de stupéfiants ou de l’activité d’organisations criminelles ;/ 2. Les opérations qui portent sur des sommes lorsque celles-ci paraissent provenir du trafic de stupéfiants ou de l’activité d’organisations criminelles (...)" ; qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 563-3 du même code : "Toute opération importante portant sur des sommes dont le montant unitaire ou total est supérieur à une somme fixée par décret en Conseil d’Etat et qui, sans entrer dans le champ d’application de l’article L. 562-2, se présente dans des conditions inhabituelles de complexité et ne paraît pas avoir de justification économique ou d’objet licite, doit faire l’objet de la part de l’organisme financier d’un examen particulier. En ce cas, l’organisme financier se renseigne auprès du client sur l’origine et la destination de ces sommes ainsi que sur l’objet de la transaction et l’identité de la personne qui en bénéficie" ; que ces obligations sont reprises et précisées par le règlement du 15 février 1991 du comité de la réglementation bancaire ;

En ce qui concerne la portée de l’obligation de déclaration :

Considérant que la commission bancaire a pu valablement estimer qu’entrent dans le champ d’application de l’article L. 562-2 du code monétaire et financier les opérations d’un montant important, sans justification économique apparente, sans relation apparente avec l’activité ou le patrimoine connus du titulaire du compte concerné et au sujet desquelles cet organisme, après avoir effectué les recherches nécessaires, n’avait pu obtenir les renseignements mentionnés à l’article L. 563-3 du même code ; que les conditions dans lesquelles est effectuée une opération de retrait de fonds, tout aussi bien qu’une opération de dépôt, pouvant éveiller des soupçons sur l’origine illicite des sommes en question, la commission n’a pas davantage commis d’erreur de droit en jugeant que l’obligation de déclaration prévue à l’article L. 562-2 était susceptible de s’appliquer à ces deux catégories d’opérations ; qu’ainsi la commission bancaire, après avoir souverainement constaté, sans dénaturer les faits, que certaines opérations effectuées sur trois comptes ouverts à la BANQUE DE L’ILE-DE-FRANCE remplissaient les conditions énoncées ci-dessus, a pu légalement reprocher à cet établissement de ne pas avoir déclaré ces opérations au service institué à l’article L. 562-4 du code monétaire et financier ;

En ce qui concerne le contenu des règles écrites de l’établissement :

Considérant qu’aux termes du 2ème alinéa de l’article 2 du décret du 13 février 1991 : "Tout dirigeant ou préposé d’un organisme financier, même s’il n’est pas normalement habilité par application des dispositions de l’alinéa qui précède, peut prendre l’initiative de déclarer lui-même au service, dans des cas exceptionnels et en raison notamment de l’urgence, une opération lui paraissant relever de l’article 3 de la loi du 12 juillet 1990" ; qu’aux termes de l’article 6 du même décret : "Les organismes financiers adoptent des règles écrites internes définissant les procédures destinées à mettre en œuvre les dispositions de la loi du 12 juillet 1990 et du présent décret. Ils assurent l’information et la formation de tous les membres concernés de leur personnel" ; qu’eu égard à l’importance de la règle posée au 2ème alinéa de l’article 2 ci-dessus, la commission a pu légalement estimer qu’elle aurait dû figurer parmi les règles écrites internes de la BANQUE DE L’ILE-DE-FRANCE définissant les procédures destinées à lutter contre le blanchiment des capitaux ;

En ce qui concerne la mise en place de systèmes de surveillance et de contrôle :

Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article 3 du décret du 13 février 1991 : "Avant d’ouvrir un compte, l’organisme financier s’assure de l’identité de son co-contractant, par la présentation, lorsqu’il s’agit d’une personne physique, d’un document officiel portant la photographie de celle-ci. L’organisme financier conserve les références ou la copie de ce document" ; que la commission, après avoir constaté que la BANQUE DE L’ILE-DE-FRANCE ne contestait pas qu’au moment de l’inspection, elle ne disposait, pour le tiers des comptes qu’elle avait ouverts au nom de personnes physiques, ni des références ni de la copie du document exigé par l’article 3 ci-dessus, n’avait pas à préciser la date exacte à laquelle cette infraction avait été relevée ni à identifier chacun des comptes concernés ;

Considérant qu’en relevant que la BANQUE DE L’ILE-DE-FRANCE reconnaissait ne pas disposer, contrairement aux prescriptions de l’article 2-b du règlement du 15 février 1991 du comité de la réglementation bancaire et financière, d’un système de surveillance permettant de s’assurer du respect des procédures internes de prévention du blanchiment des capitaux, la commission bancaire a décrit de façon suffisamment précise l’infraction qu’elle a entendu sanctionner ; qu’il ressort des termes mêmes de sa décision qu’elle a pris en compte les observations de la BANQUE DE L’ILE-DE-FRANCE faisant valoir que, postérieurement à l’inspection diligentée par la commission, elle avait commencé à mettre en place un tel système ; que la commission a également décrit avec une précision suffisante les carences du système de contrôle des opérations mis en place par la BANQUE DE L’ILE-DE-FRANCE ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la BANQUE DE L’ILE-DE-FRANCE n’est pas fondée à demander l’annulation de la décision de la commission bancaire du 14 janvier 2002 ; qu’il y a lieu, dès lors, de rejeter également ses conclusions tendant à ce que l’Etat soit condamné à lui verser la somme qu’elle demande en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la BANQUE DE L’ILE-DE-FRANCE est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera communiquée à la BANQUE DE L’ILE-DE-FRANCE, à la commission bancaire et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

 


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