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Conseil d’Etat, 7 mai 2008, n° 289326, Société Steca

Une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d’un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne sont supportées qu’ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d’être évaluées avec une approximation suffisante, qu’elles apparaissent, en outre, comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l’exercice et qu’enfin, elles se rattachent par un lien direct aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l’entreprise.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 289326

SOCIETE STECA

M. Xavier Domino
Rapporteur

M. Emmanuel Glaser
Commissaire du gouvernement

Séance du 19 mars 2008
Lecture du 7 mai 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 3ème et 8ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 3ème sous-section de la section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 janvier et 23 mai 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la SOCIETE STECA, dont le siège est 12, rue Léopold Frison B.P. 543 à Châlons-en-Champagne Cedex (51012) ; la SOCIETE STECA demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt du 24 novembre 2005 par lequel la cour administrative d’appel de Nancy a, après avoir décidé qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de la société à concurrence de la somme de 6 772, 65 euros, rejeté le surplus des conclusions de sa requête tendant à l’annulation du jugement du 25 juin 2002 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne rejetant sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1992 et 1993 ;

2°) réglant l’affaire au fond, de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Xavier Domino, Auditeur,

- les observations de Me Le Prado, avocat de la SOCIETE STECA,

- les conclusions de M. Emmanuel Glaser, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’à la suite de la vérification de comptabilité de la SOCIETE STECA pour les exercices 1991, 1992 et 1993, l’administration a remis en cause, d’une part, l’inscription d’une provision pour créances douteuses en 1991 et, d’autre part, l’inscription en comptabilité d’avoirs au bénéfice de communes avec lesquelles elle avait conclu des marchés publics au titre de l’exercice 1992 ;

Considérant que la SOCIETE STECA se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 24 novembre 2005 par lequel la cour administrative d’appel de Nancy a rejeté sa requête tendant à l’annulation du jugement du 25 juin 2002 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne rejetant sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1992 et 1993 ;

Considérant en premier lieu qu’aux termes du 1 de l’article 39 du code général des impôts : "Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (.), notamment : / 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des évènements en cours rendent probables, à condition qu’elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l’exercice" ; qu’il résulte de ces dispositions qu’une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d’un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne sont supportées qu’ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d’être évaluées avec une approximation suffisante, qu’elles apparaissent, en outre, comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l’exercice et qu’enfin, elles se rattachent par un lien direct aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l’entreprise ;

Considérant que, pour écarter les conclusions de la SOCIETE STECA tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés résultant de la réintégration dans ses bases imposables d’une provision pour créances douteuses, la cour a relevé que la société n’établissait pas le caractère irrécouvrable des créances en cause en se bornant à soutenir que, après différents changements intervenus dans son actionnariat, elle ne disposait plus des éléments justifiant ces créances, au demeurant anciennes, et n’était plus en mesure de procéder à leur recouvrement ; qu’en jugeant ainsi, la cour administrative d’appel, qui s’est livrée à une appréciation souveraine des pièces du dossier sans les dénaturer, n’a commis aucune erreur de droit ;

Considérant en second lieu qu’en vertu des règles gouvernant l’attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s’il incombe, en principe, à chaque partie d’établir les faits qu’elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu’une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu’à celle-ci ; qu’il appartient, dès lors, au contribuable de justifier tant du montant des charges qu’il entend, en application du I de l’article 39 du code général des impôts précité, déduire du bénéfice net défini à l’article 38 du même code que de la correction de leur inscription en comptabilité, c’est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l’existence et la valeur de la contrepartie qu’il en a retirée ; que dans l’hypothèse où le contribuable s’acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s’il s’y croit fondé, d’apporter la preuve de ce que la charge en cause n’est pas déductible par nature, qu’elle est dépourvue de contrepartie, qu’elle a une contrepartie dépourvue d’intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;

Considérant que la cour a relevé que, pour justifier de la déductibilité de trois "avoirs" au bénéfice de communes, la SOCIETE STECA se bornait à faire valoir qu’ils correspondaient au montant de travaux qu’elle avait spontanément exécutés pour des communes, au-delà de ce que prévoyaient les marchés publics dont elle était titulaire et alors même que celles-ci n’avaient pas à en payer le prix ; qu’en jugeant que la société n’apportait aucun élément de nature à corroborer ses affirmations et que, dès lors, elle ne justifiait pas du principe de la déductibilité des créances de tiers qu’elle avait inscrites, la cour n’a ni dénaturé les pièces du dossier, ni commis d’erreur de droit dans l’application des règles qui gouvernent la charge de la preuve ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE STECA n’est pas fondée à demander l’annulation de la décision attaquée ; que, par suite, ses conclusions tendant à ce qu’il soit fait application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SOCIETE STECA est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE STECA et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

 


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