CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 307229
MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE
c/ société Foster Wheeler France
M. Vincent Daumas
Rapporteur
Mme Nathalie Escaut
Commissaire du gouvernement
Séance du 27 octobre 2008
Lecture du 19 novembre 2008
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 8ème et 3ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 8ème sous-section de la section du contentieux
Vu le pourvoi, enregistré le 6 juillet 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ; le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’article 2 de l’arrêt du 18 avril 2007 par lequel la cour administrative d’appel de Paris a rejeté son recours tendant à l’annulation de l’article 1er du jugement du tribunal administratif de Paris du 11 janvier 2005 prononçant la décharge d’une somme de 263 255 F (40 132, 97 euros) correspondant aux intérêts de retard dont avait été assortie la cotisation supplémentaire d’impôt sur les sociétés à laquelle la société Foster Wheeler France avait été assujettie au titre de l’année 1988 ;
2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Vincent Daumas, Maître des Requêtes,
les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la société Foster Wheeler France,
les conclusions de Mme Nathalie Escaut, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Foster Wheeler France a, au titre des exercices clos entre 1979 et 1981, déduit de ses résultats des provisions destinées à tenir compte de la dépréciation affectant la valeur nominale des prêts à vingt ans et sans intérêt qu’elle avait consentis à des organismes habilités afin de se libérer de son obligation de participation à l’effort de construction ; que l’administration fiscale a procédé à la réintégration, dans ses résultats, du montant de ces provisions, au motif qu’elles n’étaient justifiées par aucune autre circonstance que l’existence du délai s’écoulant jusqu’au remboursement de ces prêts et l’absence d’intérêts ; que la société a de nouveau déduit des provisions de même nature au titre des exercices clos en 1987 et 1988, en indiquant toutefois expressément dans ses déclarations les motifs de droit et de fait qui justifiaient, selon elle, ces déductions ; qu’après une vérification de sa comptabilité, l’administration a réintégré ces provisions à ses résultats, d’où a découlé, au titre de l’année 1988, un supplément d’impôt sur les sociétés assorti d’intérêts de retard que la société a contesté, sans succès, devant l’administration ; que le tribunal administratif de Paris, saisi du litige, a confirmé le bien-fondé des redressements litigieux mais, par l’article 1er de son jugement, a prononcé la décharge des intérêts de retard sur le fondement de l’article 1732 du code général des impôts ; que, statuant sur l’appel de la société Foster Wheeler France et sur le recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE, la cour administrative d’appel de Paris a confirmé ce jugement par un arrêt en date du 18 avril 2007 ; que le ministre se pourvoit en cassation contre l’article 2 de cet arrêt par lequel la cour a rejeté son recours ;
Considérant qu’aux termes du 1 de l’article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la date de l’infraction en litige : "Lorsque la déclaration ou l’acte mentionnés à l’article 1728 font apparaître une base d’imposition ou des éléments servant à la liquidation de l’impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l’intérêt de retard visé à l’article 1727 et d’une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l’intéressé est établie ou de 80 % s’il s’est rendu coupable de manœuvres frauduleuses ou d’abus de droit au sens de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales" ; qu’aux termes de l’article 1732 du même code, dans sa rédaction applicable aux intérêts de retard en litige : "Lorsqu’un contribuable fait connaître, par une indication expresse portée sur la déclaration ou l’acte, ou dans une note y annexée, les motifs de droit ou de fait pour lesquels il ne mentionne pas certains éléments d’imposition en totalité ou en partie, ou donne à ces éléments une qualification qui entraînerait, si elle était fondée, une taxation atténuée, ou fait état de déductions qui sont ultérieurement reconnues injustifiées, les redressements opérés à ces titres n’entraînent pas l’application de l’intérêt de retard visé à l’article 1727" ;
Considérant qu’il résulte des dispositions de l’article 1732 que, lorsqu’un contribuable a fait connaître, par une indication expresse portée sur la déclaration ou l’acte comportant l’indication des éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’impôt, ou dans une note l’accompagnant, les motifs de droit ou de fait pour lesquels il fait état de déductions qui sont ultérieurement reconnues injustifiées, les redressements opérés à ce titre n’entraînent pas l’application de l’intérêt de retard mentionné à l’article 1727 ; que, si l’administration a, au titre d’années antérieures à celle ayant donné lieu à la déclaration en litige, réintégré dans les bases imposables du contribuable des déductions identiques à celles auxquelles celui-ci a de nouveau procédé en les assortissant d’une indication expresse, une telle circonstance ne saurait faire obstacle à ce que ces dernières soient regardées comme ayant le caractère de déductions ultérieurement reconnues injustifiées, au sens et pour l’application des dispositions de l’article 1732 du code général des impôts ; que, toutefois, il est loisible à l’administration d’assortir les impositions supplémentaires mises à la charge d’un contribuable ayant satisfait aux prescriptions de cet article, et qui se trouve par suite dispensé du paiement de l’intérêt de retard mentionné à l’article 1727, de l’une des majorations prévues par l’article 1729 du même code, sous réserve qu’elle établisse que les conditions d’application en sont réunies ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’en jugeant que les circonstances tirées de ce que l’administration fiscale avait déjà réintégré aux résultats de la société Foster Wheeler France des provisions de même nature constituées au cours d’exercices antérieurs à celui en cause en l’espèce et de ce que la société n’ignorait pas la position de l’administration concernant le traitement fiscal de ces provisions ne pouvaient entraîner l’exclusion du bénéfice des dispositions de l’article 1732 du code général des impôts, dès lors que la société avait satisfait aux conditions posées par ce texte, la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit ni fait une inexacte application de ces dispositions ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le pourvoi du ministre doit être rejeté ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l’Etat le versement à la société Foster Wheeler France d’une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le pourvoi du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE est rejeté.
Article 2 : L’Etat versera à la société Foster Wheeler France une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE et à la société Foster Wheeler France.