CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 255954
MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE
c/ SA Tekelec Airtronic
M. Laignelot
Rapporteur
M. Goulard
Commissaire du gouvernement
Séance du 14 novembre 2003
Lecture du 28 novembre 2003
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 9ème et 10ème sous-section réunies)
Sur le rapport de la 9ème sous-section de la Section du contentieux
Vu le recours, enregistré le 10 avril 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présenté par le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE demande au Conseil d’Etat d’annuler l’ordonnance du 24 mars 2003 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris a, à la demande de la SA Tekelec Airtronic, suspendu l’exécution de l’avis de mise en recouvrement émis le 21 février 2003 par le receveur des impôts de Sèvres pour le paiement des compléments de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités mis à la charge de cette société au titre de la période du 1er janvier 1997 au 30 avril 1998 ainsi que de l’amende prévue à l’article 1740 ter du code général des impôts, pour un montant total de 54 250 390 euros ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Laignelot, Auditeur,
les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la SA Tekelec Airtronic,
les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la SA Tekelec Airtronic, spécialisée dans la fabrication et la vente de composants électroniques et informatiques, a été assujettie, à l’issue d’une vérification de comptabilité, à un rappel de TVA portant sur la période du 1er janvier 1997 au 30 août 1998 assorti de la majoration pour manœuvres frauduleuses ainsi qu’à l’amende prévue à l’article 1740 ter du code général des impôts, pour un montant total de 54 250 390 euros ; que le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE se pourvoit en cassation contre l’ordonnance du 24 mars 2003 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris a suspendu l’exécution de l’avis de mise en recouvrement de cette imposition en date du 21 février 2003 ;
Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : "Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision" ;
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du recours :
Considérant que si, eu égard aux garanties dont le livre des procédures fiscales entoure la mise en oeuvre d’une vérification de comptabilité, l’administration est tenue, lorsque, faisant usage de son droit de communication, elle consulte au cours d’une vérification des pièces comptables saisies et détenues par l’autorité judiciaire, de soumettre l’examen de ces pièces à un débat oral et contradictoire avec le contribuable, il n’en est pas de même lorsqu’elle consulte des pièces détenues par l’autorité judiciaire, mais ne présentant pas le caractère de pièces comptables ; que, par suite, en estimant que le moyen tiré de l’absence de débat oral et contradictoire auquel la société prétendait avoir droit à propos de procès-verbaux d’audition, détenus par l’autorité judiciaire et consultés par l’administration dans le cadre de son droit de communication, était de nature à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la régularité des impositions, le juge des référés a commis une erreur de droit dès lors que ces procès-verbaux d’audition ne présentaient pas le caractère de pièces comptables ; qu’il suit de là que le ministre est fondé à demander l’annulation de l’ordonnance attaquée ;
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, en application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l’affaire au titre de la procédure de référé engagée ;
Considérant que si, à l’appui de sa demande de suspension, la SA Tekelec Airtronic soutient qu’elle a été privée d’un débat oral et contradictoire sur les procès-verbaux d’audition détenus par l’autorité judiciaire, que les documents consultés par l’administration dans le cadre de son droit de communication n’ont pas été joints à la notification de redressement, que celle-ci ne fait pas état d’éléments recueillis par la direction nationale des enquêtes fiscales et figurant dans le dossier détenu par l’autorité judiciaire, qu’elle n’est pas suffisamment motivée et que l’administration n’établit pas que la société ait participé au circuit de fraude qui lui est reproché, aucun de ces moyens n’est propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de l’avis de mise en recouvrement émis le 21 février 2003 par le receveur des impôts de Sèvres ; qu’il y a lieu, par suite, et sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre, de rejeter la demande de la SA Tekelec Airtronic tendant à la suspension de l’exécution de cet avis de mise en recouvrement ;
Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la SA Tekelec Airtronic la somme qu’elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : L’ordonnance du 24 mars 2003 du juge des référés du tribunal administratif de Paris est annulée.
Article 2 : La demande de suspension présentée au tribunal administratif de Paris par la SA Tekelec Airtronic est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE et à la SA Tekelec Airtronic.