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Conseil d’Etat, Assemblée, 28 juin 2002, n° 23276, Ministre de l’économie, des finances et de l’industrie c/ Société Schneider Electric

L’objectif d’élimination des doubles impositions attribué à cette convention fiscale ne saurait justifier une méconnaissance des conventions bilatérales tendant à éliminer les doubles impositions au seul motif que l’imposition par la France des bénéfices de la société n’est pas établie au nom de la société suisse mais à celui de sa société mère, qui est une entité juridique distincte et à laquelle lesdits bénéfices n’ont pas été effectivement distribués.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 232276

MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE
c/ société Schneider Electric

Mlle A. Robineau, Rapporteur

M. Austry, Commissaire du gouvernement

Séance du 14 juin 2002

Lecture du 28 juin 2002

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

Sur le rapport de la 3ème sous-section de la Section du contentieux

Vu le recours du MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE, enregistré le 6 avril 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat ; le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE demande au Conseil d’Etat d’annuler l’arrêt du 30 janvier 2001 par lequel la cour administrative d’appel de Paris, après avoir annulé le jugement du 13 février 1996 dû tribunal administratif de Paris, a déchargé la société Schneider, devenue depuis Schneider Electric, du supplément d’impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l’année 1986 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l’article 55 de la Constitution ;

Vu la convention entre la République française et la Confédération suisse en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune du 9 septembre 1996, modifiée par l’avenant du 3 décembre 1969 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique
- le rapport de Mlle A. Robineau, Auditeur,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, avocat de la société Schneider Electric,
- les conclusions de M. Austry, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’à l’issue d’une vérification de comptabilité la société Schneider, devenue depuis Schneider Electric, a été assujettie au titre de l’année 1986, en application des dispositions du I de l’article 209 B du code général des impôts, à un supplément d’impôt sur les sociétés à raison des résultats bénéficiaires de sa filiale suisse Paramer ; qu’après avoir annulé le jugement du 13 février 1996 du tribunal administratif de Paris, la cour administrative d’appel de Paris a, par un arrêt en date du 30 janvier 2001, déchargé la société Schneider Electric de cet impôt, au motif que les stipulations du 1° de l’article 7 de la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966, modifiée par l’avenant du 3 décembre 1969, font obstacle à l’application de l’article 209 B du code général des impôts ; que le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;

Considérant que si une convention bilatérale conclue en vue d’éviter les doubles impositions peut, en vertu de l’article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle même, directement servir de base légale à une décision relative à l’imposition ; que, par suite, il incombe au juge de l’impôt, lorsqu’il est saisi d’une contestation relative à une telle convention, de se placer d’abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l’imposition contestée a été valablement établie et, dans l’affirmative, sur le fondement de quelle qualification ; qu’il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer - en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s’agissant de déterminer le champ d’application de la loi, d’office - si cette convention fait ou non obstacle à l’application de la loi fiscale ;

En ce qui concerne la loi fiscale nationale :

Considérant qu’aux termes du I de l’article 209 B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l’imposition contestée : "Lorsqu’une entreprise passible de l’impôt sur les sociétés détient directement ou indirectement 25 % au moins des actions ou parts d’une société établie dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France dont le régime fiscal est privilégié au sens mentionné à l’article 238 A, cette entreprise est soumise à l’impôt sur les sociétés sur les résultats bénéficiaires de la société étrangère dans la proportion des droits sociaux qu’elle y détient./ Ces bénéfices font l’objet d’une imposition séparée. Ils sont réputés acquis le premier jour du mois qui suit la clôture de l’exercice de la société étrangère et sont déterminés selon les règles fixées par le présent code./ L’impôt acquitté localement par la société étrangère est imputable dans la proportion mentionnée au premier alinéa sur l’impôt établi en France à condition d’être comparable à l’impôt sur les sociétés" ;

Considérant qu’il ressort des termes mêmes de ces dispositions qu’elles ont pour objet de permettre l’imposition en France des bénéfices résultant de l’exploitation d’une société établie à l’étranger et non, contrairement à ce que soutient le ministre, des distributions de bénéfices réputées opérées par cette société étrangère à son actionnaire résidant en France ;

En ce qui concerne la portée de la convention fiscale franco-suisse pour l’application de l’article 209 B du code général des impôts :

Considérant qu’aux termes du 1° de l’article 7 de la convention fiscale franco-suisse : "Les bénéfices d’une entreprise d’un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l’entreprise n’exerce son activité dans l’autre Etat contractant par l’intermédiaire d’un établissement stable qui y est situé" ; que le terme "bénéfices" mentionné à l’article 7 de la convention fiscale franco-suisse n’est pas défini par cette convention et doit, dès lors, être interprété selon le principe énoncé au paragraphe 2 de l’article 3 de ladite convention, aux termes duquel : "Pour l’application de la convention par un Etat contractant, toute expression qui n’est pas autrement définie a le sens qui lui est attribué par la législation dudit Etat régissant les impôts faisant l’objet de la convention, à moins que le contexte n’exige une interprétation différente" ; qu’en l’absence d’élément exigeant une interprétation différente, les "bénéfices" auxquels fait référence l’article 7 de la convention sont ceux déterminés selon les règles fixées par le code général des impôts ; que, par suite, la cour n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant qu’il y a identité de nature entre les bénéfices d’exploitation de la société Paramer dont l’imposition est attribuée à la Suisse par le 1° de l’article 7 de la convention fiscale franco-suisse et les résultats bénéficiaires de la société Paramer imposés en France au nom de la société Schneider sur le fondement de l’article 209 B du code général des impôts ;

Considérant qu’en vertu du paragraphe 1 du A de l’article 25 de la convention fiscale franco-suisse, dans sa rédaction antérieure à l’avenant du 22 juillet 1997, les revenus visés au 1 ° de l’article 7 sont exonérés de l’impôt français sur les sociétés lorsqu’ils sont réalisés par une société qui, comme la société Paramer, a en Suisse le siège de sa direction effective et n’a pas d’établissement stable en France ; que l’objectif d’élimination des doubles impositions attribué à cette convention fiscale ne saurait justifier une méconnaissance des stipulations susmentionnées au seul motif que l’imposition par la France des bénéfices de la société Paramer n’est pas établie au nom de la société suisse mais à celui de sa société mère, qui est une entité juridique distincte et à laquelle lesdits bénéfices n’ont pas été effectivement distribués ; que, par suite, la cour n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que les stipulations de l’article 7 de la convention fiscale franco-suisse s’opposent à l’application des dispositions de l’article 209 B du code général des impôts ;

Considérant qu’à supposer même qu’il soit établi qu’un objectif de lutte contre l’évasion et la fraude fiscales ait été assigné à la convention franco-suisse, cet objectif ne permet pas, faute de stipulation expresse le prévoyant, de déroger aux règles énoncées par cette convention ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’administration n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par l’arrêt attaqué, qui est suffisamment motivé, la cour administrative d’appel de Paris a annulé le jugement du 13 février 1996 du tribunal administratif de Paris et a déchargé la société Schneider Electric du supplément d’impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l’année 1986 ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l’Etat à payer à la société Schneider Electric une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE est rejeté.

Article 2 : L’Etat est condamné à payer à la société Schneider Electric une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE et à la société Schneider Electric.

 


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