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Conseil d’Etat, 11 avril 2008, n° 285583, Bernard C.

Si une convention bilatérale conclue en vue d’éviter les doubles impositions peut, en vertu de l’article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l’imposition.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 285583

M. C.

M. Jean-Luc Matt
Rapporteur

Mme Claire Landais
Commissaire du gouvernement

Séance du 6 février 2008
Lecture du 11 avril 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 10ème et 9ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 10ème sous-section de la section du contentieux

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 septembre 2005 et 25 janvier 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Bernard C. ; M. C. demande au Conseil d’Etat d’annuler l’arrêt du 8 juin 2005 de la cour administrative d’appel de Nantes en tant qu’il a rejeté les conclusions de sa requête tendant à l’annulation du jugement du 23 mai 2002 du tribunal administratif de Caen rejetant ses demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu, de contribution sociale généralisée et de contribution au remboursement de la dette sociale auxquelles il a été assujetti au titre des années 1993 à 1995 et des pénalités correspondantes ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l’article 55 de la Constitution ;

Vu la convention signée le 10 mars 1964 entre la France et la Belgique, tendant à éviter les doubles impositions et à établir les règles d’assistance administrative et juridique réciproque en matière d’impôts sur les revenus ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Luc Matt, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de Me Odent, avocat de M. Bernard C.,

- les conclusions de Mme Claire Landais, Commissaire du gouvernement

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’à l’issue d’un examen de la situation fiscale personnelle de M. C. et d’un contrôle de son activité commerciale d’intermédiaire de commerce dans le domaine international, l’administration a regardé l’intéressé comme ayant son domicile fiscal en France et l’a assujetti à des cotisations d’impôt sur le revenu au titre des années 1993 à 1995 et à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période couvrant ces trois années ; que la cour administrative d’appel de Nantes, après avoir accordé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes, a rejeté les conclusions du requérant relatives à l’impôt sur le revenu ; que M. C. se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu’il n’a pas fait entièrement droit à sa requête ;

Sur la régularité de la procédure d’imposition :

Considérant, en premier lieu, qu’en jugeant que les informations relatives à l’activité professionnelle de M. C., ayant servi à établir par la voie de l’évaluation d’office l’imposition des bénéfices non commerciaux, avaient été obtenues par l’administration non pas dans le cadre d’une vérification de comptabilité prématurément engagée mais dans l’exercice de son droit de communication, la cour administrative d’appel de Nantes s’est livrée à une appréciation souveraine des faits, qu’elle n’a pas dénaturés ; qu’elle a pu en déduire sans erreur de droit que les irrégularités qui auraient entaché la vérification de comptabilité étaient sans incidence sur la régularité de la procédure d’imposition ;

Considérant, en deuxième lieu, que c’est également par une appréciation souveraine des faits de l’espèce, qui n’est pas entachée de dénaturation, que la cour administrative d’appel de Nantes a jugé que l’administration avait respecté l’exigence d’un dialogue contradictoire au cours de l’examen de la situation fiscale personnelle du contribuable avant d’avoir recours à la procédure écrite et contraignante de l’article L. 16 du livre des procédures fiscales ;

Considérant, en troisième lieu, que les dispositions de l’article L. 12 du livre des procédures fiscales, qui limitent à un an à compter de la réception de l’avis de vérification la durée de l’examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d’un contribuable, prévoient également que cette période est prorogée " des trente jours prévus à l’article L. 16 A et des délais nécessaires à l’administration pour obtenir les relevés de compte lorsque le contribuable n’a pas usé de sa faculté de les produire dans un délai de soixante jours à compter de la demande de l’administration " ; qu’en jugeant que ces dispositions ne faisaient pas obstacle à ce que l’administration, après avoir demandé au contribuable de lui communiquer ses relevés de compte, exerce, avant même l’expiration du délai de soixante jours imparti au contribuable, son droit de communication auprès des organismes bancaires pour obtenir ces mêmes documents, la cour administrative d’appel de Nantes n’a pas commis d’erreur de droit ;

Sur le domicile fiscal de M. C. :

Considérant qu’aux termes de l’article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l’impôt sur le revenu en raison de l’ensemble de leurs revenus (.) " ; que l’article 4 B du même code dispose : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l’article 4 A : / a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; / b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu’elles ne justifient que cette activité y est exercée à tire accessoire ; / c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques (.) " ;

Considérant, en premier lieu, que, si une convention bilatérale conclue en vue d’éviter les doubles impositions peut, en vertu de l’article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l’imposition ; que, par suite, il incombe au juge de l’impôt, lorsqu’il est saisi d’une contestation relative à une telle convention, de se placer d’abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l’imposition contestée a été valablement établie et, dans l’affirmative, sur le fondement de quelle qualification ; qu’il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer - en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s’agissant de déterminer le champ d’application de la loi, d’office - si cette convention fait ou non obstacle à l’application de la loi fiscale ; qu’il en est ainsi à l’égard de toute convention ayant cet objet, telle que la convention conclue le 10 mars 1964 entre la France et la Belgique, alors même qu’elle définit directement les critères de la résidence fiscale à prendre en compte pour les besoins de son application ;

Considérant, dès lors, que M. C. n’est pas fondé à soutenir que la cour administrative d’appel de Nantes était tenue, pour déterminer le lieu d’imposition de ses revenus, de faire application exclusivement des stipulations de la convention du 10 mars 1964 portant définition de la résidence fiscale et qu’elle aurait commis une erreur de droit en examinant au regard des dispositions de l’article 4 B du code général des impôts si le requérant avait son domicile fiscal en France ;

Considérant, en second lieu, que la cour administrative d’appel de Nantes a pris en compte, pour l’application de l’article 4 B du code général des impôts, des éléments tels que l’existence d’une résidence en France appartenant à M. C., qui y supportait la totalité des charges de l’exploitation d’un haras, et la détention par l’intéressé de comptes bancaires en France, sur lesquels il percevait des revenus professionnels ; qu’à partir de ces faits, qu’elle a appréciés souverainement sans les dénaturer, et en l’absence d’indications précises sur les intérêts économiques de l’intéressé en Belgique, la cour a pu légalement juger que M. C. avait le centre de ses intérêts économiques en France ;

Sur le bénéfice du régime du forfait :

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’à la suite des contrôles dont M. C. a fait l’objet, le chiffre d’affaires qu’il avait réalisé en 1993 dans le cadre de son activité d’intermédiaire de commerce a été évalué à 10 113 136 F, excédant largement les seuils du forfait et du régime réel simplifié alors en vigueur ; que, s’agissant de la première année d’imposition et sans qu’il soit besoin de se référer aux dispositions du 1 bis de l’article 302 ter du code général des impôts alors en vigueur, l’intéressé relevait de plein droit du régime réel normal d’imposition ; qu’ainsi, après avoir relevé que M. C. n’avait souscrit aucune déclaration de revenus d’activité au titre de 1992, la cour n’a pas commis d’erreur de droit en refusant au requérant le bénéfice du régime forfaitaire au titre de l’année 1993 ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. C. n’est pas fondé à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ; qu’en conséquence, ses conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu’être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : Le pourvoi de M. C. est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Bernard C. et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

 


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