CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 224714
MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE
c/ S.A. Vérité Automobiles
Mme Guilhemsans
Rapporteur
M. Vallée
Commissaire du gouvernement
Séance du 20 novembre 2002
Lecture du 13 décembre 2002
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 9ème et 10ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 9ème sous-section de la Section du contentieux
Vu le recours, enregistré le 4 septembre 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présenté par le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE ; le ministre demande au Conseil d’Etat d’annuler l’arrêt du 30 juin 2000 par lequel la cour administrative d’appel de Nantes a rejeté son recours tendant à ce que la S.A. Vérité Automobiles soit rétablie aux rôles de l’impôt sur les sociétés, au titre de chacune des années 1987 à 1990, et de la taxe professionnelle, au titre de l’année 1988, à concurrence du montant des cotisations dont le tribunal administratif de Nantes lui a, par jugement du 30 avril 1997, accordé la décharge ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de Mme Guilhemsans, Maître des Requêtes,
les observations de Me Hemery, avocat de la S.A. Vérité Automobiles,
les conclusions de M. Vallée, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’aux termes de l’article 44 quater du code général des impôts dans sa rédaction en l’espèce applicable : "Les entreprises créées du 1er janvier 1983 au 31 décembre 1986, soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d’imposition de leurs résultats et répondant aux conditions prévues aux 2° et 3° du II et au III de l’article 44 bis, sont exonérées d’impôt sur le revenu ou d’impôt sur les sociétés à raison des bénéfices industriels et commerciaux qu’elles réalisent à compter de la date de leur création jusqu’au terme du trente-cinquième mois suivant celui au cours duquel cette création est intervenue. Les bénéfices réalisés au cours des vingt-quatre mois suivant la période d’exonération précitée ne sont retenus dans les bases de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés que pour la moitié de leur montant..." ; que les mêmes entreprises peuvent, aux termes de l’article 1464 B dudit code, "être exonérées, dans les conditions prévues à l’article 1464 C, de la taxe professionnelle dont elles sont redevables, pour les établissements qu’elles ont créés..., au titre des deux années suivant celle de leur création" ; qu’aux termes du III de l’article 44 bis du même code : "Les entreprises créées dans le cadre d’une concentration ou d’une restructuration d’activités préexistantes, ou pour la reprise de telles activités, ne peuvent bénéficier de l’abattement ci-dessus..." ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d’appel de Nantes que la S.A. Vérité Automobiles a été créée le 20 décembre 1985 en vue d’exercer l’activité de concessionnaire exclusif de la marque automobile Alfa-Roméo dans une zone géographique, ayant pour centre Angers, dont le précédent concessionnaire, la S.A. Anjou Automobiles, avait résilié le contrat le liant à ce constructeur en septembre 1985, et a commencé cette activité le 1er janvier 1986 en exécution d’un contrat de concession conclu, à cette date, avec la société Alfa-Roméo (France) ; que les cotisations litigieuses d’impôt sur les sociétés, au titre des années 1987 à 1990, et de taxe professionnelle, au titre de l’année 1988, auxquelles la S.A. Vérité Automobiles avait été assujettie en 1992 et 1991 et dont le tribunal administratif de Nantes lui a accordé la décharge par jugement du 30 avril 1997, procédaient du refus par l’administration de l’admettre au bénéfice des dispositions précitées des articles 44 quater et 1464 B du code général des impôts, au motif qu’elle aurait été créée pour la reprise de l’activité précédemment exercée par la S.A. Anjou Automobiles ;
Considérant que, pour juger que, contrairement à ce que soutenait le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE dans son recours d’appel, il ne résultait pas de la seule circonstance qu’elle ait succédé à la société Anjou Automobiles comme concessionnaire exclusif de la marque Alfa-Roméo dans la zone géographique définie par le contrat de concession, qu’elle doive être regardée comme ayant repris l’activité de cette société, la cour administrative d’appel s’est fondée sur ce que, d’une part, la S.A. Anjou Automobiles, avec laquelle la S.A. Vérité Automobiles n’avait aucun lien, n’avait eu aucune part dans la réattribution de la concession à cette dernière, et ce que, d’autre part, la S.A. Vérité Automobiles n’avait recueilli de la société Anjou Automobiles aucun de ses moyens d’exploitation ; qu’en statuant ainsi, alors que la reprise de la concession exclusive par la S.A. Vérité Automobiles impliquait nécessairement le transfert de la clientèle et, par suite, la reprise de l’activité de la société Anjou Automobiles, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit ; que le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE est, dès lors, fondé à demander que l’arrêt attaqué soit annulé ;
Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l’affaire au fond ;
Considérant qu’il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la S.A. Vérité Automobiles doit être regardée, nonobstant les circonstances, invoquées par elle, que la société Anjou Automobiles a, postérieurement au transfert de la concession, poursuivi une activité de distributeur de véhicules d’autres marques qu’Alfa-Roméo, et qu’elle a, elle-même, exercé une activité secondaire d’agent de la marque Fiat que son prédécesseur n’exerçait pas, comme ayant été créée pour la reprise de l’activité préexistante de concessionnaire de la marque Alfa-Roméo dans la zone géographique définie par le contrat de concession ; qu’elle ne pouvait, par suite, bénéficier des dispositions précitées des articles 44 quater et 1464 B du code général des impôts ; que, dès lors, le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE est fondé à soutenir que c’est à tort que, par son jugement du 30 avril 1997, le tribunal administratif de Nantes a déchargé la S.A. Vérité Automobiles des cotisations litigieuses d’impôt sur les sociétés et de taxe professionnelle, auxquelles elle avait été assujettie au titre, respectivement, de chacune des années 1987 à 1990, et de l’année 1988 ;
Sur l’application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Etat , qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à la S.A. Vérité Automobiles la somme que celle-ci réclame en remboursement des frais par elle exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes du 30 juin 2000 et le jugement du tribunal administratif de Nantes du 30 avril 1997 sont annulés.
Article 2 : La S.A. Vérité Automobiles est rétablie aux rôles de l’impôt sur les sociétés, au titre de chacune des années 1987 à 1990, et de la taxe professionnelle, au titre de l’année 1988, à concurrence des droits et pénalités auxquels elle avait été assujettie et dont le tribunal administratif de Nantes lui avait accordé la décharge.
Article 3 : Les conclusions de la S.A. Vérité Automobiles tendant au bénéfice des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE et à la S.A. Vérité Automobiles.