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Les dispositions de l’article 14 de la directive du 27 octobre 2003, pour l’exonération des produits énergétiques fournis en vue d’une utilisation comme carburant ou combustible pour la navigation des navires dans les eaux communautaires, excluent les bateaux de plaisance privés utilisés par son propriétaire ou par la personne physique ou morale qui peut les utiliser à la suite d’une location ou à un autre titre, à des fins autres que commerciales et, en particulier, autres que le transport de passagers ou de marchandises ou la prestation de services à titre onéreux. En revanche, pour l’application de ces dispositions, une prestation de service à titre onéreux exécutée au bénéfice d’une clientèle par le prestataire de service de loisirs ou à caractère sportif est en droit de prétendre à l’exonération prévue par l’article 14 de la directive du 27 octobre 2003, même lorsqu’il utilise un bateau de plaisance pour les besoins de l’exécution de cette prestation.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 292102

SYNDICAT NATIONAL DES PROFESSIONNELS DES ACTIVITES NAUTIQUES

M. Jérôme Michel
Rapporteur

Mme Nathalie Escaut
Commissaire du gouvernement

Séance du 19 mai 2008
Lecture du 4 juin 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 8ème et 3ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 8ème sous-section de la section du contentieux

Vu l’ordonnance en date du 8 mars 2006, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 7 avril 2006, par laquelle le président du tribunal administratif de Nice a transmis au Conseil d’Etat, en application des articles R.311-1 et R.351-2 du code de justice administrative, la demande du SYNDICAT NATIONAL DES PROFESSIONNELS DES ACTIVITES NAUTIQUES ;

Vu la demande, enregistrée au greffe de ce tribunal le 28 février 2006, présentée par le SYNDICAT NATIONAL DES PROFESSIONNELS DES ACTIVITES NAUTIQUES dont le siège est situé 23, boulevard Eric Tabarly, résidence "Les marines de Villeneuve" à Villeneuve-Loubet (06270) ; le SYNDICAT NATIONAL DES PROFESSIONNELS DES ACTIVITES NAUTIQUES demande d’annuler la décision du 29 décembre 2005 du directeur général des douanes et des droits indirects refusant de modifier, par délégation, l’arrêté du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie en date du 1er juillet 2004, modifié par l’arrêté du 4 juillet 2005, relatif à l’application de l’exonération des droits et taxes instituées par l’article 190 du code des douanes pour les produits pétroliers destinés à l’avitaillement des navires ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de la taxation des produits énergétiques et de l’électricité ;

Vu le code des douanes ;

Vu l’arrêté en date du 1er juillet 2004 du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie relatif à l’application des droits et taxes instituées par l’article 190 du code des douanes pour les produits pétroliers destinés à l’avitaillement des navires ;

Vu l’arrêté en date du 4 juillet 2005 du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie modifiant l’arrêté du 1er juillet 2004 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jérôme Michel, Maître des Requêtes,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le SYNDICAT NATIONAL DES PROFESSIONNELS DES ACTIVITES NAUTIQUES demande au Conseil d’Etat d’annuler la décision du 29 décembre 2005 du directeur général des douanes et des droits indirects refusant de faire droit, par délégation, à sa demande de modification de l’arrêté du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie susvisé du 1er juillet 2004, modifié par l’arrêté du 4 juillet 2005, relatif à l’exonération de la taxe intérieure sur les produits pétroliers ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu’il résulte clairement des stipulations de l’article 189 du traité instituant la Communauté européenne que les directives du Conseil des communautés européennes lient les Etats membres "quant aux résultats à atteindre" ; que si, pour adapter, ainsi qu’elles y sont tenues, la législation et la réglementation des Etats membres aux directives qui leurs sont destinées, les autorités nationales sont seules compétentes pour décider de la forme à donner à cette exécution et pour fixer elles-mêmes, sous le contrôle des juridictions nationales, les moyens propres à leur faire produire leurs effets en droit interne, ces autorités ne peuvent édicter des dispositions qui seraient incompatibles avec les objectifs définis par ces directives ;

Considérant qu’aux termes de l’article 14 de la directive susvisée du Conseil du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de la taxation des produits énergétiques et de l’électricité : "1. Outre les dispositions générales de la directive 92/12/CEE concernant les utilisations exonérées de produits imposables (huiles minérales), et sans préjudice d’autres dispositions communautaires, les Etats membres exonèrent les produits suivants de la taxation, selon les conditions qu’ils fixent en vue d’assurer l’application correcte et claire de ces exonérations et d’empêcher la fraude, l’évasion ou les abus : . - c) "les produits énergétiques fournis en vue d’une utilisation, comme carburant ou combustible pour la navigation des bateaux dans des eaux communautaires (y compris la pêche), autre qu’à bord de bateaux de plaisance privés, et l’électricité produite à bord des bateaux / Aux fins de la présente directive, on entend par "bateau de plaisance privé" tout bateau utilisé par son propriétaire ou par la personne physique ou morale qui peut l’utiliser à la suite d’une location ou à un autre titre, à des fins autres que commerciales et, en particulier, autres que le transport de passagers ou de marchandises ou la prestation de services à titre onéreux ou pour les besoins des autorités publiques. /(.) ; que l’article 28 de cette même directive fait obligation aux Etats membres d’adopter et de publier les dispositions législatives, réglementaires ou administratives nécessaires pour la transposer en droit interne au plus tard le 31 décembre 2003 ;

Considérant que postérieurement à l’expiration du délai imparti à la France pour transposer en droit interne les dispositions précitées de la directive du 27 octobre 2003, le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, pour l’application des dispositions de l’article 190 du code des douanes modifié en dernier lieu par l’article 48 de la loi n° 78-1240 du 29 décembre 1978 et relatif à l’exemption des droits de douane et des taxes intérieures sur les produits pétroliers et les houilles destinés à l’avitaillement des navires, a, par arrêté en date du 1er juillet 2004, et notamment par son article 4, décidé que : " l’usage de "bateaux de plaisance privés" n’ouvre pas droit à l’exonération des droits et taxes visés à l’article 2 ci-dessus. On entend par "bateau de plaisance privé" tout bateau utilisé par son propriétaire ou par la personne physique ou morale qui peut l’utiliser à la suite d’une location ou à un autre titre, à des fins autres que commerciales, et en particulier autres que le transport de passagers ou de marchandises ou la prestation de services à titre onéreux ou pour les besoins des autorités publiques. / Le transport des passagers ou de marchandises ou la prestation de services à titre onéreux s’entend comme toute prestation commerciale assurée par l’utilisateur du bateau, autre que la pratique du bateau lui-même à des fins de plaisance ou de sport. Lorsque le bateau, quel que soit son armement, est utilisé à titre onéreux dans le cadre d’un forfait comprenant l’équipage, le carburant et divers autres services ou dans le cadre d’une croisière avec équipage, son usage ouvre droit au régime privilégié. La prestation commerciale doit donner lieu à l’émission d’une facture ou d’un document en tenant lieu. On entend par besoins des autorités publiques toute mission, assurée ou légalement requise par les autorités publiques, notamment de surveillance, d’assistance et de secours en mer à des personnes et à des bateaux " ; qu’enfin, l’article 1er de l’arrêté en date du 4 juillet 2005 du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie a modifié l’arrêté du 1er juillet 2004 dans les termes suivants : "A la fin du 2ème alinéa de l’article 4 de l’arrêté du 1er juillet 2004 susvisé, il est ajouté la phrase suivante : " Le bateau doit détenir un rôle d’équipage délivré par les affaires maritimes ou tout autre document valant affectation d’un équipage professionnel selon la législation du pays dont le bateau bat pavillon " ;

Considérant que les dispositions précitées de l’article 14 de la directive du 27 octobre 2003, pour l’exonération des produits énergétiques fournis en vue d’une utilisation comme carburant ou combustible pour la navigation des navires dans les eaux communautaires, excluent les bateaux de plaisance privés utilisés par son propriétaire ou par la personne physique ou morale qui peut les utiliser à la suite d’une location ou à un autre titre, à des fins autres que commerciales et, en particulier, autres que le transport de passagers ou de marchandises ou la prestation de services à titre onéreux ; qu’en revanche, pour l’application de ces dispositions, une prestation de service à titre onéreux exécutée au bénéfice d’une clientèle par le prestataire de service de loisirs ou à caractère sportif est en droit de prétendre à l’exonération prévue par l’article 14 précité de la directive du 27 octobre 2003, même lorsqu’il utilise un bateau de plaisance pour les besoins de l’exécution de cette prestation ; qu’en outre, ces mêmes dispositions ne subordonnent pas le bénéfice de l’exonération des produits énergétiques fournis en vue d’une utilisation comme carburant pour la navigation des navires à la détention d’un rôle d’équipage délivré par les autorités compétentes des Etats membres ou de tout autre document valant affectation d’un équipage professionnel ; que, par suite, comme le soutient le SYNDICAT NATIONAL DES PROFESSIONNELS DES ACTIVITES NAUTIQUES par la voie de l’exception d’illégalité à l’appui de ses conclusions dirigées contre la décision attaquée, le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie ne pouvait, sans méconnaître les objectifs, énoncés à son article 14, de la directive du 27 octobre 2003, exclure du bénéfice de l’exonération de la taxe intérieure sur les produits pétroliers les prestations de service à titre onéreux de caractère sportif réalisées par le prestataire de service qui met, à cette fin, un bateau de plaisance à la disposition de sa clientèle, ni exiger pour tous les bateaux exonérés la détention d’un rôle d’équipage délivré par les affaires maritimes ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le SYNDICAT NATIONAL DES PROFESSIONNELS DES ACTIVITES NAUTIQUES est recevable et fondé à demander l’annulation de la décision en date du 29 décembre 2005 du directeur général des douanes et des droits indirects, prise sur le fondement de l’arrêté du 1er juillet 2004 modifié par l’arrêté du 4 juillet 2005 refusant de modifier cet arrêté relatif à l’exonération de la taxe intérieure sur les produits pétroliers ;

D E C I D E :

Article 1er : La décision en date du 29 décembre 2005 du directeur général des douanes et des droits indirects est annulée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT NATIONAL DES PROFESSIONNELS DES ACTIVITES NAUTIQUES et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

 


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