format pour impression
(imprimer)

DANS LA MEME RUBRIQUE :
Conseil d’Etat, 8 mars 2004, n° 245458, André S.
Conseil d’Etat, 1er octobre 2001, n° 213354, M. Simon
Conseil d’Etat, 6 octobre 2008, n° 293193, SA Unicomi
Conseil d’Etat, 19 novembre 2008, n° 294317, Khemis B.
Conseil d’Etat, 2 octobre 2002, n° 224917, Société Formatic
Conseil d’Etat, 11 avril 2008, n° 285583, Bernard C.
Conseil d’Etat, 7 novembre 2008, n° 291064, EURL Seurlin Immobilier
Conseil d’Etat, 5 juin 2002, n° 224410, M. Philippe C.
Conseil d’Etat, 29 octobre 2008, n° 292393, Eric C.
Conseil d’Etat, 5 mai 2008, n° 291229, Jean B.




Conseil d’Etat, 23 avril 2008, n° 285133, Bernard P.

Si la convention par laquelle un professionnel libéral donne en location à une société la clientèle civile qu’il exploitait à titre personnel conduit celui-ci à poursuivre son activité sous une autre forme, sans qu’il y ait cessation d’activité, elle n’a pas le caractère d’un contrat de location-gérance au sens des articles L. 144-1 et suivants du code de commerce ; qu’une telle convention ne permet notamment pas au bailleur de bénéficier de l’accroissement éventuel du portefeuille de clientèle pendant la durée de la location.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 285133

M. P.

Mme Claire Legras
Rapporteur

M. Pierre Collin
Commissaire du gouvernement

Séance du 18 février 2008
Lecture du 23 avril 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 9ème et 10ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 9ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 septembre 2005 et 19 janvier 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Bernard P. ; M. P. demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt du 13 juillet 2005 par lequel la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté sa requête tendant à l’annulation de l’article 2 du jugement du 19 décembre 2000 du tribunal administratif de Dijon rejetant sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquelles il reste assujetti au titre des années 1992 et 1994 et à ce que soit prononcée la décharge de ces impositions ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Claire Legras, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Boullez, avocat de M. P.,

- les conclusions de M. Pierre Collin, Commissaire du gouvernement

Considérant qu’aux termes du 1 de l’article 109 du code général des impôts : "Sont considérés comme revenus distribués : / (.) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices./ Les sommes imposables sont déterminées pour chaque période retenue pour l’établissement de l’impôt sur les sociétés par la comparaison des bilans de clôture de ladite période et de la période précédente selon des modalités fixées par décret en Conseil d’Etat." ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’à la suite de la vérification de comptabilité de la société anonyme d’expertise comptable "Société technique comptable", l’administration fiscale a estimé que celle-ci avait acquis à tort auprès de M. P., par deux transactions conclues le 15 juin 1992 et le 26 août 1994, pour des sommes de 1 500 000 F et 850 000 F, la totalité de la clientèle rattachée aux établissements qu’elle exploitait, à ces dates, à Beaune puis à Dijon/Précis-sous-Thil ; que par une convention du 2 octobre 1971, M. P., exerçant alors la profession d’expert-comptable à titre individuel, avait donné en location à la Société technique comptable qu’il avait créée avec cinq confrères, et dont il était président-directeur général et actionnaire, sa clientèle personnelle ; que l’administration a en conséquence estimé que M. P. n’avait pu céder à la société sa clientèle personnelle que dans sa consistance existant à la date de sa mise en location et qu’il avait bénéficié, par les conventions conclues en 1992 et 1994, d’une distribution de bénéfices évaluée, après analyse de l’importance respective de la clientèle louée en 1971 et de la clientèle développée par la société, à 1 310 921 F et 751 852 F qu’elle a imposée à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers au nom de l’intéressé au titre des années 1992 et 1994 en application des dispositions précitées de l’article 109 du code général des impôts ;

Considérant que, par l’arrêt attaqué du 13 juillet 2005, la cour administrative d’appel de Lyon a confirmé le jugement du tribunal administratif de Dijon du 19 décembre 2000 qui avait rejeté la demande de M. P. tendant à la décharge de ces cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes ;

Considérant, en premier lieu, que si la convention par laquelle un professionnel libéral donne en location à une société la clientèle civile qu’il exploitait à titre personnel conduit celui-ci à poursuivre son activité sous une autre forme, sans qu’il y ait cessation d’activité, elle n’a pas le caractère d’un contrat de location-gérance au sens des articles L. 144-1 et suivants du code de commerce ; qu’une telle convention ne permet notamment pas au bailleur de bénéficier de l’accroissement éventuel du portefeuille de clientèle pendant la durée de la location ; qu’il suit de là que la cour, en relevant que la convention de location conclue le 2 octobre 1971 entre M. P. et la société technique comptable, si elle pouvait stipuler que le requérant conservait la propriété de la clientèle qu’il donnait alors en location, ne lui conférait aucun droit patrimonial sur l’accroissement ultérieur de la clientèle de la Société technique comptable lié à l’activité même de celle-ci, n’a pas entaché son arrêt d’erreur de droit ;

Considérant, en second lieu, que la cour a estimé que l’administration avait pu, à bon droit, distinguer la clientèle civile louée par M. P. à la Société technique comptable en 1971 de la clientèle résultant du fruit de l’activité de cette société et considérer que les cessions de 1992 et 1994 avaient été réalisées pour un prix anormalement élevé dès lors qu’elles portaient sur l’intégralité de la clientèle exploitée par la société à la date de ces cessions ; que si la clientèle d’une société d’expertise comptable constitue en principe un tout, cette circonstance n’a pas pour effet de conférer un droit patrimonial sur l’intégralité de cette clientèle à l’associé qui a donné en location à cette société, antérieurement à cette cession, sa clientèle personnelle ; que le moyen tiré par M. P. de ce que la cour aurait commis une erreur de droit en admettant la requalification partielle des cessions litigieuses en distribution de bénéfices à son profit doit donc être écarté ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. P. n’est pas fondé à demander l’annulation de l’arrêt qu’il attaque ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. P. au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. P. est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Bernard P. et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

 


©opyright - 1998 - contact - Rajf.org - Revue de l'Actualité Juridique Française - L'auteur du site
Suivre la vie du site