CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N°s 308561, 308562
STADE RENNAIS FOOTBALL CLUB
FOOTBALL CLUB GIRONDINS DE BORDEAUX
Mlle Sophie-Justine Liéber
Rapporteur
Mme Emmanuelle Prada Bordenave
Commissaire du gouvernement
Séance du 12 mars 2008
Lecture du 4 avril 2008
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 2ème et 7ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 2ème sous-section de la Section du contentieux
Vu 1°/, sous le n° 308561, la requête introductive et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 août et 14 novembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour le STADE RENNAIS FOOTBALL CLUB, dont le siège est 111, route de Lorient CS 53909, à Rennes Cedex (35039) ; le STADE RENNAIS FOOTBALL CLUB demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler la décision du 14 juin 2007 par laquelle la Commission d’organisation des compétitions de la Ligue de football professionnel a homologué le classement final du championnat de France professionnel de première division pour la saison 2006-2007 et a établi le palmarès du championnat de Ligue 1 à l’issue de la saison ;
2°) de mettre conjointement à la charge de la Fédération française de football et de la Ligue nationale de football le paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
3°) d’enjoindre à la Ligue de football professionnel et à la Fédération française de football de lui communiquer l’ensemble du dossier de la procédure qui s’est tenue devant les instances disciplinaires, comprenant tous les dossiers, pièces, documents ou rapports au vu desquels ont été prises les décisions de la Commission de discipline puis de la Commission supérieure d’appel ;
Vu 2°/, sous le n° 308562, la requête introductive et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 août et 14 novembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour le FOOTBALL CLUB GIRONDINS DE BORDEAUX, dont le siège est 111, route de Lorient CS 53909, à Rennes Cedex (35039) ; le FOOTBALL CLUB GIRONDINS DE BORDEAUX demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler la décision du 14 juin 2007 par laquelle la Commission d’organisation des compétitions de la Ligue de football professionnel a homologué le classement final du championnat de France professionnel de première division pour la saison 2006-2007 et a établi le palmarès du championnat de Ligue 1 à l’issue de la saison ;
2°) de mettre conjointement à la charge de la Fédération française de football et de la Ligue nationale de football le paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
3°) d’enjoindre à la Ligue de football professionnel et à la Fédération française de football de lui communiquer l’ensemble du dossier de la procédure qui s’est tenue devant les instances disciplinaires, comprenant tous les dossiers, pièces, documents ou rapports au vu desquels ont été prises les décisions de la Commission de discipline puis de la Commission supérieure d’appel ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code du sport ;
Vu les règlements généraux de la Fédération française de football ;
Vu le règlement des compétitions de la Ligue de football professionnel ;
Vu le règlement administratif de la Ligue de football professionnel ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de Mlle Sophie-Justine Liéber, Maître des Requêtes,
les observations de Me Spinosi, avocat du STADE RENNAIS FOOTBALL CLUB et du FOOTBALL CLUB GIRONDINS DE BORDEAUX, et de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de la Ligue de football professionnel (LFP),
les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement
Considérant que, lors de l’avant-dernière journée du championnat de France 2006-2007 de football, la rencontre entre le Football Club de Nantes et le Toulouse Football Club a été interrompue définitivement à la quatre-vingt-septième minute, à la suite de l’envahissement du terrain par des supporters nantais ; que, consécutivement à cet incident, la commission de discipline de la Ligue de football professionnel a prononcé le 24 mai 2007, à l’encontre du Football club de Nantes, la sanction du match perdu par pénalité et accordé trois points au Toulouse football club ; que cette sanction a été confirmée en appel par une décision de la commission supérieure d’appel de la Fédération française de football du 12 juin 2007 ; que la commission d’organisation des compétitions de la Ligue professionnelle de football a enregistré les résultats de la rencontre par une décision du 25 mai 2007 et homologué les résultats du championnat de France par une décision du 14 juin 2007 ;
Considérant que les requêtes n° 308561 et n° 308562 concernent toutes les deux la décision du 14 juin 2007 par laquelle la commission d’organisation des compétitions de la Ligue de football professionnel a homologué les résultats du championnat de France professionnel de première division pour la saison 2006-2007 et a établi le palmarès du championnat de Ligue 1 à l’issue de la saison ; qu’il y a lieu de les joindre et d’y statuer par une même décision ;
Considérant que l’article 178 du règlement administratif de la Ligue de football professionnel, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée, dispose que " la commission d’organisation des compétitions est composée d’au moins cinq membres sans pouvoir dépasser douze membres (.) " et que l’article 153 du même règlement prévoit que " les commissions prévues par le présent règlement ne peuvent valablement délibérer que si trois au moins des membres indépendants qui la composent, dont le président ou l’un des vice-présidents, sont présents (.) " ; que, lors de sa séance du 14 juin 2007, la commission était composée de quatre membres " indépendants " au sens de l’article 153 précité, dont le président ; que, dès lors, le moyen tiré de l’irrégularité de la composition de la commission doit être écarté ;
Considérant qu’au soutien de leur requête, le STADE RENNAIS FOOTBALL CLUB et le FOOTBALL CLUB GIRONDINS DE BORDEAUX invoquent l’illégalité de la décision du 12 juin 2007 par laquelle la commission supérieure d’appel de la Fédération française de football a confirmé la sanction du match perdu par pénalité infligée au Football club de Nantes et octroyé trois points au Toulouse football club ; que les deux clubs requérants, qui ont intérêt à demander l’annulation de la décision par laquelle la commission d’organisation des compétitions de la Ligue de football professionnel a homologué le classement du championnat de France 2006-2007, sont ainsi recevables à se prévaloir de tout moyen de légalité à l’appui de leur requête ;
Considérant que l’article 167 du règlement administratif de la Ligue professionnelle de football dispose que " (.) la décision de la commission de discipline peut être frappée d’appel devant la commission supérieure d’appel de la Fédération française de football (.) par les parties en première instance ou par un membre indépendant du conseil d’administration de la Ligue de football professionnel, désigné à cet effet (.) " ; qu’il ressort de ces dispositions, d’une part, que dans les instances devant la commission de discipline et devant la commission supérieure d’appel, seuls ont qualité de partie les clubs qui se sont opposés au cours du match, d’autre part, que le seul tiers admis à intervenir devant la commission supérieure d’appel de la Fédération française de football est la Ligue de football professionnel ; qu’aucun des deux clubs requérants n’ayant eu la qualité de partie devant la commission de discipline, ni, par voie de conséquence, devant la commission supérieure d’appel, le moyen tiré de ce que le défaut de communication aux clubs requérants du mémoire de l’une des parties avant le jour de l’audience entacherait d’irrégularité la procédure devant la commission supérieure d’appel doit être écarté ;
Considérant, en outre, que ni la commission de discipline ni la commission supérieure d’appel n’ont le caractère d’une juridiction ou d’un tribunal au sens de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; que les dispositions de l’article R. 632-1 du code de justice administrative ne leur sont pas applicables et ne peuvent donc pas être utilement invoquées ;
Considérant qu’aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe général n’impose que les décisions de la commission supérieure d’appel, qui, comme il a été dit ci-dessus, n’est pas une juridiction, portent mention de la composition de la commission ; qu’en outre, il ressort des pièces du dossier que le procès-verbal de la séance du 12 juin 2007 mentionne le nom des membres de la commission ayant participé au délibéré ; que par suite, le moyen doit être écarté ;
Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 9 du règlement disciplinaire de la Fédération française de football applicables à la procédure devant la commission supérieure d’appel, " 1° . Le président de la commission disciplinaire ou le rapporteur qu’il désigne expose oralement en séance les faits et le déroulement de la procédure. ; 2°. e). Les procès-verbaux des réunions sont signés par le président et le secrétaire des organes disciplinaires. " ; qu’il ressort des pièces du dossier, d’une part, que le président de la séance du 12 juin 2007 a procédé au rappel des faits, d’autre part, que le procès-verbal de cette séance a été signé par le président et par le secrétaire de séance ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions précitées de l’article 9 du règlement disciplinaire de la Fédération française de football n’ont pas été respectées manque en fait ;
Considérant que les dispositions de l’article 162 du règlement administratif de la Ligue de football professionnel, invoquées par les requérants, ne sont relatives qu’à la procédure d’instruction devant la commission de discipline ;
Considérant que l’article 335 du règlement administratif de la Ligue de football professionnel prévoit la compétence exclusive de l’arbitre pour arrêter définitivement un match en cas d’envahissement du terrain ; qu’il ressort des pièces du dossier que la décision d’interruption définitive du match a été prise par l’arbitre ; que la commission supérieure d’appel n’a donc commis ni erreur de fait, ni erreur de droit ; qu’elle n’a pas davantage entaché sa décision de contradiction de motifs ni commis d’erreur de droit en relevant que la décision de l’arbitre avait été adoptée en concertation avec les représentants des forces de l’ordre ;
Considérant qu’aux termes de l’article 335 du règlement administratif de la Ligue de football professionnel : " Lorsqu’un match est définitivement arrêté par l’arbitre en raison de l’envahissement du terrain (.), la commission de discipline prend, après enquête, les mesures adaptées aux responsabilités engagées. " ; que l’article 355 du même règlement prévoit que le club visité ". est tenu pour responsable des incidents qui peuvent se produire dans l’enceinte du stade du fait de l’attitude de ses joueurs, entraîneurs, dirigeants et des spectateurs ou de l’insuffisance de l’organisation. " ; que le règlement disciplinaire et barème des sanctions de référence pour comportement antisportif, annexé au règlement de la Fédération française de football, prévoit, en cas d’envahissement du terrain ayant entraîné l’arrêt définitif de la rencontre, sans blessure constatée par un certificat médical, une sanction de match perdu et peut aller jusqu’à un retrait de trois points ; que, dès lors, en infligeant au Football club de Nantes la sanction du match perdu et en attribuant, par conséquent, trois points au Toulouse football club, après avoir souligné que la responsabilité du Football club de Nantes était engagée du fait de l’insuffisance des mesures de sécurité mises en œuvre, alors pourtant que des risques de débordement étaient prévisibles compte tenu de l’enjeu du match, la commission supérieure d’appel n’a pas pris une mesure manifestement disproportionnée ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’ordonner les mesures d’instruction sollicitées, que le STADE RENNAIS FOOTBALL CLUB et le FOOTBALL CLUB GIRONDINS DE BORDEAUX ne sont pas fondés à demander l’annulation de la décision attaquée ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Ligue de football professionnel, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le STADE RENNAIS FOOTBALL CLUB et le FOOTBALL CLUB GIRONDINS DE BORDEAUX demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge du STADE RENNAIS FOOTBALL CLUB et du FOOTBALL CLUB GIRONDINS DE BORDEAUX le versement à la Ligue professionnelle de football d’une somme de 3 000 euros chacun au titre de ces mêmes dispositions ;
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes du STADE RENNAIS FOOTBALL CLUB et du FOOTBALL CLUB GIRONDINS DE BORDEAUX sont rejetées.
Article 2 : Le STADE RENNAIS FOOTBALL CLUB et le FOOTBALL CLUB GIRONDINS DE BORDEAUX verseront une somme de 3 000 euros chacun à la Ligue de football professionnel, en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au STADE RENNAIS FOOTBALL CLUB, au FOOTBALL CLUB GIRONDINS DE BORDEAUX, à la Ligue de football professionnel et au ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.