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Conseil d’Etat, 30 décembre 2003, n° 229713, Syndicat national des professionnels de la moto neige et autres

Il résulte des termes mêmes de l’article 1er de la loi du 3 janvier 1991 que l’interdiction de circuler en dehors des voies classées dans le domaine public routier, des chemins ruraux et de certaines voies privées s’applique aux véhicules à moteur. Les engins motorisés conçus pour la progression sur neige présentent le caractère de véhicules à moteur. Les dispositions spéciales relatives à ces engins, figurant aux articles 3 et 4 de la loi, ne dérogent pas aux dispositions générales de l’article 1er.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N°s 229713, 230192

SYNDICAT NATIONAL DES PROFESSIONNELS DE LA MOTO NEIGE et autres

M. Maisl
Rapporteur

M. Chauvaux
Commissaire du gouvernement

Séance du 1er décembre 2003
Lecture du 30 décembre 2003

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 5ème et 7ème sous-section réunies)

Sur le rapport de la 5ème sous-section de la Section du contentieux

Vu 1°), sous le n° 229713, la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 janvier et 30 mai 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour le SYNDICAT NATIONAL DES PROFESSIONNELS DE LA MOTO-NEIGE, dont le siège est au Chandon à Méribel (73550) et pour l’ASSOCIATION DES MAIRES DE STATIONS DE SPORTS D’HIVER ET D’ETE, dont le siège est 61, boulevard Haussmann à Paris (75008) ; le SYNDICAT NATIONAL DES PROFESSIONNELS DE LA MOTO-NEIGE et l’ASSOCIATION DES MAIRES DE STATIONS DE SPORTS D’HIVER ET D’ETE demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler la circulaire en date du 30 novembre 2000 par laquelle le ministre de l’aménagement du territoire et de l’environnement a fixé les conditions d’utilisation des motos-neige en application de la loi du 3 janvier 1991 relative à la circulation des véhicules terrestres dans les espaces naturels ;

2°) de condamner l’Etat à leur verser, à chacun, la somme de 15 000 F en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu 2°), sous le n° 230192, la requête, enregistrée le 10 février 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par la SARL "LE REFUGE NAPOLEON", domiciliée Maison Guion à Cervières (05100) ; la SARL "LE REFUGE NAPOLEON" demande au Conseil d’Etat d’annuler la circulaire en date du 30 novembre 2000 par laquelle le ministre de l’aménagement du territoire et de l’environnement a fixé les conditions d’utilisation des motos-neige en application de la loi du 3 janvier 1991 relative à la circulation des véhicules terrestres dans les espaces naturels ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ensemble le premier protocole additionnel à cette convention ;

Vu le code de l’environnement ;

Vu le code des communes ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de l’urbanisme ;

Vu la loi n° 91-2 du 3 janvier 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Maisl, Conseiller d’Etat,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat du SYNDICAT NATIONAL DES PROFESSIONNELS DE LA MOTO NEIGE (SNPN) et de l’ASSOCIATION DES MAIRES DE STATIONS DE SPORTS D’HIVER ET D’ETE,
- les conclusions de M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes, d’une part, du SYNDICAT NATIONAL DES PROFESSIONNELS DE LA MOTO-NEIGE et de l’ASSOCIATION DES MAIRES DE STATIONS DE SPORTS D’HIVER ET D’ETE et, d’autre part, de la SARL "LE REFUGE NAPOLEON" sont dirigées contre la même circulaire ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Considérant qu’aucune disposition n’imposait que la circulaire attaquée du ministre de l’aménagement du territoire et de l’environnement fût également signée par le ministre de l’intérieur ;

Considérant qu’aux termes des articles 1 à 4 de la loi du 3 janvier 1991 relative à la circulation des véhicules terrestres dans les espaces naturels, codifiés aux articles L. 362-1 à L. 362-3 du code de l’environnement : "Article 1er : En vue d’assurer la protection des espaces naturels, la circulation des véhicules à moteur est interdite en dehors des voies classées dans le domaine public routier de l’Etat, des départements et des communes, des chemins ruraux et des voies privées ouvertes à la circulation publique des véhicules à moteur (...). Article 2 : L’interdiction prévue à l’article 1er ne s’applique pas aux véhicules utilisés pour remplir une mission de service public./(...) L’interdiction ne s’applique pas aux véhicules utilisés à des fins professionnelles de recherche, d’exploitation ou d’entretien des espaces naturels et elle n’est pas opposable aux propriétaires ou à leurs ayants droit circulant ou faisant circuler des véhicules à des fins privées sur des terrains appartenant auxdits propriétaires./ L’ouverture de terrains pour la pratique de sports motorisés est soumise aux dispositions de l’article L. 442-1 du code de l’urbanisme (...). Article 3 : L’utilisation, à des fins de loisirs, d’engins motorisés conçus pour la progression sur neige est interdite. Article 4 : L’interdiction prévue à l’article précédent ne s’applique pas sur les terrains ouverts dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article 2". ;

Considérant que la circonstance que la circulaire attaquée se réfère aux articles 1 à 4 de la loi du 3 janvier 1991, qui étaient abrogés à la date à laquelle elle a été prise, est sans incidence sur sa légalité dès lors que les dispositions de ces articles avaient été reprises dans le code de l’environnement ;

En ce qui concerne le point 1.1.1 de la circulaire :

Considérant que le ministre de l’aménagement du territoire et de l’environnement a indiqué au point 1.1.1 de la circulaire attaquée que les motos-neige étaient soumises simultanément à l’interdiction générale de circulation dans les espaces naturels résultant de l’article 1er de la loi, sous réserve des dérogations prévues à l’article 2, et à l’interdiction d’utiliser les engins motorisés conçus pour la progression sur neige à des fins de loisirs résultant de l’article 3 ; que le SYNDICAT NATIONAL DES PROFESSIONNELS DE LA MOTO-NEIGE et l’ASSOCIATION DES MAIRES DE STATIONS DE SPORTS D’HIVER ET D’ETE soutiennent que cette interprétation est contraire à la loi et incompatible, eu égard à ses conséquences sur les possibilités de déplacement en zone de montagne, avec les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’article 1er du premier protocole additionnel à ladite convention ;

Considérant qu’il résulte des termes mêmes de l’article 1er de la loi du 3 janvier 1991 que l’interdiction de circuler en dehors des voies classées dans le domaine public routier, des chemins ruraux et de certaines voies privées s’applique aux véhicules à moteur ; que les engins motorisés conçus pour la progression sur neige présentent le caractère de véhicules à moteur ; que les dispositions spéciales relatives à ces engins, figurant aux articles 3 et 4 de la loi, ne dérogent pas aux dispositions générales de l’article 1er ; que, dès lors, le ministre de l’aménagement du territoire et de l’environnement n’a pas fait une inexacte interprétation de la loi en indiquant que la circulation des motos-neige dans les espaces naturels était interdite en dehors des cas prévus à l’article 2 de la loi ; que, si ces dispositions législatives peuvent restreindre la possibilité d’utiliser des motos-neige pour accéder à des chalets isolés ou à des restaurants d’altitude, elles ne sauraient être regardées, de ce seul fait, comme incompatibles avec le droit au respect du domicile garanti par l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ni avec le droit au respect des biens garanti par l’article 1er du premier protocole additionnel à ladite convention ;

Considérant qu’en indiquant que l’utilisation d’une moto-neige par un propriétaire privé ou ses ayants droit sur un terrain lui appartenant, permise par les dispositions de l’article 2 de la loi, était soumise à l’interdiction des utilisations à des fins de loisirs prévue par l’article 3, le ministre n’a pas commis d’erreur de droit ; qu’en précisant que la loi autorisait l’utilisation de ces engins à des fins d’exploitation ou d’entretien des espaces naturels, la circulaire s’est bornée à donner des exemples d’utilisation sur les terrains privés, sans entendre en donner une liste exhaustive ;

Considérant, en revanche, qu’en indiquant qu’"une voie momentanément fermée à la circulation par décision d’une autorité locale perd son statut de voie ouverte à la circulation publique et est alors soumise au principe général d’interdiction de l’article 1er de la loi", alors qu’une voie publique enneigée, fermée temporairement à la circulation par l’autorité de police, ne perd pas son statut de voie publique et qu’il est loisible à l’autorité compétente de ne pas la fermer aux engins motorisés conçus pour la progression sur neige utilisés à des fins autres que de loisirs, le ministre a méconnu la portée de la loi ; que les requérants sont dès lors fondés à demander l’annulation de ces dispositions, qui sont divisibles de l’ensemble de la circulaire attaquée ;

En ce qui concerne le point 1.1.2 :

Considérant que les dispositions précitées de la loi du 3 janvier 1991 ne permettent pas à l’autorité administrative de déroger aux interdictions qu’elle édicte ; qu’il suit de là que le ministre n’a pas commis d’erreur de droit en indiquant que "les autorités locales, préfets, maires ou présidents de conseils généraux ne sont pas habilités à délivrer des autorisations exceptionnelles de circulation - générales ou particulières - pour de tels engins" ;

En ce qui concerne le point 2.4.1 :

Considérant qu’en indiquant que les terrains, qui ont fait l’objet d’une autorisation dans les conditions prévues à l’article L. 442-1 du code de l’urbanisme, sur lesquels l’utilisation de motos-neige à des fins de loisirs est possible en application de l’article 4 de la loi du 3 janvier 1991, doivent être matérialisés par des balises ou tout autre moyen rendant leurs limites clairement identifiables, le ministre n’a fait que tirer les conséquences nécessaires des dispositions de la loi, un itinéraire dans un espace naturel ne pouvant être regardé comme un terrain au sens de son article 4 ;

En ce qui concerne le point 2.5 :

Considérant que la circulaire admet au point 2.5 que des motos-neige puissent assurer le ravitaillement de refuges mais exclut qu’elles servent à convoyer des clients jusqu’à un refuge, un tel usage relevant d’une utilisation à des fins de loisirs prohibée par l’article 3 de la loi ; que la SARL "LE REFUGE NAPOLEON" conteste ces indications en faisant valoir que ces établissements remplissent des missions de service public ; qu’elle n’est cependant pas fondée à soutenir que le convoyage des clients jusqu’à un refuge peut être regardé comme se rapportant à une mission de service public ; que le moyen doit par suite être écarté ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont fondés à demander l’annulation de la circulaire attaquée qu’en tant qu’elle prévoit, dans son point 1.1.1, qu’"une voie momentanément fermée à la circulation par décision d’une autorité locale perd son statut de voie ouverte à la circulation publique et est alors soumise au principe général d’interdiction de l’article 1er de la loi" ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner l’Etat à verser 1 000 euros au SYNDICAT NATIONAL DES PROFESSIONNELS DE LA MOTO-NEIGE et 1 000 euros à l’ASSOCIATION DES MAIRES DE STATIONS DE SPORTS D’HIVER ET D’ETE au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La circulaire du ministre de l’aménagement du territoire et de l’environnement est annulée en tant qu’elle prévoit, dans son point 1.1.1, qu’"une voie momentanément fermée à la circulation par décision d’une autorité locale perd son statut de voie ouverte à la circulation publique et est alors soumise au principe général d’interdiction de l’article 1er de la loi".

Article 2 : L’Etat versera 1 000 euros au SYNDICAT NATIONAL DES PROFESSIONNELS DE LA MOTO-NEIGE et 1 000 euros à l’ASSOCIATION DES MAIRES DE STATIONS DE SPORTS D’HIVER ET D’ETE en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT NATIONAL DES PROFESSIONNELS DE LA MOTO-NEIGE, à l’ASSOCIATION DES MAIRES DE STATIONS DE SPORTS D’HIVER ET D’ETE, à la SARL "LE REFUGE NAPOLEON" et au ministre de l’écologie et du développement durable.

 


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