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Conseil d’Etat, Assemblée, 21 janvier 2004, n° 254645, Mme Gabrielle B.

Si l’écart à la population moyenne départementale n’a pas significativement augmenté depuis la loi du 10 août 1871 relative aux conseils généraux pour le canton des Saintes-Maries de la Mer et depuis 1932, date de sa création, pour le canton de Port Saint-Louis, en revanche, pendant les mêmes périodes, l’écart entre la population de ces deux cantons, les moins peuplés, et la population du canton d’Arles-Est, le plus peuplé de l’arrondissement d’Arles, a doublé, passant de plus de 15 000 à plus de 30 000 habitants. Les raisons d’intérêt général invoquées par le ministre de l’intérieur et tirées des caractéristiques spécifiques de la Camargue, ne font pas obstacle à ce qu’il soit procédé à un nouveau découpage tenant compte des nécessités de représentation de la Camargue mais plus conforme au principe de l’égalité du suffrage. Ainsi le refus de remodeler une partie du département englobant les deux cantons des Saintes-Maries de la Mer et de Port Saint-Louis est entaché d’excès de pouvoir.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 254645

Mme B.

M. Salesse
Rapporteur

Mme Boissard
Commissaire du gouvernement

Séance du 16 janvier 2004
Lecture du 21 janvier 2004

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

Sur le rapport de la 10ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 février et 4 avril 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés par Mme Gabrielle B. ; Mme Gabrielle B. demande que le Conseil d’Etat :

1°) annule pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé pendant plus de deux mois par le Premier ministre sur sa demande du 24 décembre 2002 tendant au redécoupage des cantons des Saintes-Maries de la Mer, de Port Saint-Louis, d’Istres Sud, de Saint-Rémy de Provence et de Tarascon dans le département des Bouches du Rhône ;

2°) enjoigne au Premier ministre de procéder à ce redécoupage ;

3°) condamne l’Etat à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Salesse, Maître des Requêtes,
- les conclusions de Mme Boissard, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le Premier ministre, saisi, sur le fondement du principe d’égalité des citoyens devant le suffrage, d’une demande de remodelage de circonscriptions cantonales d’un département, est tenu d’y faire droit si une transformation profonde de la répartition de la population de ce département a conduit à des écarts de population manifestement excessifs entre ces cantons et sous réserve que des motifs d’intérêt général ne justifient pas le maintien du découpage existant ;

Considérant que les deux cantons des Saintes-Maries de la Mer et de Port Saint-Louis comptent respectivement, selon le recensement de 1999, 2 478 et 8 121 habitants ; que la moyenne départementale de la population par canton dans les Bouches-du-Rhône était, à la date de la décision attaquée, de 34 636 ; que dans la partie du département voisine de ces deux cantons, qu’il y a lieu de retenir comme élément de comparaison et qui correspond en l’espèce à l’arrondissement d’Arles, les autres cantons ont une population comprise entre 15 255 habitants pour Saint-Rémy de Provence et 40 567 habitants pour Arles-Est ; que ces écarts entre la population des cantons des Saintes-Maries de la Mer et de Port Saint-Louis et tant la moyenne départementale que la population des cantons voisins sont manifestement excessifs ; que si l’écart à la population moyenne départementale n’a pas significativement augmenté depuis la loi du 10 août 1871 relative aux conseils généraux pour le canton des Saintes-Maries de la Mer et depuis 1932, date de sa création, pour le canton de Port Saint-Louis, en revanche, pendant les mêmes périodes, l’écart entre la population de ces deux cantons, les moins peuplés, et la population du canton d’Arles-Est, le plus peuplé de l’arrondissement d’Arles, a doublé, passant de plus de 15 000 à plus de 30 000 habitants ; que les raisons d’intérêt général invoquées par le ministre de l’intérieur et tirées des caractéristiques spécifiques de la Camargue, ne font pas obstacle à ce qu’il soit procédé à un nouveau découpage tenant compte des nécessités de représentation de la Camargue mais plus conforme au principe de l’égalité du suffrage ; qu’ainsi le refus de remodeler une partie du département englobant les deux cantons des Saintes-Maries de la Mer et de Port Saint-Louis est entaché d’excès de pouvoir ;

Considérant en revanche que dans le même arrondissement la population des cantons de Tarascon et de Saint-Rémy de Provence, qui est respectivement, selon le recensement de 1999, de 16 879 et 15 255 habitants, ne présente pas un écart manifestement excessif par rapport à celle des autres cantons de cette partie du département ni par rapport à la moyenne départementale ; qu’il en va de même, dans l’arrondissement d’Istres, du canton le plus peuplé, celui d’Istres-Sud, qui compte 48 625 habitants ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que Mme B. n’est fondée à soutenir que la décision implicite qu’elle attaque est entachée d’excès de pouvoir qu’en tant qu’elle s’oppose à un nouveau découpage d’une partie du département englobant les cantons des Saintes-Maries de la Mer et de Port Saint-Louis ;

Sur les conclusions à fins d’injonction :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 911-1 du code de justice administrative : "Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution" ; que l’annulation de la décision du Premier ministre refusant de prendre un décret de remodelage cantonal relatif à une partie du département englobant les cantons des Saintes-Maries de la Mer et de Port Saint-Louis, implique l’édiction d’une telle mesure ; que toutefois aux termes de l’article 7 de la loi du 11 décembre 1990 : "il ne peut être procédé à aucun redécoupage des circonscriptions électorales dans l’année précédant l’échéance normale de renouvellement des assemblées concernées" ; qu’il y a lieu, dès lors, pour le Conseil d’Etat d’enjoindre au Premier ministre de prendre un tel décret postérieurement au renouvellement des conseils généraux de mars 2004 ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l’Etat à payer à Mme B. la somme que demande celle-ci au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La décision implicite du Premier ministre née du silence gardé pendant plus de deux mois sur la demande du 24 décembre 2002 de Mme B. est annulée en tant qu’elle refuse qu’il soit procédé à un nouveau découpage d’une partie du département englobant les cantons des Saintes-Maries de la Mer et de Port Saint-Louis.

Article 2 : Il est enjoint au Premier ministre de prendre postérieurement au renouvellement des conseils généraux de mars 2004 un décret procédant à un nouveau découpage d’une partie du département englobant les cantons des Saintes-Maries de la Mer et de Port Saint-Louis.

Article 3 : L’Etat versera à Mme B. une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme B. est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Gabrielle B., au Premier ministre et au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

 


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