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Conseil d’Etat, 17 novembre 2008, n° 316429, Elections municipales d’Aiguilles-en-Queyras

Un document de huit pages en couleurs, intitulé " Le mot de la fin ", réalisé et distribué par des agents avec les moyens de la commune, a été diffusé aux électeurs de la commune dans la semaine qui a précédé le premier tour de l’élection ; que ce document comportait un éditorial du maire sortant, M. A., et dressait un bilan avantageux de l’action menée sous son mandat, en décrivant notamment l’ensemble des projets réalisés et des projets en cours ; que la diffusion de ce bulletin a par suite présenté le caractère d’un abus de propagande en faveur de M. A., qui s’est porté candidat à l’issue du premier tour, et de la liste qu’il a alors constituée avec M. H., conseiller municipal sortant ; qu’eu égard au faible écart de voix entre les deux derniers candidats élus de cette liste, M. A. lui-même et M. G., et les premiers candidats non élus de la liste concurrente, cette irrégularité a été de nature à vicier les résultats du scrutin.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 316429

M. T.
Elections municipales d’Aiguilles-en-Queyras

M. Xavier de Lesquen
Rapporteur

Mme Catherine de Salins
Commissaire du gouvernement

Séance du 6 octobre 2008
Lecture du 17 novembre 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 5ème et 4ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 5ème sous-section de la section du contentieux

Vu la requête, enregistrée le 22 mai 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par M. Jean T. ; M. T. demande au Conseil d’Etat d’annuler l’ordonnance du 5 mai 2008 par laquelle le président de la 8ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa protestation tendant à l’annulation des opérations électorales qui se sont déroulées les 9 et 16 mars 2008 dans la commune d’Aiguilles-en-Queyras ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code électoral ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Xavier de Lesquen, Maître des Requêtes,

- les conclusions de Mme Catherine de Salins, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’aux termes de l’article R. 119 du code électoral, relatif à l’élection des conseillers municipaux : "Les réclamations contre les opérations électorales doivent être consignées au procès-verbal, sinon être déposées, à peine d’irrecevabilité, au plus tard à dix-huit heures le cinquième jour qui suit l’élection, à la sous-préfecture ou à la préfecture (.)./ Les protestations peuvent également être déposées directement au greffe du tribunal administratif dans le même délai (.) " ;

Considérant que la protestation formée par M. T. contre les opérations électorales auxquelles il a été procédé dans la commune d’Aiguilles-en-Queyras (Hautes-Alpes) les 9 et 16 mars 2008 a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Marseille le 25 mars 2008 alors que le délai ouvert pour contester les opérations du premier tour de scrutin expirait, par application des dispositions précitées, le 14 mars à 18 heures ; que M. T. n’est dès lors pas fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Marseille l’a rejetée comme irrecevable en tant qu’elle était dirigée contre les opérations électorales du 9 mars 2008 ;

Considérant, en revanche, qu’il résulte de l’instruction que la protestation de M. T. a été déposée au bureau de poste d’Aiguilles-en-Queyras le 19 mars 2008, plus de 48 heures avant l’expiration, le 21 mars à 18 heures, du délai imparti pour contester les opérations du second tour ; qu’en l’absence de circonstances particulières propres à la période de l’année considérée et de nature à rendre prévisible un allongement de la durée d’acheminement du courrier, la protestation doit être regardée comme ayant été remise au service postal en temps utile pour parvenir dans le délai prévu par l’article R. 119 du code électoral ; que, par suite, et alors même qu’elle n’a été remise au greffe du tribunal qu’après l’expiration de ce délai, c’est à tort que le tribunal l’a regardée comme tardive ; qu’il suit de là que M. T. est fondé à demander l’annulation de l’ordonnance attaquée en tant qu’elle concerne les opérations électorales qui se sont déroulées le 16 mars 2008 dans la commune d’Aiguilles-en-Queyras ;

Considérant que le délai imparti au tribunal administratif par l’article R.120 du code électoral pour statuer sur la protestation de M. T. est expiré ; que, dès lors, il y a lieu pour le Conseil d’Etat de statuer immédiatement sur cette protestation, en tant qu’elle concerne les opérations électorales qui se sont déroulées le 16 mars 2008 ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre grief invoqué par M. T. ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction qu’un document de huit pages en couleurs, intitulé " Le mot de la fin ", réalisé et distribué par des agents avec les moyens de la commune, a été diffusé aux électeurs de la commune dans la semaine qui a précédé le premier tour de l’élection ; que ce document comportait un éditorial du maire sortant, M. A., et dressait un bilan avantageux de l’action menée sous son mandat, en décrivant notamment l’ensemble des projets réalisés et des projets en cours ; que la diffusion de ce bulletin a par suite présenté le caractère d’un abus de propagande en faveur de M. A., qui s’est porté candidat à l’issue du premier tour, et de la liste qu’il a alors constituée avec M. H., conseiller municipal sortant ; qu’eu égard au faible écart de voix entre les deux derniers candidats élus de cette liste, M. A. lui-même et M. G., et les premiers candidats non élus de la liste concurrente, cette irrégularité a été de nature à vicier les résultats du scrutin ; qu’il y a lieu, dès lors, d’annuler l’élection de M. A. et de M. G. en qualité de conseillers municipaux de la commune d’Aiguilles-en-Queyras ;

D E C I D E :

Article 1er : L’ordonnance du président de la 8ème chambre du tribunal administratif de Marseille en date du 5 mai 2008 est annulée en tant qu’elle concerne les opérations électorales du 16 mars 2008.

Article 2 : L’élection de M. A. et de M. G. en qualité de conseillers municipaux de la commune d’Aiguilles-en-Queyras est annulée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. T. est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Jean T., au ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, à M. Jacques B. et autres.

 


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