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Conseil d’Etat, 6 mars 2002, n° 235950, Elections municipales de Bagnères-de-Luchon (Haute-Garonne)

La circonstance que le contenu de la « lettre du maire » parue en septembre 2000 se trouvait encore accessible sur le site Internet de la commune le 11 mars 2001 ne constitue pas une méconnaissance des dispositions de l’article L. 49 du Code électoral.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

Nos 235950, 236105

Elections municipales de Bagnères-de-Luchon (Haute-Garonne)

Mme de Salins, Rapporteur

Mlle Fombeur, Commissaire du gouvernement

Séance du 30 janvier 2002

Lecture du 6 mars 2002

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

Vu 1°), sous le n° 235950, la requête sommaire, le mémoire complémentaire et le mémoire rectificatif, enregistrés les 12 juillet, 3 août et 10 septembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés par M. René R. et autres ; M. E. et autres demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler le jugement en date du 15 juin 2001 par lequel le tribunal administratif de Toulouse, faisant partiellement droit aux protestations présentées par M. Henri Denard et autres et M. Dominique Laval et autres, a annulé les opérations du premier tour de scrutin auxquelles il a été procédé le 11 mars 2001 dans la commune de Bagnères-de-Luchon en vue du renouvellement du conseil municipal ;

2°) de valider les opérations électorales auxquelles il a été procédé le 11 mars 2001 dans la commune de Bagnères-de-Luchon ;

3°) de condamner les protestataires à leur verser la somme de 21 000 F au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu 2°), sous le n° 236105, la requête, enregistrée le 16 juillet 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par M. René R. ; M. R. et autres demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler le jugement en date du 15 juin 2001 par lequel le tribunal administratif de Toulouse, faisant partiellement droit aux protestations présentées par M. Henri Denard et autres et M. Dominique Laval et autres, a annulé les opérations du premier tour de scrutin auxquelles il a été procédé le 11 mars 2001 dans la commune de Bagnères-de-Luchon en vue du renouvellement du conseil municipal ;

2°) de rejeter lesdites protestations ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code électoral ;

Vu la loi n° 2001-2 du 3 janvier 2001 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme de Salins, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Bachellier, Potier de la Varde, avocat de M. Denard et autres,

- les conclusions de Mlle Fombeur, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes n°s 235950 et 236105 de M. R. et de ses colistiers sont dirigées contre un même jugement ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Considérant que s’il est soutenu que, pendant le dépouillement, M. R., président du bureau de vote n° 1, est sorti quelques instants de ce bureau alors qu’il tenait à la main un paquet de cent enveloppes, il résulte de l’instruction, et notamment des différentes attestations produites au dossier, que les faits ainsi reprochés à M. R. se sont produits à la fin du dépouillement et non pendant celui-ci, et que l’enveloppe avec laquelle M. RETTIG s’est éloigné de la table n° 2 contenait des bulletins blancs ou nuls dûment comptabilisés ; qu’il n’est pas établi qu’une enveloppe aurait été emportée en dehors du bureau de vote avant la fin du dépouillement ; que, par suite, M. R. et autres sont fondés à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Toulouse s’est fondé sur ce que les faits allégués par les protestataires étaient établis pour annuler les opérations électorales litigieuses ;

Considérant, toutefois, qu’il appartient au Conseil d’Etat, saisi de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres griefs soulevés par M. Denard devant le tribunal administratif de Toulouse :

Sur le grief tiré d’irrégularités dans le déroulement des opérations de révision de la liste électorale :

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que M. Denard et ses colistiers soutiennent, les décisions de radiation des listes électorales de Bagnères-de-Luchon ont été notifiées aux personnes intéressées dans les conditions prévues au dernier alinéa de l’article R. 8 du code électoral ; que la circonstance que les pièces au vu desquelles la commission administrative a effectué ces radiations n’aient pas figuré en annexe au registre de cette commission ne constitue pas une méconnaissance des dispositions de l’article R. 8 du code électoral, qui exige seulement que la commission mentionne sur ce registre les pièces au vu desquelles elle a pris ses décisions ; que M. Denard et ses colistiers ne peuvent utilement se prévaloir d’un jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 21 janvier 2002 annulant la révision des listes électorales pour 2002 à l’appui du grief relatif à la révision des listes pour 2001 ;

Sur les griefs tirés de la violation des dispositions de l’article L. 52-1 du code électoral :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 52-1 du code électoral modifié par l’article 23 de la loi susvisée du 3 janvier 2001 : « Pendant les trois mois précédant le premier jour du mois d’une élection et jusqu’à la date du tour de scrutin où celle-ci est acquise, l’utilisation à des fins de propagande électorale de tout procédé de publicité commerciale par la voie de la presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle est interdite./ A compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d’une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin. Sans préjudice des dispositions du présent chapitre, cette interdiction ne s’applique pas à la présentation, par un candidat ou pour son compte, dans le cadre de l’organisation de sa campagne, du bilan de la gestion des mandats qu’il détient ou qu’il a détenus. Les dépenses afférentes sont soumises aux dispositions relatives au financement et au plafonnement des dépenses électorales contenues au chapitre V bis du présent titre » ;

Considérant, en premier lieu, que la plaquette présentant les Halles de Luchon, dont il n’est pas contesté qu’elle a notamment été diffusée aux habitants de Bagnères-de-Luchon au début du mois de décembre 2000, constitue, eu égard à son contenu, un élément de promotion commerciale et touristique de ces halles, des commerçants qui y ont une échoppe et des entreprises qui ont contribué à leur rénovation, laquelle s’est achevée au second semestre de l’année 2000, et non une campagne de promotion publicitaire des réalisations de la commune ; que, dès lors, la diffusion de cette plaquette au mois de décembre 2000 n’a pas enfreint les dispositions précitées de l’article L. 52-1, second alinéa, du code électoral ;

Considérant, en deuxième lieu, que la brochure « Luchon Buvez l’eau de nos montagnes ! », co-éditée par la commune de Bagnères-de-Luchon et son concessionnaire, la société Lyonnaise des eaux, et imprimée au mois de juillet 2000, introduite par un mot du maire de la commune, présente différentes informations pratiques et chiffrées sur l’eau à Luchon et revêt ainsi un caractère essentiellement informatif sur ce service ; que, dans ces conditions, l’envoi de cette brochure n’a pas constitué une violation des dispositions précitées de l’article L. 52-1, second alinéa, du code électoral ;

Considérant, en troisième lieu, que les numéros de l’hebdomadaire « Le Petit Commingeois », qui n’est pas un journal d’information municipale, parus respectivement les 26 novembre et 3 décembre 2000, s’ils comportent des interventions d’adjoints au maire en exercice de Bagnères-de-Luchon et vantent certaines des réalisations de l’équipe municipale, ne peuvent être regardés, en l’absence notamment de toute indication sur les conditions de diffusion de ces exemplaires, comme les éléments d’une campagne de promotion publicitaire interdite par les dispositions précitées du second alinéa de l’article L. 52-1 du code électoral ;

Considérant, en dernier lieu, que ni la plaquette « Rétrospective municipale », éditée par la liste « Vie pour Luchon » et qui présente de façon favorable le bilan de l’équipe municipale sortante, ni le numéro du « Petit Commingeois » daté du 4 mars 2001, dont les articles visent à répondre à des mises en cause de l’action menée par l’équipe municipale publiées dans le journal « Info plus J-3O » et relèvent de la propagande électorale en faveur de l’équipe municipale sortante, ne constituent des procédés de publicité commerciale par voie de la presse au sens des dispositions précitées du premier alinéa de l’article L. 52-1 du code électoral, seules invoquées en l’espèce ;

Sur le grief relatif à la diffusion d’un rapport de la chambre régionale des comptes :

Considérant que le grief relatif à la diffusion par l’équipe municipale, le samedi 3 mars 2001, d’un rapport de la chambre régionale des comptes n’est pas assorti de précisions suffisantes pour permettre au Conseil d’Etat d’en apprécier le bien-fondé ;

Sur les griefs tirés de la violation de l’article L. 49 du code électoral :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 49 du code électoral : « Il est interdit de distribuer ou faire distribuer, le jour du scrutin, des bulletins, circulaires et autres documents./ A partir de la veille du scrutin à zéro heure, il est interdit de diffuser ou de faire diffuser par tout moyen de communication audiovisuelle tout message ayant le caractère de propagande électorale » ;

Considérant, d’une part, que la publication dans le numéro du « Petit Commingeois » du 11 mars 2001, dont, il n’est pas soutenu qu’il aurait fait l’objet d’une distribution gratuite, d’articles répondant à des critiques de la politique budgétaire de l’équipe municipale contenus dans le journal « Info plus J-4 » diffusé quatre jours avant le jour de l’élection, ne sont pas contraires aux dispositions précitées de l’article L. 49 du code électoral et n’ont, en tout état de cause, pas constitué une manoeuvre de nature à altérer la sincérité du scrutin ;

Considérant, d’autre part, que la circonstance que le contenu de la « lettre du maire » parue en septembre 2000 se trouvait encore accessible sur le site Internet de la commune le 11 mars 2001 ne constitue pas une méconnaissance des dispositions précitées de l’article L. 49 du code électoral ;

Sur les griefs tirés de manoeuvres frauduleuses :

Considérant, en premier lieu, que le vote, par délibération du conseil municipal du 23 février 2001, de la décision d’offrir divers cadeaux aux bénévoles ayant participé au déroulement du festival international du film de Bagnères-de-Luchon ne constitue pas une manoeuvre de nature à altérer la sincérité du scrutin ;

Considérant, en deuxième lieu, qu’il résulte de l’instruction que ni la gratification accordée, par délibération du conseil municipal du 26 février 2001, sous forme d’un bon d’achat à utiliser chez les commerçants de la ville, aux agents communaux ayant pris leur retraite depuis 1999, ni celle accordée aux agents de la commune qui ont été décorés de la médaille du travail lors d’une cérémonie dont la presse a rendu compte le 3 mars 2001, qui correspondaient à une tradition dans la commune de Bagnères-de-Luchon, n’ont constitué des manoeuvres de nature à fausser la sincérité du scrutin ;

Considérant, enfin, qu’il ne résulte pas de l’instruction que la distribution, entre les 1er et 10 mars 2001, dans les rues de la ville et au domicile des électeurs, de petites pochettes « Vie pour Luchon » et la tenue d’un buffet, organisé le vendredi 9 mars 2001 dans les jardins du casino par la liste « Vie pour Luchon » en faveur de ses sympathisants aient constitué un moyen de pression sur les électeurs de nature à fausser la sincérité du scrutin ;

Sur les autres griefs tirés d’irrégularités dans le dépouillement du scrutin :

Considérant, d’une part, que s’il n’est pas contesté que M. R. a, pendant les opérations de dépouillement, transféré trente enveloppes de la table n° 2 vers la table n° 3, il ne résulte pas de l’instruction que ce transfert, qui a été effectué dans le but d’accélérer le décompte des bulletins et dont, contrairement à ce qu’affirme l’observation figurant sur le procès-verbal de dépouillement, les scrutateurs de la table n° 2 avaient été dûment avertis ainsi que, à sa demande, M. Laval, délégué de la liste de M. Denard, qui n’a alors élevé aucune protestation, se serait fait dans des conditions qui auraient permis à M. R. de substituer trente autres enveloppes à celles prises à la table n° 2 ; qu’ainsi, ce transfert n’a pas été de nature à altérer la régularité des opérations de dépouillement ;

Considérant, d’autre part, que si M. Denard et ses colistiers allèguent que le récolement des résultats des trois bureaux de vote aurait été fait hors de la présence du public, les attestations de M. Poeys et de Mme Joaniquet qu’ils produisent en ce sens ne peuvent être tenues pour suffisamment probantes alors qu’elles ne sont pas corroborées par le procès-verbal de l’élection et que les requérants ont produit de nombreuses attestations en sens contraire ; qu’ainsi, et en l’absence, au surplus, de toute distorsion entre les résultats de chaque bureau de vote et le résultat général des opérations électorales, le grief ne saurait être accueilli ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. R. et autres sont fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé les opérations électorales qui ont eu lieu le 11 mars 2001 en vue du renouvellement du conseil municipal de Bagnères-de-Luchon ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner M. Denard et ses colistiers à verser à M. R. et aux autres requérants la somme qu’ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 15 juin 2001 est annulé.

Article 2 : Les opérations électorales qui se sont déroulées le 11 mars 2001 dans la commune de Bagnères-de-Luchon en vue du renouvellement du conseil municipal sont validées.

Article 3 : La protestation de M. Denard et autres présentée devant le tribunal administratif de Toulouse et les deux protestations fondées sur le procès-verbal de dépouillement par M. Laval et autres sont rejetées.

Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. R. et autres est rejeté.

 


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