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Conseil d’Etat, Section, 20 juin 2003, n° 232832, Société Etablissements Lebreton - Comptoir général de peintures et annexes

En vertu des règles gouvernant l’attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s’il incombe, en principe, à chaque partie d’établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu’une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu’à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l’application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu’il entend déduire du bénéfice net défini à l’article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c’est-à-dire du principe même de leur déductibilité. En ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l’existence et la valeur de la contrepartie qu’il en a retirée. Dans l’hypothèse où le contribuable s’acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s’il s’y croit fondé, d’apporter la preuve de ce que la charge en cause n’est pas déductible par nature, qu’elle est dépourvue de contrepartie, qu’elle a une contrepartie dépourvue d’intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 232832

SOCIETE ETABLISSEMENTS LEBRETON-COMPTOIR GENERAL DE PEINTURES ET ANNEXES

M. Bereyziat
Rapporteur

M. Collin
Commissaire du gouvernement

Séance du 6 juin 2003
Lecture du 20 juin 2003

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux)

Sur le rapport de la 8ème sous-section,

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 avril et 22 août 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la SOCIETE ETABLISSEMENTS LEBRETON - COMPTOIR GENERAL DE PEINTURES ET ANNEXES ; la SOCIETE ETABLISSEMENTS LEBRETON - COMPTOIR GENERAL DE PEINTURES ET ANNEXES demande au Conseil d’Etat d’annuler l’arrêt du 8 février 2001 par lequel la cour administrative d’appel de Paris, réformant le jugement du 29 avril 1998 du tribunal administratif de Paris, n’a que partiellement fait droit à sa demande en réduction de l’impôt sur les sociétés ainsi que des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 1985 à 1987 dans les rôles de la commune de Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine) ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bereyziat, Auditeur,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la SOCIETE ETABLISSEMENTS LEBRETON - COMPTOIR GENERAL DE PEINTURES ET ANNEXES,
- les conclusions de M. Collin, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’en exécution d’une convention conclue avec sa société mère, la SOCIETE ETABLISSEMENTS LEBRETON - COMPTOIR GENERAL DE PEINTURES ET ANNEXES s’est engagée à verser à sa co-contractante une redevance forfaitaire en rémunération d’un ensemble de prestations d’assistance fournies par l’intéressée et revêtant, pour les unes, un caractère administratif et financier, pour les autres, une nature technique et commerciale ; que l’administration n’a admis la déduction des charges comptabilisées à ce titre par la société au cours des exercices 1985 à 1987 qu’à hauteur d’une fraction de cette redevance, que le vérificateur estimait correspondre aux seules prestations d’assistance technique et commerciale assurées par M. d’Halluin, président du directoire de la société-mère, qui exerçait également, à titre gratuit, les fonctions de président-directeur général de la société contribuable ; que la SOCIETE ETABLISSEMENTS LEBRETON - COMPTOIR GENERAL DE PEINTURES ET ANNEXES demande l’annulation de l’arrêt du 8 février 2001 de la cour administrative d’appel de Paris en tant qu’il a rejeté sa requête dirigée contre le jugement du 29 avril 1998 du tribunal administratif de Paris rejetant ses conclusions en décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été, en conséquence, assujettie ;

Considérant qu’il ressort de l’ensemble des énonciations de l’arrêt attaqué que, pour rejeter lesdites conclusions, la cour, après avoir relevé que l’administration fiscale faisait valoir, sans être contredite sur ce point, que certaines des prestations d’assistance administrative et financière que la société-mère s’était engagée à fournir à sa filiale en contrepartie des redevances litigieuses avaient, en pratique, été directement assurées par cette filiale ou confiées à des entreprises tierces, s’est fondée sur la circonstance que la SOCIETE ETABLISSEMENTS LEBRETON - COMPTOIR GENERAL DE PEINTURES ET ANNEXES ne produisait aucun justificatif précis portant, d’une part, sur les prestations techniques et commerciales effectuées par M. d’Halluin en qualité de président-directeur général de la société contribuable, en sus de celles dont la justification avait été admise par l’administration, d’autre part, sur la consistance des autres prestations que la société-mère aurait effectivement fournies en exécution de ses engagements ;

Considérant, en premier lieu, qu’en statuant ainsi, la cour n’a pas jugé, contrairement à ce que soutient la société requérante, que M. d’Halluin n’avait effectué aucune prestation à son bénéfice ; que, par suite, le moyen tiré de l’inexactitude matérielle dont serait entaché l’arrêt attaqué, au regard des constatations opérées par le vérificateur, manque en fait ;

Considérant, en deuxième lieu, que, par les motifs sus-analysés, la cour a implicitement mais nécessairement écarté le moyen tiré par la SOCIETE ETABLISSEMENTS LEBRETON - COMPTOIR GENERAL DE PEINTURES ET ANNEXES de ce que l’administration fiscale se serait bornée, au cours de la procédure d’imposition puis devant le juge de l’impôt, à contester le caractère normal de la redevance acquittée par la société contribuable en rémunération de l’ensemble des prestations visées par la convention de groupe, sans toutefois rapporter la preuve de cette allégation ; que, dès lors, l’arrêt attaqué est suffisamment motivé sur ce point ;

Considérant, en troisième et dernier lieu, d’une part, qu’aux termes du 1 de l’article 39 du code général des impôts : "Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (…) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (…)" ; qu’en vertu des règles gouvernant l’attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s’il incombe, en principe, à chaque partie d’établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu’une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu’à celle-ci ; qu’il appartient, dès lors, au contribuable, pour l’application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu’il entend déduire du bénéfice net défini à l’article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c’est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; qu’en ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l’existence et la valeur de la contrepartie qu’il en a retirée ; que dans l’hypothèse où le contribuable s’acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s’il s’y croit fondé, d’apporter la preuve de ce que la charge en cause n’est pas déductible par nature, qu’elle est dépourvue de contrepartie, qu’elle a une contrepartie dépourvue d’intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;

Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article L. 192 du livre des procédures fiscales : "Lorsque l’une des commissions visées à l’article L. 59 est saisie d’un litige ou d’un redressement, l’administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l’avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l’imposition a été établie conformément à l’avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l’administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou le redressement est soumis au juge. / Elle incombe également au contribuable à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu, comme en cas de taxation d’office à l’issue d’un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle en application des dispositions des articles L. 16 et L. 69" ; qu’en adoptant le premier alinéa de l’article L. 192 précité, éclairé, au demeurant, par les travaux préparatoires auxquels celui-ci a donné lieu, le législateur a seulement entendu mettre fin, sous réserve du cas prévu au deuxième alinéa du même article, à l’état du droit antérieur sous l’empire duquel l’avis rendu par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur les chiffres d’affaires avait pour effet, s’il était favorable à l’administration fiscale, d’attribuer au contribuable la charge d’une preuve que l’intéressé n’aurait pas supportée en l’absence de saisine de cette commission et n’a pas, comme le soutient la société requérante, entendu déroger aux principes généraux ci-dessus énoncés en exigeant de l’administration fiscale qu’elle justifie qu’une charge n’est pas déductible dans son principe, dès lors que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur les chiffres d’affaires, saisie, a rendu un avis favorable au contribuable ;

Considérant qu’il suit de là qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour n’a pas commis d’erreur de droit dans l’attribution de la charge de la preuve, ni manqué aux règles d’administration de celle-ci, ni méconnu les dispositions combinées des articles 39-1-1° du code général des impôts et L. 192 du livre des procédures fiscales ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la requête de la SOCIETE ETABLISSEMENTS LEBRETON - COMPTOIR GENERAL DE PEINTURES ET ANNEXES ne peut qu’être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à la SOCIETE ETABLISSEMENTS LEBRETON - COMPTOIR GENERAL DE PEINTURES ET ANNEXES la somme qu’elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SOCIETE ETABLISSEMENTS LEBRETON - COMPTOIR GENERAL DE PEINTURES ET ANNEXES est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE ETABLISSEMENTS LEBRETON - COMPTOIR GENERAL DE PEINTURES ET ANNEXES et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

 


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