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Conseil d’Etat, 13 décembre 2002, n° 225356, M. Jean-François D.

Lorsqu’il est saisi, postérieurement à la clôture de l’instruction et au prononcé des conclusions du commissaire du gouvernement, d’une note en délibéré émanant d’une des parties à l’instance, il appartient dans tous les cas au juge administratif d’en prendre connaissance avant la séance au cours de laquelle sera rendue la décision. S’il a toujours la faculté, dans l’intérêt d’une bonne justice, de rouvrir l’instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans la note en délibéré, il n’est tenu de le faire, à peine d’irrégularité de sa décision, que si cette note contient soit l’exposé d’une circonstance de fait dont la partie qui l’invoque n’était pas en mesure de faire état avant la clôture de l’instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d’une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d’office.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 225356

M. D.

M. Loloum
Rapporteur

M. Collin
Commissaire du gouvernement

Séance du 6 novembre 2002
Lecture du 29 novembre 2002

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 3ème et 8ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 3ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 septembre 2000 et 25 janvier 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Jean-François D. ; M. D. demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt en date du 6 juillet 2000 par lequel la cour administrative d’appel de Paris a rejeté, après les avoir jointes, ses requêtes tendant à l’annulation du jugement en date du 7 mai 1998 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande tendant à ce que soit prononcée la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1989 et 1990 et constatant le non-lieu à statuer sur la demande de sursis à exécution des rôles correspondants ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de condamner l’Etat à lui verser une somme de 20 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Loloum, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Cossa, avocat de M. D.,
- les conclusions de M. Collin, Commissaire du gouvernement ;

Considérant en premier lieu que lorsqu’il est saisi, postérieurement à la clôture de l’instruction et au prononcé des conclusions du commissaire du gouvernement, d’une note en délibéré émanant d’une des parties à l’instance, il appartient dans tous les cas au juge administratif d’en prendre connaissance avant la séance au cours de laquelle sera rendue la décision ; que, s’il a toujours la faculté, dans l’intérêt d’une bonne justice, de rouvrir l’instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans la note en délibéré, il n’est tenu de le faire, à peine d’irrégularité de sa décision, que si cette note contient soit l’exposé d’une circonstance de fait dont la partie qui l’invoque n’était pas en mesure de faire état avant la clôture de l’instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d’une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d’office ;

Considérant que la note en délibéré que M. D. a produite le 30 juin 2000, après la séance publique, mais avant la lecture de la décision, a été enregistrée au greffe de la cour administrative d’appel et versée au dossier ; qu’ainsi elle doit être présumée avoir été examinée par la cour même si celle-ci ne l’a pas visée dans son arrêt ; que, si cette note comportait en annexe différents documents relatifs au domicile de M. D. et au lieu de scolarisation de son fils, elle ne contenait l’exposé d’aucune circonstance de droit rendant nécessaire la réouverture de l’instruction, ni d’aucune circonstance de fait dont M. D. n’était pas en mesure de faire état avant la clôture de l’instruction et que la cour n’aurait pu ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts ; que, par suite, en ne décidant pas, à la réception de cette note en délibéré, de rouvrir l’instruction, la cour administrative d’appel n’a pas méconnu l’étendue de ses obligations ni, en tout état de cause, les stipulations de l’article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en deuxième lieu, qu’ainsi que le relève l’arrêt attaqué, le jugement en date du 31 mai 1994 du tribunal de grande instance de Bordeaux prononçant le divorce des époux D. a constaté que la résidence séparée des époux avait commencé le 11 février 1994 ; que si M. D. fait valoir que le même jugement a homologué la convention définitive, en date du 20 mai 1994, portant règlement des effets du divorce et précisé que ces effets remonteront au 30 septembre 1984, le choix de cette date résulte de la seule volonté des époux exprimée par cette convention ; qu’il ne résulte en outre d’aucune des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’au cours de la période litigieuse, les époux D., qui ont souscrit conjointement leurs déclarations de revenus, résidaient séparément ; que, dès lors, c’est sans dénaturer les faits de l’espèce ressortant des pièces du dossier que la cour a jugé que M. D. ne rapportait pas la preuve de ce qu’il aurait dû bénéficier d’une imposition séparée ;

Considérant, en troisième lieu, qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué que les déclarations des revenus afférentes aux années litigieuses, libellées au nom de M. ou Mme D. et spécifiant l’existence d’un foyer fiscal unique composé des deux époux et de leur enfant mineur, ont été souscrites par le requérant sans que celui-ci ait fait valoir que sa situation familiale y faisait obstacle ; que, dès lors, c’est sans commettre d’erreur de droit que la cour a jugé que l’intéressé ne pouvait utilement invoquer a posteriori sa séparation d’avec son épouse pour soutenir que leur foyer fiscal ne pouvait faire valablement l’objet d’un examen contradictoire de situation fiscale personnelle ;

Considérant enfin que le moyen tiré de ce que la procédure prévue à l’article L. 16 du livre des procédures fiscales n’aurait pu être mise en oeuvre qu’à l’encontre de Mme D. est nouveau en cassation et, par suite, irrecevable ;

Sur les conclusions de M. D. tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Etat qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. D. la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D. est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-François D. et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

 


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