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Conseil d’Etat, 15 février 2002, n° 227609, Mme G.

La requérante, qui n’apporte pas la preuve de l’existence d’une faute inexcusable ou intentionnelle commise à son encontre par son employeur, ne saurait faire valoir d’autres droits, à la suite des troubles de santé qu’elle invoque, que ceux qui découlent des dispositions du code de la sécurité sociale. Elle n’est, par suite, pas recevable à demander la condamnation de l’Etat à lui verser une indemnité en réparation du préjudice qu’elle estime avoir subi à l’occasion de l’exercice de ses fonctions.

CONSEIL D’ETAT

N° 227609

Mme G.

M. Donnât, Rapporteur

Mme Boissard, Commissaire du gouvernement

Séance du 21 janvier 2002

Lecture du 15 février 2002

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 1 ère et 2ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 1ère sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 novembre 2000 et 13 mars 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour Mme Jeanne G. ; Mme G. demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt en date du 23 novembre 1999 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté sa demande tendant à l’annulation du jugement du 21 mars 1996 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l’Etat à lui verser la somme de 3 000 000 F assortie des intérêts de droit, en réparation du préjudice qu’elle aurait subi du fait de l’altération de sa vue à la suite de son affectation sur un emploi comportant l’utilisation d’un terminal, avec écran ;

2°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 20 000 F en remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu le décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 ;

Vu le décret n° 65-836 du 24 septembre 1965 ;

Vu le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Donnât, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Parmentier, Didier, avocat de Mme G.,

- les conclusions de Mme Boissard, Commissaire du gouvernement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de la défense au pourvoi de Mme G. :

Considérant que l’arrêt attaqué par Mme G. lui a été notifié le 10 décembre 1999 ; que la demande présentée par elle le 28 janvier 2000 tendant à obtenir l’aide juridictionnelle a été rejetée par une décision du bureau d’aide juridictionnelle dont elle a reçu notification le 6 octobre 2000 ; qu’en vertu de l’article 39 du décret du 19 décembre 1991, un nouveau délai a couru à compter de ce jour ; que la requête, enregistrée le 30 novembre 2000, n’est, par suite, pas tardive ;

Sur la régularité de l’arrêt attaqué :

Considérant, d’une part, que Mme G., ancienne ouvrière de l’Etat, soumise au cadre statutaire prévu par les décrets du 1er avril 1920 et du 8 janvier 1936, a demandé la condamnation de l’Etat à réparer le préjudice qu’elle aurait subi du fait de l’altération de sa vue à la suite de son affectation, à l’hôpital d’instruction des armées à Toulon, dans un emploi comportant l’utilisation d’un terminal avec écran ; que de telles conclusions, qui tendent à rechercher la responsabilité de l’Etat pour une faute qu’il aurait commise à l’encontre de Mme G. et qui sont étrangères à l’application du régime d’indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles, ressortissent à la compétence du juge administratif ; qu’ainsi, le ministre de la défense n’est pas fondé à soutenir que la cour administrative d’appel de Marseille aurait dû rejeter les conclusions de la demande de Mme G. comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 54-1 du décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 modifié, alors applicable : « Lorsque la décision lui paraît susceptible d’être fondée sur un moyen relevé d’office, le président de la formation de jugement (...) en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent (...) présenter leurs observations sur le moyen communiqué » ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’aucune des parties à l’instance n’avait invoqué devant la cour administrative d’appel l’applicabilité au litige des dispositions de l’article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; que, dès lors, en rejetant la requête de Mme G. par le motif que ces dispositions « limitent les obligations de l’Etat à l’égard de ses agents à la concession d’une pension ou d’une rente à l’exclusion de toute indemnité qui pourrait être accordée sur le fondement de la responsabilité de droit commun de la puissance publique », la cour administrative d’appel de Marseille s’est fondée sur un moyen soulevé d’office, sans en avoir préalablement informé les parties et les avoir ainsi mises en mesure de présenter leurs observations ; que l’arrêt attaqué a donc été rendu à la suite d’une procédure irrégulière ; que Mme G. est fondée à en demander l’annulation ;

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l’affaire au fond ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 451-1 du code de la sécurité sociale qui est applicable à Mme G. en sa qualité d’ouvrier de l’Etat, sous réserve des dispositions des articles L. 452-1 à L. 452-5 relatifs à la faute inexcusable ou intentionnelle de l’employeur, « aucune action en réparation des accidents et maladies mentionnés par le présent livre ne peut être exercée conformément au droit commun, par la victime ou ses ayants droit » ; que Mme G., qui n’apporte pas la preuve de l’existence d’une faute inexcusable ou intentionnelle commise à son encontre par son employeur, ne saurait faire valoir d’autres droits, à la suite des troubles de santé qu’elle invoque, que ceux qui découlent des dispositions précitées du code de la sécurité sociale ; qu’elle n’est, par suite, pas recevable à demander la condamnation de l’Etat à lui verser une indemnité en réparation du préjudice qu’elle estime avoir subi à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la requérante n’est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à Mme G. la somme qu’elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille en date du 23 novembre 1999 est annulé.

Article 2 : La requête présentée par Mme G. devant la cour administrative d’appel de Marseille est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par Mme G. devant le Conseil d’Etat est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Jeanne G. et au ministre de la défense.

 


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