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Conseil d’Etat, 29 juillet 2002, n° 225444, M. Alain B.

En se fondant, sur la circonstance que l’intéressé n’avait pas procédé au versement de ses retenues au Trésor public, alors même qu’aucun rappel de cotisation n’avait encore été émis à son encontre, pour en déduire l’absence de caractère certain du préjudice invoqué, la cour administrative d’appel n’a pas légalement justifié sa décision.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 225444

M. B.

Mme de Margerie, Rapporteur
Mme de Silva, Commissaire du gouvernement

Séance du 17 mai 2002
Lecture du 29 juillet 2002

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 2ème et 1ère sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 2ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 septembre 2000 et 23 janvier 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Alain B. ; M. B. demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt en date du 21 juillet 2000 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a, d’une part, annulé l’article 2 du jugement en date du 1er juillet 1999 par lequel le tribunal administratif de Marseille a condamné l’Etat à lui verser la somme de 9 387,50 F avec intérêts au titre du préjudice afférent à la validation de ses services d’agent contractuel au sein du centre du machinisme agricole, du génie rural et des eaux et forêts (CEMAGREF), d’autre part, rejeté sa demande tendant à la condamnation de l’Etat et du centre du machinisme agricole, du génie rural et des eaux et forêts (CEMAGREF) à lui verser, d’une part, la somme de 90 897 F sauf à parfaire, avec les intérêts de droit et la capitalisation de ces intérêts, au titre des préjudices liés à la perte de son traitement, au trop-versé de cotisations sociales et à la validation de ses services d’agent contractuel, d’autre part, la somme de 603 F au titre des frais inrépétibles ;

2°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 90 897 F sauf à parfaire, et avec les intérêts de droit à compter de la demande préalable d’indemnité et la capitalisation de ces intérêts ;

3 °) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 15 000 F au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

Vu la loi n° 83-1260 du 30 décembre 1983 ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu le décret n° 83-1260 du 30 décembre 1983 ;

Vu le décret n° 85-1401 du 27 décembre 1985 ;

V u le décret n° 92-1060 du 1er octobre 1992 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme de Margerie, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, avocat de M. B. ,
- les conclusions de Mme de Silva, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par une décision du 6 juin 1991, le Conseil d’Etat statuant au contentieux a estimé que l’absence d’intervention dans un délai raisonnable du décret statutaire mentionné à l’article 2 du décret du 30 décembre 1983, relatif aux corps de fonctionnaires des établissements publics scientifiques et technologiques, avait eu pour effet de priver les personnels du Centre national du machinisme agricole, du génie rural et des eaux et forêts (CEMAGREF), érigé en établissement public à caractère scientifique et technologique par le décret du 27 décembre 1985, de la possibilité de bénéficier du statut des fonctionnaires que leur reconnaissent les dispositions de l’article 17 de la loi du 15 juillet 1982 d’orientation et de programmation pour la recherche et le développement technologique de la France et celles des articles 1er et 2 du décret du 30 décembre 1983 et a, en conséquence, annulé le refus implicite des ministres concernés, intervenu à la date du 1er novembre 1987, de prendre ce décret statutaire ;

Considérant que, par un jugement du 25 mars 1999, le tribunal administratif de Marseille a estimé que le retard mis par l’Etat à prendre les mesures statutaires permettant la titularisation de M. B., agent contractuel du CEMAGREF, était constitutif d’une faute de nature à engager sa responsabilité, et a condamné le "ministre de l’éducation nationale" et le "ministre de l’agriculture" à verser à M. B. la somme de 14 389 F (2 193,59 euros) en réparation du préjudice occasionné par la perte de traitement et la somme de 18 775 F (2 862,23 euros) en réparation du préjudice résultant d’un supplément de rappel de cotisations au titre de la validation des services pour la retraite ; que, sur appel du ministre de l’éducation nationale, la cour administrative d’appel de Marseille a, par un arrêt du 21 juillet 2000, annulé ce jugement en tant qu’il condamnait l’Etat à verser la somme de 9 387,50 F (1 431,12 euros) au titre du second chef de préjudice et a rejeté l’appel incident de M. B. tendant à la majoration de l’indemnité devant être versée pour la perte de traitement et à l’octroi d’une indemnité en réparation du préjudice lié à un trop-versé de cotisations sociales ; que M. B. se pourvoit contre cet arrêt ;

Considérant, en premier lieu, qu’aux tenures de l’article L. 5 du code des pensions civiles et militaires de retraite : "... Peuvent être également pris en compte pour la constitution du droit à pension les services d’auxiliaire, de temporaire, d’aide ou de contractuel... accomplis dans les administrations de l’Etat, les services extérieurs en dépendant et les établissements publics de l’Etat ne présentant pas un caractère industriel ou commercial..." ; qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B. justifie avoir accepté le 11 octobre 1999 la validation de ses services et opté pour le versement de retenues d’un montant de 38 425 F (5 857,85 euros) par précompte mensuel de 3 % ; que le CEMFIGREF a accusé réception de son acceptation le 22 octobre 1999 ; qu’en se fondant, dans ces conditions, sur la circonstance que l’intéressé n’avait pas procédé au versement de ses retenues au Trésor public, alors même qu’aucun rappel de cotisation n’avait encore été émis à son encontre, pour en déduire l’absence de caractère certain du préjudice invoqué, la cour administrative d’appel n’a pas légalement justifié sa décision ;

Considérant, en second lieu, que le pourvoi incident formé par M. B. devant la cour administrative d’appel de Marseille tendait à obtenir la majoration de l’indemnité devant être versée pour la perte de traitement et à l’octroi d’une indemnité en réparation du préjudice lié à un trop-versé de cotisations sociales ; qu’alors même qu’il portait sur des chefs de préjudice distincts de celui qui faisait l’objet du pourvoi principal, ce pourvoi incident se rattachait au même litige ; qu’ainsi, en le rejetant comme irrecevable, la cour a commis une erreur de droit ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. B. est fondé à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ;

Considérant qu’en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu de régler l’affaire au fond dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice ;

En ce qui concerne le supplément de cotisations pour pension de retraite :

Considérant qu’il résulte des calculs, non contestés, faits par M. B. que le retard apporté à sa titularisation a entraîné pour lui un supplément de cotisations de 2 862,23 euros (18 775 F) ; que c’est à bon droit que le tribunal administratif a condamné l’Etat au paiement de la somme demandée à ce titre ;

En ce qui concerne la perte de rémunération principale :

Considérant que M. B. a demandé le versement d’une indemnité représentant la perte de rémunération durant la période comprise entre le 1er janvier 1988 et le 31 août 1995 du fait du retard mis à sa titularisation ; qu’aux termes de l’article 1er de la loi du 31 décembre 1968 : "Sont prescrites au profit de l’Etat ... toutes créances qui n’ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis" ; que le fait générateur de la créance dont se prévaut M. B. est constitué non par les services qu’il a accomplis comme agent contractuel, mais par l’arrêté de titularisation intervenu le 14 octobre 1993 ; qu’ainsi, le délai de prescription de quatre ans a commencé à courir le 1er janvier 1994 ; qu’à la date du 20 décembre 1996 à laquelle l’intéressé a présenté pour la première fois une demande indemnitaire, ses créances n’étaient pas atteintes par la prescription ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la prescription était acquise pour la période antérieure au 1er janvier 1992 n’était pas fondé, contrairement à ce qu’a jugé le tribunal administratif ; qu’il résulte de l’instruction, notamment du calcul non contesté effectué par l’intéressé, qu’il sera fait une exacte appréciation de ce chef de préjudice en allouant à M. B. la somme de 9 317,53 euros (61 119 F) qu’il demande ;

En ce qui concerne la différence entre le montant des cotisations sociales versées en qualité de contractuel et le montant de celles versées en qualité de titulaire :

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que c’est à tort que le tribunal administratif a opposé la prescription quadriennale à la créance dont se prévalait M. B. à ce titre ; qu’il y a lieu de lui allouer la somme de 1 677,40 euros (11 003 F) qu’il demande ;

Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :

Considérant que M. B. a droit aux intérêts, au taux légal, des différentes sommes à compter du 20 décembre 1996, date de réception par le ministre de l’agriculture de sa réclamation tendant à l’octroi d’une indemnité ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. B. est fondé à demander, dans la mesure indiquée ci-dessus, la réformation du jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 1er juillet 1999 ;

Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative et de condamner l’Etat à verser à M. B. la somme de 2 280 euros qu’il demande pour les frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêt du 21 juillet 2000 de la cour administrative d’appel de Marseille est annulé.

Article 2 : L’indemnité que l’Etat a été condamné à payer à M. B. par l’article 2 du jugement du 1er juillet 1999 du tribunal administratif de Marseille est portée à 13 857 16 euros. Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 20 décembre 1996.

Article 3 : Les articles 2 et 4 du jugement du 1er juillet 1999 du tribunal administratif de Marseille sont réformés en ce qu’ils ont de contraire à la présente décision.

Article 4 : Le recours du ministre de l’éducation nationale est rejeté.

Article 5 : L’Etat est condamné à payer à M. B. la somme de 2 280 euros pour les frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Alain B., au ministre de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche et au ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

 


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