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Conseil d’Etat, 16 mars 1984, n° 52070, Elections municipales de Marseille (3eme secteur)

La violation par un candidat des prescriptions de la CNIL en matière d’utilisation de fichiers informatiques n’est pas susceptible de fausser les résultats du scrutin.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 52070

Elections municipales de Marseille (3eme secteur)
M. Jean CHELINI et M. R. GOLA

M. CROUZET, Rapporteur

M. BOYON, Commissaire du gouvernement

Lecture du 16 mars 1984

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête sommaire, enregistrée au secrétariat, du Contentieux du Conseil d’Etat le 6 juillet 1983, et le mémoire complémentaire, enregistré le 20 juillet 1983, présentés pour M. Jean Chelini, demeurant, 32, rue Malaval à Marseille (2ème), et pour M. Raymond Gola, demeurant 59, Boulevard Hughes à Marseille (12ème) et tendant à ce que le Conseil d’Etat :

1°) annule un jugement en date du 9 juin 1983 par lequel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur protestation tendant à l’annulation des opérations électorales qui se sont déroulées le 13 mars 1983 en vue de la désignation des conseillers municipaux et des conseillers d’arrondissements dans le troisième secteur de Marseille,

2°) annule lesdites élections ;

Vu la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ;

Vu le code électoral ;

Vu le code des tribunaux administratifs ;

Vu l’ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;

Vu la loi du 30 décembre 1977 ;

Après avoir entendu :
- le rapport de M. Crouzet, Auditeur,
- les observations de Me Pradon, avocat de M.M. Chelini et Cola et de la S. C. P. Lyon-Caen, Fabiani, Liard, avocat de M. Pézet et autres,
- et les conclusions de M. Boyon, Commissaire du Gouvernement ;

Sur le grief tiré de ce que les listes électorales seraient entachées d’irrégularités constitutives d’une manoeuvre :

Considérant que les requérants n’apportent, à l’appui de ce grief, aucune précision permettant d’en apprécier le bien-fondé ;

Sur les griefs relatifs à la régularité des opérations de vote :

Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article L. 67 du code électoral : "Tout candidat ou son représentant dûment désigné à la droit de contrôler toutes les opérations de vote, de dépouillement des bulletins et de décompte des voix, dans tous les locaux où s’effectuent ces opérations, ainsi que d’exiger l’inscription au procèsverbal de toutes observations, protestations ou contestations sur lesdites opérations, soit avant la proclamation du scrutin, soit après" ; qu’en vertu des dispositions de l’article R. 60 du même code, les assesseurs sont associés, sur leur demande, au contrôle de l’identité des électeurs auquel il doit être procédé au moment du vote dans les communes de plus de 5 000 habitants ; qu’aux termes des dispositions de l’article R. 61 du même code ; "Le vote de chaque électeur est constaté par la signature ou le paraphe de l’un des membres du bureau, apposé à l’encre sur la liste d’émargement en face du nom du votant. En même temps, la carte électorale ou l’attestation d’inscription en tenant lieu est estampillée au moyen d’un timbre portant la date du scrutin. Les opérations visées au présent article sont réparties entre les assesseurs désignés par les candidats ou listes en présence conformément aux dispositions de l’article R. 44. En cas de désaccord sur cette répartition, il est procédé par voie de tirage au sort à la désignation du ou des assesseurs chargés respectivement desdites opérations" ;

Considérant, en premier lieu, que si les membres de certains bureaux de vote ont constaté le vote des électeurs en apposant, sur la liste d’émargement, face au nom de l’électeur, une croix et non une signature ou un paraphe comme leur en faisait obligation l’article R. 61 du code électoral, cette circonstance n’est pas de nature par elle-même, à entraîner la nullité des votes ainsi constatés ;

Considérant, en deuxième lieu, que si les requérants soutiennent que "dans la plupart des dureaux de vote", les assesseurs et délégués de la liste "Changeons Marseille" n’auraient pas été associés dans les conditions prévues par les dispositions susrappelées des articles L. 67 et R. 61 du code électoral au contrôle des opérations de vote, ils ne fournissent des éléments de preuve, à l’appui de ces griefs que pour les bureaux n°s 1156, 1167 et 1284 ; que les irrégularités invoquées ne seraient de nature à entraîner l’annulation des opérations électorales dans lesdits bureaux que s’il résultait de l’instruction, qu’elles ont favorisé des fraudes, notamment en permettant à des électeurs de voter sous une fausse identité ; que l’examen des pièces du dossier ne permet pas de conclure à l’existence de telles fraudes dans les bureaux n°S 1167 et 1284 ; qu’il ressort par contre des pièces relatives au bureau 1156, notamment de la liste d’émargement, qui fait apparaître un nombre important de doubles émargements et un nombre de votants nettement supérieur à celui des enveloppes trouvées dans l’urne, et du rapport de la commission de contrôle des opérations de vote, constatant, que la disposition du bureau ne permettait pas aux représentants de la liste "Changeons Marseille" d’être associés de manière satisfaisante à la vérification de l’idendité des électeurs, que les conditions dans lesquelles s’est déroulé le scrutin dans ce bureau révèlent l’existence d’une manoeuvre de nature à altérer le résultat du vote ;

Considérant, en troisième lieu, que si les requérants soutiennent que dans un certain nombre de bureaux de vote, des électeurs auraient déposé dans l’urne des enveloppes contenant plusieurs autres enveloppes, il ressort du dossier que, dans les bureaux où ce fait est établi, les bulletins litigieux ont été déclarés nuls lors du dépouillement ; que les requérants ne sont, par suite, pas fondés à demander l’annulation des opérations électorales dans ces bureaux ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la seule rectification à opérer pour tenir compte des irrégularités constatées dans le déroulement des opérations de vote consiste dans la déduction hypothétique des suffrages décomptés en faveur de la liste "Nouveau Marseille" dans le bureau n° 1156 ;

Sur les griefs relatifs au décompte des suffrages exprimés et des bulletins nuls :

Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de l’instruction que les bureaux de vote not déclaré nuls des suffrages exprimés au moyen de professions de foi de l’une ou l’autre des listes en présence ; que, si ces professions de foi comportaient des mentions ne figurant pas sur les bulletins régulièrement imprimés pour être mis à la disposition des électeurs, elles désignaient sans ambiguïté la liste concernée ; que les électeurs qui les ont utilisées comme bulletins ont émis un vote contenant une désignation suffisante des candidats, conformément aux prescriptions de l’article L. 66 du code électoral, et ont manifesté clairement leur intention de voter pour les candidats ainsi désignés ; que lesdits suffrages, valablement exprimés, doivent être ajoutés à ceux recueillis par la liste correspondante ; qu’il y a lieu à ce titre d’ajouter 104 suffrages à ceux obtenus par la liste "Nouveau Marseille" et 115 suffrages à ceux obtenue par la liste "Changeons Marseille" ;

Considérant, en deuxième lieu, que lors du dépouillement du scrutin, ont été trouvés dans plusieurs bureaux du troisième secteur des bulletins de la liste "Changeons Marseille" sur lesquels les noms d’un ou deux candidats étaient barrés d’un trait régulier à peine perceptible ; que la présence de bulletins de ce type a été constatée dans un grand nombre de bureaux des 1er, 2ème et 3ème secteurs de Marseille, non seulement lors du dépouillement du vote, mais au cours du scrutin, parmi les bulletins mis à la disposition des électeurs dans les bureaux de vote ; que ces faits révèlent l’existence d’une manoeuvre tendant à faire déclarer nuls les suffrages exprimés à l’aide de ces bulletins, alors que les électeurs pouvaient en toute bonne foi les croire réguliers ; qu’il y a lieu, par suite, d’ajouter hypothétiquement les 8 bulletins de ce type déclarés nuls et annexés aux procèsverbaux des bureaux de vote du 3ème secteur au total des suffrages obtenus par la liste "Changeons Marseille" ; que les requérants ne sont, par contre, pas fondés à soutenir que c’est à tort qu’ont été déclarés nuls 88 autres bulletins comportant plusieurs ratures nettes et de couleur ;

Considérant, en troisième lieu, que, contrairement aux prescriptions de l’article L. 66 du code électoral, tout ou partie des bulletins déclarés nuls comme comportant certains noms rayés par les bureaux n°s 561, 1067, 1103, 1162, 1165 et 1284 ne sont pas annexés au procès-verbal desdits bureaux ; qu’il y a lieu d’ajouter hypothétiquement les 157 bulletins manquants au total des suffrages obtenus par la liste arrivée en seconde position dans le 3ème secteur, ainsi qu’au total des suffrages exprimés ; que, contrairement aux prescriptions de l’article L. 66 du code électoral, les membres de plusieurs autres bureaux de vote du 3ème secteur n’ont pas apposé leur paraphe sur les bulletins déclarés nuls, ni mentionné sur chacun d’eux la cause de son annexion au procès-verbal du bureau ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu d’ajouter hypothétiquement aux voix obtenues par la liste arrivée en seconde position dans le secteur un nombre de suffrages égal à celui des bulletins nuls dont l’authenticité est douteuse ;

Considérant, en quatrième lieu, que c’est à tort que, pour le calcul des suffrages exprimés, les bureaux de vote n°s 1167, 1169 et 1284 ont déduit les bulletins nuls du total des enveloppes trouvées dans l’urne, alors que celui-ci était supérieur au nombre des votants constaté sur la liste d’émargement ; qu’en l’absence de manoeuvre établie, il y a lieu de déduire hypothétiquement tant du total des suffrages exprimés que des voix obtenues par la liste arrivée en tête dans l’ensemble du secteur, respectivement 7, 14 et 30 suffrages correspondant à l’écart non contesté existant dans les bureaux n°s 1167, 1169 et 1284 entre le nombre des enveloppes trouvées dans l’urne et le nombre des émargements ;

Considérant, enfin, qu’il est constant que les présidents des bureaux de vote n°s 503, 508, 1071, 1072 et 1268 ont voté dans le bureau qu’ils présidaient, alors qu’ils n’y étaient pas inscrits ; qu’il y a lieu, par suite, de déduire hypothétiquement cinq suffrages du nombre total des suffrages exprimés et de ceux obtenus par la liste arrivée en tête dans l’ensemble du secteur ;

Sur les griefs relatifs au déroulement de la campagne électorale :

Considérant qu’en vertu des dispositions des articles L. 68 et R. 71 du code électoral, les listes d’émargement doivent être communiquées pendant un délai de dix jours à compter de l’élection et, éventuellement, entre les deux tours de scrutin, à tout électeur qui le demande ; qu’en consultant ces listes et en prenant ainsi connaissance du nom des électeurs qui n’avaient pas participé au premier tour de scrutin, les candidats de la liste "Nouveau Marseille" n’ont fait qu’user des possibilités ouvertes par les dispositions législatives et règlementaires précitées ; qu’il n’est pas établi, ni même allégué ; qu’ils aient bénéficié de facilités particulières pour la consultation des listes d’émargement du 1er tour ; que si les renseignements ainsi obtenus ont servi à constituer un fichier informatisé utilisé pour l’envoi d’une circulaire aux électeurs qui s’étaient abstenus au premier tour, ce procédé, à supposer même que ce fichier n’ait pas été conforme aux dispositions de l’article 31 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, n’a pas constitué en lui-même un moyen de pression de nature à fausser la sincérité du scrutin ;

Considérant que les déclarations du maire sortant de Marseille, invoquées par les requérants, par lesquelles celui-ci a fait valoir au cours de la campagne électorale sa qualité de ministre en exercice, ne peuvent être regardées, dans les circonstances de l’espèce, comme ayant eu pour effet de conférer un caractère officiel à certaines candidatures ou constitué une pression sur les électeurs ;

Considérant que la publication dans la presse locale de déclarations de quatre candidats de listes présentes au premier tour, critiquant la fusion de celles-ci avec d’autres listes en vue du deuxième tour de scrutin dans les 1er et 3ème secteurs, ne peut être regardée comme une manoeuvre ayant altéré la sincérité du vote ;

Considérant que les irrégularités invoquées par les requérants, relatives à la diffusion tardive de tracts d’affiches et d’articles de presse, appelant à voter pour les listes "Nouveau Marseille" ou mettant en cause les autres listes en des termes qui, selon les requérants, seraient diffamatoires, n’ont pas constitué des manoeuvres ;

Considérant, enfin, que les déclarations du Commissaire de la République délégué pour la police, faites à la suite de l’explosion d’une bombe dans un véhicule automobile survenue à Marseille dans la nuit du 7 au 8 mars 1983, si condamnables que soient les accusations sans fondement qu’elles comportaient à l’encontre de certaines formations politiques, n’ont pu, dans les circonstances de l’espèce, eu égard notamment à la date à laquelle elles not été faites et à l’écart de voix subsistant en tout état de cause entre les deux listes après les rectifications opérées ci-dessus, avoir une influence suffisante pour modifier le résultat du scrutin ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que MM. Chelini et Gola ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur protestation dirigée contre les opérations électorales qui se sont déroulées le 13 mars 1983 dans le 3ème secteur électoral de Marseille.

D E C I D E

Article 1er : La requête de MM. Chelini et Gola est rejetée.

 


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