CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 295806
SOCIETE DES LABORATOIRES IPRAD
M. Vincent Daumas
Rapporteur
M. Laurent Olléon
Commissaire du gouvernement
Séance du 7 juillet 2008
Lecture du 29 août 2008
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 8ème et 3ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 8ème sous-section de la section du contentieux
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 juillet et 24 novembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la SOCIETE DES LABORATOIRES IPRAD, dont le siège est 174, quai de Jemmapes à Paris (75010) ; la SOCIETE DES LABORATOIRES IPRAD demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’article 4 de l’arrêt du 22 mai 2006 par lequel la cour administrative d’appel de Paris, après avoir fait partiellement droit à sa requête tendant à l’annulation du jugement du 28 novembre 2002 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande tendant à la décharge du supplément de taxe sur la valeur ajoutée auquel elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier au 17 juillet 1990, et réformé ce jugement, a rejeté le surplus de ses conclusions ;
2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Vincent Daumas, Maître des Requêtes,
les observations de la SCP Bachellier, Potier de la Varde, avocat de la SOCIETE DES LABORATOIRES IPRAD,
les conclusions de M. Laurent Olléon, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SOCIETE LABORATOIRES IPRAD, qui a pour activité la fabrication de produits pharmaceutiques et para-pharmaceutiques, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant, en matière de la taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 1er janvier 1990 au 31 août 1993, à la suite de laquelle l’administration a estimé que trois produits qu’elle commercialisait sous les dénominations "Acuival", "Thalamag" et "Drainactil" devaient être soumis au taux normal de la taxe et non au taux réduit de 5, 5 % qu’elle avait appliqué ; qu’après avoir vainement contesté les compléments de taxe relatifs à la période du 1er janvier au 17 juillet 1990 devant l’administration, puis devant le tribunal administratif de Paris, la société a saisi du litige la cour administrative d’appel de Paris ; que celle-ci, par un arrêt en date du 22 mai 2006, a prononcé la décharge du seul complément de taxe sur la valeur ajoutée découlant de la remise en cause par l’administration du taux réduit de 5, 5 % appliqué par la société au produit "Acuival" ; que la société se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu’il a rejeté le surplus de ses conclusions relatif aux produits "Thalamag" et "Drainactil" ;
Sur la régularité de l’arrêt attaqué :
Considérant qu’aux termes de l’article R. 611-1 du code de justice administrative : "La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s’ils contiennent des éléments nouveaux" ; qu’il résulte de ces dispositions, destinées à garantir le caractère contradictoire de l’instruction, que la méconnaissance de l’obligation de communiquer un mémoire ou une pièce contenant des éléments nouveaux est en principe de nature à entacher la procédure d’irrégularité ; qu’il n’en va autrement que dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l’espèce, cette méconnaissance n’a pu préjudicier aux droits des parties ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société a produit devant la cour administrative d’appel les notices des produits "Thalamag" et "Drainactil" ; que la cour s’est fondée sur ces pièces, qui apportaient des éléments nouveaux à l’instruction, pour rendre l’arrêt attaqué, ainsi d’ailleurs qu’il résulte des motifs mêmes de celui-ci ; que toutefois, dès lors que la cour a rejeté les conclusions de la société relatives à ces deux produits, l’absence de communication des pièces en cause à l’administration fiscale n’a pu préjudicier aux droits de cette dernière, ni à ceux de la société ; qu’ainsi, cette méconnaissance de l’obligation posée par l’article R. 611-1 du code de justice administrative ne saurait entacher la procédure d’irrégularité ; que par suite, le moyen soulevé par la société, tiré de l’atteinte au principe du caractère contradictoire de la procédure, doit être écarté ;
Sur le bien-fondé de l’arrêt attaqué :
Considérant qu’aux termes de l’article 278 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période d’imposition en litige : "Le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée est fixé à 18, 60 %" ;
Considérant, toutefois, qu’aux termes de l’article 278 bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période d’imposition en litige : "La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5, 50 % en ce qui concerne les opérations d’achat, d’importation, de vente, de livraison, de commission, de courtage ou de façon portant sur les produits suivants : (.) / 11° Produits alimentaires non soumis expressément à un autre taux (.)" ; qu’aux termes de l’article 278 quater du même code, dans sa rédaction applicable à la période d’imposition en litige : "La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 5, 50 % en ce qui concerne les opérations d’achat, d’importation, de vente, de livraison, de commission, de courtage ou de façon portant sur les préparations magistrales, produits officinaux et spécialités pharmaceutiques destinés à l’usage de la médecine humaine et faisant l’objet de l’autorisation de mise sur le marché prévue à l’article L. 601 du code de la santé publique, qui ne sont pas visés à l’article 281 octies" ; qu’aux termes de ce dernier article, dans sa rédaction applicable à cette même période : "La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 2, 10 p. 100 pour les opérations d’achat, d’importation, de vente, de livraison, de commission, de courtage ou de façon portant sur les préparations magistrales, médicaments officinaux, médicaments spécialisés définis à l’article L. 601 du code de la santé publique, qui remplissent les conditions de l’article L. 162-17 du code de la sécurité sociale ou qui sont agréés dans les conditions prévues par les articles L. 618 et L. 619 du code de la santé publique et sur les produits visés à l’article L. 666 du code de la santé publique" ;
Considérant, enfin, qu’aux termes de l’article L. 511 du code de la santé publique, alors en vigueur, dont les dispositions figurent désormais à l’article L. 5111-1 du même code : "On entend par médicament toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ou animales, ainsi que tout produit pouvant être administré à l’homme ou à l’animal, en vue d’établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions organiques (.)" ;
Considérant, d’une part, qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué que la cour a estimé, par une appréciation souveraine non arguée de dénaturation, que les produits "Thalamag" et "Drainactil" se présentaient aux yeux d’un acheteur moyennement avisé comme possédant des qualités préventives ou curatives, alors que les indications accompagnant la commercialisation du produit "Acuival" ne comportaient aucun libellé relatif à ses effets réels ou supposés sur la santé humaine ; qu’en déduisant de ces constatations que les deux premiers produits devaient être soumis au taux normal de taxe sur la valeur ajoutée prévu à l’article 278 du code général des impôts et le troisième, comme un aliment, au taux réduit prévu à l’article 278 bis du même code, la cour n’a entaché son arrêt d’aucune contradiction de motifs ;
Considérant, d’autre part, que la cour a pu légalement prendre en compte, pour écarter la qualification d’aliment au regard de l’article 278 bis du code général des impôts dans le cas des produits "Thalamag" et "Drainactil", la définition du médicament donnée par le code de la santé publique et n’a pas entaché son arrêt d’erreur de droit en en déduisant, dès lors qu’il était constant que ces produits n’entraient pas dans le champ des dispositions des articles 278 quater ou 281 octies du code général des impôts prévoyant, pour certaines catégories de médicaments, un taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée, qu’ils ne relevaient d’aucune des catégories bénéficiaires d’un taux spécial de taxe et devaient par suite se voir appliquer le taux normal ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SOCIETE DES LABORATOIRES IPRAD n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : Le pourvoi de la SOCIETE DES LABORATOIRES IPRAD est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE DES LABORATOIRES IPRAD et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.