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Conseil d’Etat, 13 octobre 2003, n° 253701, Mme Réjane D. et M. Jean-François P.

Il appartient au tribunal administratif statuant comme autorité administrative, lorsqu’il examine une demande présentée par un contribuable sur le fondement des dispositions de l’article L. 2132-5, de vérifier sans se substituer au juge de l’action et au vu des éléments qui lui sont fournis, que l’action envisagée présente un intérêt suffisant pour la commune et qu’elle a une chance de succès. Lorsque le tribunal administratif refuse l’autorisation, il lui incombe de mentionner dans sa décision les considérations de droit et de fait qui le conduisent à estimer que l’une ou l’autre de ces deux conditions n’est pas remplie.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 253701

Mme D.
M. P.

Mme de Salins
Rapporteur

M. Devys
Commissaire du gouvernement

Séance du 22 septembre 2003
Lecture du 13 octobre 2003

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 1ère et 2ème sous-section réunies)

Sur le rapport de la 1ère sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 janvier et 10 mars 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour Mme Réjane D. et pour M. Jean-François P. ; Mme D. et M. P. demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler la décision du 5 décembre 2002 par laquelle le tribunal administratif d’Amiens a rejeté leur demande tendant à être autorisés à engager des poursuites au nom de la commune de Beaurieux à l’encontre du maire et du premier adjoint en vue de recouvrer des sommes qui leur ont été indûment versées ;

2°) de les autoriser à exercer ces poursuites au nom de la commune de Beaurieux ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code pénal ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme de Salins, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Odent, avocat Mme D. et de M. P. et de la SCP Ghestin, avocat de la commune de Beaurieux,
- les conclusions de M. Devys, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 2132-5 du code des collectivités territoriales : " Tout contribuable inscrit au rôle de la commune a le droit d’exercer, tant en demande qu’en défense, à ses frais et risques, avec l’autorisation du tribunal administratif, les actions qu’il croit appartenir à la commune, et que celle-ci, préalablement appelée à en délibérer, a refusé ou négligé d’exercer " ; que, selon le dernier alinéa de l’article R. 2132-1 du même code : " Toute décision qui porte refus d’autorisation doit être motivée " ;

Sur le moyen tiré de ce que la décision attaquée ne serait pas suffisamment motivée :

Considérant qu’il appartient au tribunal administratif statuant comme autorité administrative, lorsqu’il examine une demande présentée par un contribuable sur le fondement des dispositions précitées de l’article L. 2132-5, de vérifier sans se substituer au juge de l’action et au vu des éléments qui lui sont fournis, que l’action envisagée présente un intérêt suffisant pour la commune et qu’elle a une chance de succès ; que lorsque le tribunal administratif refuse l’autorisation, il lui incombe de mentionner dans sa décision les considérations de droit et de fait qui le conduisent à estimer que l’une ou l’autre de ces deux conditions n’est pas remplie ;

Considérant que Mme D. et M. P. ont saisi le tribunal administratif de Marseille aux fins d’être autorisés à représenter les intérêts de la commune de Beaurieux en qualité de partie civile dans une action à intenter, d’une part, contre M. Lecreps, maire de la commune, auquel il était reproché d’avoir utilisé du personnel et du matériel de la commune à des fins professionnelles et privées et, d’autre part, contre M. Cornette, conseiller municipal, auquel il était fait grief d’avoir utilisé pour ses véhicules personnels des bons d’essence émis par la commune ;

Considérant que le tribunal administratif, devant lequel Mme D. et M. P. n’invoquaient aucun préjudice tenant à l’utilisation de personnel communal à des fins privées, a indiqué que, dès lors que la commune avait justifié l’attribution de bons d’essence à M. Cornette et que l’utilisation de la benne de la commune avait donné lieu, au profit de celle-ci, à une rémunération du service rendu à M. Lecreps, les actions envisagées n’étaient pas susceptibles de présenter un intérêt suffisant pour la commune ; que, dès lors, le tribunal a suffisamment motivé le refus d’autorisation opposé aux requérants en énonçant ainsi les raisons de droit et de fait pour lesquelles les actions envisagées ne présentaient pas un intérêt suffisant ; que, par suite, la circonstance qu’en se fondant, en outre sur ce que ces actions étaient dépourvues de chances de succès, il n’a pas fait mention à ce sujet du grief tiré de l’utilisation de personnel communal est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ;

Au fond :

Considérant qu’il résulte de l’instruction, d’une part, que les bons d’essence délivrés à M. Cornette étaient destinés, la commune ne possédant pas de véhicule léger, à permettre des déplacements nécessités par l’activité de la commune ; qu’il n’est pas établi que ce carburant aurait été utilisé à des fins personnelles ; que l’irrégularité administrative consistant dans l’omission de remplir un état des frais n’est pas de nature à caractériser une infraction pénale ; que, d’autre part, l’utilisation de la benne communale par un habitant de la commune était autorisée par une délibération du conseil municipal en date du 10 juillet 1987 et que, contrairement à ce que soutiennent les demandeurs, cette délibération n’interdisait pas l’usage de la benne à des fins professionnelles ; que les redevances correspondant à l’usage de cette benne ont été payées ; que la preuve n’a pas été apportée de l’utilisation du personnel communal par M. Lecreps, à des fins personnelles ou au profit d’un tiers ; qu’enfin, la réfection d’un chemin communal et de ses abords par le personnel communal ne constitue pas un abus, même si ce personnel est amené à intervenir sur un terrain privé dangereux et à l’abandon ; qu’il résulte de ce qui précède que les actions envisagées par les requérants sont, en tout état de cause, dépourvues de chances de succès ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, enfin, que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Beaurieux, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que Mme D. et M. P. demandent au titre des frais exposés par eux et non comprises dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme D. et de M. P. est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Réjane D., à M. Jean-François P., à la commune de Beaurieux et au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

 


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