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Conseil d’Etat, 14 avril 2008, n° 297059, Société des avitailleurs réunis bordelais

Un assujetti n’est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations, la taxe portée sur des factures correspondant à des biens ou à des prestations de services qui ne lui ont pas été effectivement fournis.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 297059

SOCIETE DES AVITAILLEURS REUNIS BORDELAIS

M. Vincent Daumas
Rapporteur

Mme Nathalie Escaut
Commissaire du gouvernement

Séance du 21 mars 2008
Lecture du 14 avril 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 8ème et 3ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 8ème sous-section de la section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 septembre et 27 novembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la SOCIETE DES AVITAILLEURS REUNIS BORDELAIS, dont le siège est 94D, avenue Picot à Eysines (33320) ; la SOCIETE DES AVITAILLEURS REUNIS BORDELAIS demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt du 6 juillet 2006 par lequel la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l’annulation du jugement du 27 mars 2003 du tribunal administratif de Bordeaux rejetant sa demande tendant à la décharge des compléments de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er octobre 1995 au 30 juin 1999, correspondant au refus d’admettre en déduction de la taxe collectée des montants de taxe acquittée correspondant à cinq factures qualifiées de fictives par l’administration ;

2°) réglant l’affaire au fond, de lui accorder la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 8 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive n° 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 en matière d’harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires - système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Daumas, Auditeur,

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la SOCIETE DES AVITAILLEURS REUNIS BORDELAIS,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, Commissaire du gouvernement

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SOCIETE DES AVITAILLEURS REUNIS BORDELAIS, qui a pour activité principale l’avitaillement de navires, a fait l’objet en 1999 d’une vérification de comptabilité au terme de laquelle l’administration lui a notifié plusieurs redressements en matière de taxe sur la valeur ajoutée, au titre de la période du 1er octobre 1995 au 30 juin 1999, motivés par la circonstance que les montants de taxe dont elle avait obtenu la déduction figuraient sur des factures fictives ; que la société a vainement contesté les compléments de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge, devant l’administration puis le tribunal administratif de Bordeaux ; que, sur son appel, la cour administrative d’appel de Bordeaux a confirmé le jugement de rejet du tribunal, par un arrêt en date du 6 juillet 2006 contre lequel la société se pourvoit en cassation ;

Considérant qu’aux termes de l’article 271 du code général des impôts : "I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d’une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération / (.) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est (.) : / a) Celle qui figure sur les factures d’achat qui leur sont délivrées par leurs vendeurs, dans la mesure où ces derniers étaient légalement autorisés à la faire figurer sur lesdites factures (.)" ; qu’aux termes de l’article 272 de ce même code : "(.) 2. La taxe sur la valeur ajoutée facturée dans les conditions définies au 4 de l’article 283 ne peut faire l’objet d’aucune déduction par celui qui a reçu la facture ou le document en tenant lieu" ; qu’aux termes de l’article 283 du même code : "(.) 4. Lorsque la facture ou le document ne correspond pas à la livraison d’une marchandise ou à l’exécution d’une prestation de services, ou fait état d’un prix qui ne doit pas être acquitté effectivement par l’acheteur, la taxe est due par la personne qui l’a facturée" ;

Considérant qu’il résulte des dispositions précitées qu’un assujetti n’est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations, la taxe portée sur des factures correspondant à des biens ou à des prestations de services qui ne lui ont pas été effectivement fournis ;

Considérant, en premier lieu, qu’il était constant, devant les juges du fond, que les achats réalisés par la SOCIETE DES AVITAILLEURS REUNIS BORDELAIS à l’origine du litige n’avaient donné lieu à aucune livraison ; que, par suite, ainsi qu’il vient d’être dit, la société ne pouvait obtenir la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur les factures correspondant à ces achats ; qu’il en résulte qu’elle ne critique pas utilement les motifs surabondants par lesquels la cour administrative d’appel a jugé qu’elle ne pouvait ignorer, au moment de la réception des factures fournisseurs et de l’émission des factures clients, le caractère irrégulier des opérations auxquelles elle participait ;

Considérant, en deuxième lieu, que la cour administrative d’appel, en jugeant qu’un contribuable n’est pas en droit de déduire, de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations, la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucune marchandise ou prestation de service, a par là même écarté le moyen tiré de ce qu’une telle remise en cause du droit à déduction était subordonnée à la preuve de la mauvaise foi du contribuable ; que, par suite, la cour n’a pas entaché son arrêt d’insuffisance de motivation sur ce point et n’a pas non plus, eu égard à ce qui a été dit plus haut, commis d’erreur de droit ;

Considérant, en troisième lieu, que la SOCIETE DES AVITAILLEURS REUNIS BORDELAIS soutenait devant la cour que l’application des dispositions combinées des articles 272-2 et 283-4 du code général des impôts, qui, respectivement, interdisent au destinataire d’une facture fictive de déduire la taxe y figurant et prévoient que cette taxe est due par l’émetteur, aboutit à taxer deux fois une même opération, en méconnaissance du principe communautaire de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée ; que toutefois, d’une part, il résulte des objectifs de la directive du 17 mai 1977 susvisée, interprétés par la Cour de justice des Communautés européennes, que le droit à déduction ne s’étend pas à un montant de taxe sur la valeur ajoutée facturé à tort ; que, d’autre part, il résulte expressément de l’article 21 de cette directive que la taxe est due par toute personne qui la mentionne sur une facture ou tout document en tenant lieu ; que le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée implique seulement, dans ce cas, qu’une possibilité de régularisation ne dépendant pas du pouvoir discrétionnaire de l’administration fiscale soit laissée à l’émetteur de la facture ; que cette possibilité de régularisation doit être ouverte à celui-ci sans condition de bonne foi s’il a éliminé tout risque de perte de recettes fiscales ; que, dans le cas contraire, une telle possibilité peut être soumise à une condition de bonne foi ; que les dispositions précitées des articles 272 et 283 du code général des impôts ne sont nullement incompatibles avec ces exigences, dès lors qu’elles n’excluent pas la possibilité de régulariser une facture mentionnant une taxe y figurant à tort ; que par suite, en jugeant que le principe communautaire de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée ne faisait pas obstacle à la récupération, conformément aux articles 272-2 et 283-4 du code général des impôts, d’une taxe indûment déduite car facturée à tort, la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE DES AVITAILLEURS REUNIS BORDELAIS n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SOCIETE DES AVITAILLEURS REUNIS BORDELAIS est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE DES AVITAILLEURS REUNIS BORDELAIS et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

 


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