CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 296284
SOCIETE SMS EXPORT
Mme Karin Ciavaldini
Rapporteur
M. Pierre Collin
Commissaire du gouvernement
Séance du 12 septembre 2008
Lecture du 29 octobre 2008
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 9ème et 10ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 9ème sous-section de la Section du contentieux
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 août et 8 décembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la SOCIETE SMS EXPORT, dont le siège est 81 rue Jean Catelas à Saleux (80481), représentée par son liquidateur amiable ; la SOCIETE SMS EXPORT demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’article 2 de l’arrêt du 8 juin 2006 par lequel la cour administrative d’appel de Douai, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à concurrence de la somme de 58 628 euros en ce qui concerne les compléments d’impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices 1994 et 1995, a rejeté le surplus de sa requête tendant, d’une part, à l’annulation du jugement du 4 mai 2004 du tribunal administratif d’Amiens rejetant ses demandes tendant à la décharge des compléments d’impôt sur les sociétés, de la contribution additionnelle à cet impôt et des pénalités correspondantes auxquels elle a été assujettie au titre des exercices 1994 et 1995 et des suppléments de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1994 au 31 décembre 1995, d’autre part, à la décharge de ces impositions ;
2°) réglant l’affaire au fond, de prononcer la décharge des impositions restant en litige ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de Mme Karin Ciavaldini, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,
les observations de la SCP Boutet, avocat de la SOCIETE SMS EXPORT,
les conclusions de M. Pierre Collin, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’à la suite d’une vérification de comptabilité, la SOCIETE SMS EXPORT, qui exerçait une activité d’étude, d’ingénierie, de réalisation et de commercialisation clef en main de projets industriels ou agro-alimentaires, a été assujettie à des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés au titre des années 1994 et 1995 et à des compléments de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 1994 au 31 décembre 1995 ; qu’elle se pourvoit en cassation contre l’article 2 de l’arrêt du 8 juin 2006 par lequel la cour administrative d’appel de Douai, après avoir, par l’article 1er de son arrêt, prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de sa requête tendant à la décharge des compléments d’impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie, à concurrence de la somme de 58 628 euros, a rejeté le surplus de sa requête tendant à l’annulation du jugement du 4 mai 2004 du tribunal administratif d’Amiens rejetant ses demandes tendant à la décharge des impositions susmentionnées ;
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :
Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article L. 192 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la période d’imposition en litige : "Lorsque l’une des commissions visées à l’article L. 59 est saisie d’un litige ou d’un redressement, l’administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l’avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l’imposition a été établie conformément à l’avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l’administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou le redressement est soumis au juge. / Elle incombe également au contribuable à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu, comme en cas de taxation d’office à l’issue d’un examen contradictoire de l’ensemble de la situation fiscale personnelle en application des dispositions des articles L. 16 et L. 69" ; que la cour administrative d’appel de Douai a jugé, sans commettre d’erreur de droit, qu’il appartient au juge de l’impôt de se fonder sur les résultats de l’instruction pour estimer si des prestations de services doivent être assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée, en application de l’article 259 du code général des impôts, ou peuvent bénéficier d’une exonération, en application de l’article 262 du même code ; qu’elle a ainsi implicitement mais nécessairement écarté le moyen de la SOCIETE SMS EXPORT tiré de ce que la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires aurait modifié les règles relatives à la charge de la preuve et n’a pas commis d’erreur de droit, les dispositions précitées du premier alinéa de l’article L. 192 du livre des procédures fiscales n’ayant pas eu pour effet de modifier les règles de détermination de la charge de la preuve, mais seulement de mettre fin, sous réserve du cas prévu au deuxième alinéa du même article, à l’état du droit antérieur sous l’empire duquel l’avis rendu par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires avait pour effet, s’il était favorable à l’administration, d’attribuer au contribuable la charge d’une preuve que l’intéressé n’aurait pas supportée en l’absence de saisine de cette commission ;
Considérant, en second lieu, qu’aux termes de l’article 259 du code général des impôts : "Le lieu des prestations de services est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle" ; qu’aux termes de l’article 259 A du même code : "Par dérogation aux dispositions de l’article 259, le lieu des prestations suivantes est réputé se situer en France : / (.) 2° Les prestations de services se rattachant à un immeuble situé en France, y compris les prestations tendant à préparer ou à coordonner l’exécution de travaux immobiliers et les prestations des agents immobiliers ou des experts (.)" ; qu’aux termes de l’article 262 du même code, dans sa rédaction applicable à la période d’imposition en litige : "I. Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée les exportations de biens meubles corporels ainsi que les prestations de services qui leur sont directement liées (.)" ; que la cour, qui, contrairement à ce que soutient la SOCIETE SMS EXPORT, n’a pas dénaturé les pièces du dossier en jugeant qu’elles n’étaient pas de nature à établir un lien entre les factures qu’elle avait émises au cours des années 1994 à 1996 et la réalisation d’une unité de déshydratation au Maroc, n’a, par suite, pas non plus commis d’erreur de droit en validant l’assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée des prestations de services facturées par la SOCIETE SMS EXPORT sur la base des dispositions précitées de l’article 259 du code général des impôts, et en lui refusant le bénéfice des dispositions précitées du 2° de l’article 259 A et de l’article 262 du même code, dont elle se prévalait ;
En ce qui concerne l’impôt sur les sociétés :
Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 38 du code général des impôts : "1. (.) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d’après les résultats d’ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises (.) / 2 bis. Pour l’application des 1 et 2, les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l’avance en paiement du prix sont rattachés à l’exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes ou opérations assimilées et l’achèvement des prestations pour les fournitures de services. / Toutefois, ces produits doivent être pris en compte : / (.) b. Pour les travaux d’entreprise donnant lieu à réception complète ou partielle, à la date de cette réception, même si elle est seulement provisoire ou faite avec réserves, ou à celle de la mise à la disposition du maître de l’ouvrage si elle est antérieure. / La livraison au sens du premier alinéa s’entend de la remise matérielle du bien lorsque le contrat de vente comporte une clause de réserve de propriété (.)" ; que la cour, pour juger que l’administration apportait la preuve que les sommes portées sur les factures adressées à la société marocaine Savol devaient être rattachées à l’exercice au cours duquel la créance de la SOCIETE SMS EXPORT était née et non, comme le soutenait la société requérante, qui souhaitait se prévaloir des dispositions précitées du 2 bis de l’article 38 du code général des impôts relatives aux travaux d’entreprise donnant lieu à réception complète ou partielle, à l’exercice 1996, qui correspondait selon elle à la réception de l’unité de déshydratation au Maroc, a estimé qu’aucun élément ne permettait de rattacher les factures en cause à la construction de l’unité de déshydratation au Maroc ; qu’elle a ainsi, sans commettre d’erreur de droit, porté sur les pièces de son dossier une appréciation souveraine, exempte de dénaturation, qui n’est pas susceptible d’être discutée devant le juge de cassation ;
Considérant, en second lieu, qu’en vertu de l’article 38 du code général des impôts, le bénéfice imposable est le bénéfice net et qu’en vertu du 1. de l’article 39 du même code, le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges ; qu’il appartient au contribuable de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu’il entend déduire que de la correction de leur inscription en comptabilité, c’est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que la cour n’a pas dénaturé les pièces du dossier ni inexactement apprécié les faits de l’espèce en jugeant que la réalité de la dette de la SOCIETE SMS EXPORT à l’égard de M. Megharbi, associé et gérant de cette société, d’un montant de 2 662 400 F, n’était pas établie et que l’administration avait en conséquence à bon droit réintégré cette somme dans les résultats de la société au titre de l’exercice clos en 1994 ; que la cour n’a pas non plus dénaturé les pièces de son dossier en jugeant que la société ne justifiait pas de l’objet des frais de déplacement de M. Megharbi qu’elle avait comptabilisés en charges et en validant, par suite, la réintégration de ces frais dans les résultats des exercices vérifiés ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SOCIETE SMS EXPORT n’est pas fondée à demander l’annulation de l’article 2 de l’arrêt attaqué ; que ses conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu’être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : Le pourvoi de la SOCIETE SMS EXPORT est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE SMS EXPORT et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.