CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 283153
FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D’AUTRES INFRACTIONS
M. Marc Lambron
Rapporteur
M. Jean-Philippe Thiellay
Commissaire du gouvernement
Séance du 5 décembre 2007
Lecture du 16 janvier 2008
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 5ème et 4ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 5ème sous-section de la section du contentieux
Vu l’ordonnance du 22 juillet 2005, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 27 juillet 2005, par laquelle le président de la cour administrative d’appel de Paris a transmis au Conseil d’Etat, en application de l’article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à cette cour par le FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D’AUTRES INFRACTIONS ;
Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d’appel de Paris le 16 juin 2005, et le mémoire complémentaire, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 14 octobre 2005, présentés pour le FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D’AUTRES INFRACTIONS, dont le siège est 64 rue Defrance à Vincennes (94682) ; le requérant demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler le jugement du 12 mai 2005 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l’Etat à lui verser la somme de 3 050 euros en réparation du préjudice résultant pour lui de sa condamnation par la cour d’appel de Paris à indemniser M. Alain M., blessé le 26 mars 1997 lors d’une manifestation à Champigny-sur Marne ;
2°) statuant au fond, de condamner l’Etat à lui verser la somme de 3 050 euros ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le code des assurances ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Marc Lambron, Conseiller d’Etat,
les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat du FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D’AUTRES INFRACTIONS,
les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant qu’il résulte des mentions de la minute du jugement attaqué, non démenties par les pièces du dossier, que la formation de jugement du tribunal administratif de Melun n’était pas composée conformément aux dispositions de l’article R. 222-1 du code de justice administrative lorsqu’elle a statué sur la demande du FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D’AUTRES INFRACTIONS ; que ce dernier est, dès lors, fondé à demander l’annulation de ce jugement ;
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l’affaire au fond ;
Sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales : " L’Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens (.) " ; que l’application de ces dispositions est subordonnée à la condition que les dommages dont l’indemnisation est demandée résultent de manière directe et certaine de crimes ou délits commis par des rassemblements ou attroupements précisément identifiés ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. M., fonctionnaire de police, a été blessé lors d’une manifestation qui s’est déroulée le 26 mars 1997 à Champigny-sur-Marne ; qu’il résulte des mentions du procès-verbal consignant les déclarations de la victime que l’auteur des violences les a commises seul, sans lien avec les manifestants et alors qu’il s’était mis à l’écart de ceux-ci ; que les dommages causés par ces violences doivent dès lors être regardés comme ne résultant pas de manière directe et certaine d’un délit commis par un attroupement ou un rassemblement ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D’AUTRES INFRACTIONS, subrogé dans les droits de M. M. en vertu des dispositions des articles 706-11 du code de procédure pénale et L. 422-1 du code des assurances, n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par la décision attaquée, le ministre de l’intérieur a refusé de lui accorder une indemnité en réparation du préjudice résultant pour lui de sa condamnation par la cour d’appel de Paris à indemniser M. M. ; qu’il y a lieu de rejeter par voie de conséquence ses conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Melun du 12 mai 2005 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par le FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D’AUTRES INFRACTIONS devant le tribunal administratif de Melun est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D’AUTRES INFRACTIONS est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D’AUTRES INFRACTIONS et au ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales.