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Cour administrative d’appel de Marseille, 30 avril 2003, n° 99MA01122, Ministre de l’économie, des finances et de l’industrie c/ Jean D.

Le retard mis par l’administration à verser une somme due ne peut ouvrir droit à indemnisation que dans les conditions fixées par l’article 1153 du code civil, applicable devant la juridiction administrative. Les intérêts moratoires prévus par cet article sont dus à la date du versement du principal. Les intérêts qui ne sont pas versés à cette date forment eux-mêmes une créance productive d’intérêts. En outre, en application du dernier alinéa de l’article 1153 du code civil, le titulaire de la créance peut réclamer des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires si le retard de paiement des sommes dues résulte d’un mauvais vouloir manifeste de l’administration et s’il en résulte pour le créancier un préjudice distinct de celui auquel se rapportent les intérêts moratoires.

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE MARSEILLE

N° 99MA01122

MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE
c/ M. Jean D.

M. DARRIEUTORT
Président

M. GUERRIVE
Rapporteur

M. TROTTIER
Commissaire du Gouvernement

Arrêt du 30 avril 2003

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE MARSEILLE

(3ème chambre)

Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d’appel sous le n° 99MA01122, par lequel le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie demande à la Cour :

1°/ d’annuler le jugement du Tribunal administratif de Marseille en date du 10 avril 1999, en tant qu’il a condamné l’Etat à verser à M. Jean D. la somme de 3 000 F en réparation du préjudice né du paiement tardif des intérêts moratoires et la somme de 5000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

2°/ de rejeter les demandes présentées par M. D. devant le Tribunal administratif de Marseille ;

Il soutient que l’administration, en ne versant pas spontanément les intérêts moratoires dus à la suite d’un dégrèvement, n’a pas commis une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat ; que le requérant a en effet attendu plus de huit mois pour le signaler à l’administration ; qu’en outre l’intéressé a bénéficié d’intérêts moratoires au titre de l’année 1991 alors qu’il n’avait présenté aucune demande au titre de ladite année et que ces intérêts n’étaient pas dus ; que les intérêts versés en retard constituent une créance à hauteur du montant qu’ils ont produit au jour du paiement de la créance au principal ; que M. D. ne peut prétendre qu’au paiement de ces intérêts, dont le montant s’élève à moins de 70 F, et qui ont été largement compensés par le versement d’intérêts indus ; que, si pour réclamer le paiement des intérêts, M. D. a cru devoir faire appel à un avocat, et accepter de se voir réclamer 20 262 F d’honoraires, c’est uniquement par convenance personnelle ; que l’évaluation du préjudice moral à la somme de 350 000 F témoigne du caractère infondé de la demande ; que la condamnation de l’Etat aux frais irrépétibles ne saurait être retenue ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 3 avril 2003 :
- le rapport de M. GUERRIVE, président assesseur ;
- et les conclusions de M. TROTTIER, premier conseiller ;

Considérant que l’administration fiscale a prononcé le dégrèvement de la taxe d’habitation mise à la charge de M. Jean D. pour les années 1991 à 1993 à raison d’une maison située à Luynes ; que, le 14 février 1994, les sommes versées par M. D. au titre des années 1991 et 1992 lui ont été remboursées ; que ce remboursement n’étant pas assorti des intérêts moratoires ainsi que l’exige l’article L.208 du livre des procédures fiscales, l’intéressé en a réclamé le versement au trésorier principal d’Aix-sud le 26 novembre 1994 ; que ce dernier ayant rejeté sa demande, M. D. a saisi le Trésorier général, qui lui a donné satisfaction le 19 janvier 1995 ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a estimé que l’administration avait ainsi commis une faute engageant la responsabilité de l’Etat et a condamné ce dernier à verser à M. D. la somme de 3000 F en réparation des frais d’avocat qu’il avait engagés pour obtenir satisfaction, ainsi que la somme de 5000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Considérant que le retard mis par l’administration à verser une somme due ne peut ouvrir droit à indemnisation que dans les conditions fixées par l’article 1153 du code civil, applicable devant la juridiction administrative ; que les intérêts moratoires prévus par cet article sont dus à la date du versement du principal ; que les intérêts qui ne sont pas versés à cette date forment eux-mêmes une créance productive d’intérêts ; qu’en outre, en application du dernier alinéa de l’article 1153 du code civil, le titulaire de la créance peut réclamer des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires si le retard de paiement des sommes dues résulte d’un mauvais vouloir manifeste de l’administration et s’il en résulte pour le créancier un préjudice distinct de celui auquel se rapportent les intérêts moratoires ;

Considérant qu’il est constant que c’est avec retard que l’administration a versé à M. D. les intérêts moratoires des sommes qui lui ont été restituées au titre des impositions dégrevées sur sa demande ; qu’il en résulte que ces intérêts moratoires doivent eux-mêmes produire intérêts à compter du versement du principal, soit le 14 février 1994, et jusqu’à la date de leur versement effectif ; que ces intérêts moratoires ayant été versés à M. D. environ deux mois après qu’il en eut fait la demande, le retard mis par les services du Trésor ne résulte pas d’un mauvais vouloir manifeste de cette administration ; qu’en outre M. D. ne justifie pas d’un préjudice distinct de celui auquel se rapportent ces intérêts ; que, dès lors, il ne peut prétendre qu’au versement des intérêts produits, entre le 14 février 1994 et la date de leur versement effectif, par les intérêts moratoires qui lui étaient dus ;

Considérant que le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie soutient que les intérêts moratoires correspondant au dégrèvement prononcé au titre de la taxe d’habitation de 1991 lui ont été versés alors qu’ils n’étaient pas dus, dès lors que le dégrèvement avait été prononcé d’office ; qu’en l’absence de tout ordre de reversement adressé à M. D. pour la restitution des sommes correspondantes, la créance invoquée par l’administration ne peut être regardée comme certaine, liquide et exigible, et être admise en compensation des sommes dues à M. D. ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a condamné l’Etat à verser à M. D. la somme de 3000 F susmentionnée ; qu’il y a lieu de ramener cette condamnation au montant des intérêts produits, entre le 14 février 1994 et la date de leur versement effectif, par les intérêts moratoires dus à M. D. ;

Considérant que M. D. ne peut être regardé comme étant la partie perdante ; qu’ainsi les dispositions de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et de cours administratives d’appel, en vigueur à la date du jugement attaqué, ne faisaient pas obstacle à ce que les premiers juges condamnent l’Etat à rembourser à M. D. les frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, qui ne conteste pas le montant de la condamnation prononcée à ce titre, n’est, par suite, pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a prononcé une telle condamnation ;

D E C I D E :

Article 1er : La somme à laquelle l’Etat (ministre de l’économie, des finances et de l’industrie) a été condamné à verser à M. D. par le jugement du Tribunal administratif de Marseille en date du 10 avril 1999 est ramenée au montant des intérêts produits, entre le 14 février 1994 et la date de leur versement effectif, par les intérêts moratoires versés à M. D. au titre des dégrèvements de taxes d’habitation.

Article 2 : Le surplus des conclusions du recours du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie et à M. Jean D..

 


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