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Cour administrative d’appel de Paris, 22 janvier 2003, n° 99PA00298, M. Denis V. c/ Ministre de l’intérieur

Si le ministre fait valoir que l’officine exploitée par le requérant n’était pas seule à subir des actes de délinquance, il n’est pas contesté que le quartier concerné a été le théâtre d’une situation de violence urbaine telle que le centre commercial qui y était installé a dû fermer. Dans ces conditions, compte tenu tant de l’importance des infractions commises que de leur persistance pendant plusieurs années, la défaillance des autorités de police à protéger l’officine est constitutive en l’espèce d’une faute lourde, alors même que, comme le souligne le ministre de l’intérieur, des efforts ont été mis en œuvre pour améliorer les moyens disponibles.

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE PARIS

N°s 99PA00298
99PA00389

M. Denis V.
Ministre de l’intérieur

M. SIMONI
Président

Mme ADDA
Rapporteur

Mme FOLSCHEID
Commissaire du Gouvernement

Séance du 8 janvier 2003
Lecture du 22 janvier 2003

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE PARIS

(3ème chambre A)

VU I) sous le n° 99PA0298, enregistrés au greffe de la cour, respectivement les 9 février et 17 mai 1999, la requête sommaire et le mémoire ampliatif présentés pour M. Denis V. par Me CABANES, avocat ; M. V. demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 944867 en date du 19 novembre 1998, du tribunal administratif de Versailles en ce qu’il a limité à 100 000 F l’indemnité qu’il a condamné l’Etat à lui verser en réparation de son préjudice imputable à la carence des services de police ;

2°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 3 750 000 F avec intérêts de droit à compter du 13 octobre 1992, capitalisés à la date du 17 mai 1999 ainsi que la somme de 10 000 F sur le fondement de l’article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

VU II) sous le n° 99PA00389, enregistré le 16 février 1999 au greffe de la cour, le recours présenté par le MINISTRE DE L’INTERIEUR ; le ministre demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 944867 en date du 19 novembre 1998, par lequel le tribunal administratif de Versailles a condamné l’Etat à verser à M. V. une indemnité de 100 000 F avec intérêts de droit à compter du 13 octobre 1992 ;

2°) de rejeter la demande indemnitaire de M. V. ;

VU les autres pièces du dossier ;

VU le code de justice administrative ;

VU le décret n° 88-552 du 6 mai 1988 modifié portant constitution du cadre d’emploi des agents d’entretien ;

VU le décret n° 92-1194 du 4 novembre 1992 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires stagiaires ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 8 janvier 2003 :
- le rapport de Mme ADDA, premier conseiller,
- les observations de Me WALLEZ, avocat, pour M. V.,
- et les conclusions de Mme FOLSCHEID, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que les deux affaires susvisées sont dirigées contre le même jugement et présentent à juger des questions communes ; qu’il y a lieu de les joindre pour y être statué par un seul arrêt ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu’ainsi que l’ont rappelé les premiers juges, les services de police ont pour mission d’assurer la protection des personnes et des biens ; qu’il résulte de l’instruction que dans la période de 1986 à 1992, M. V. a déposé 13 plaintes pour des infractions violentes commises à l’encontre de la pharmacie qu’il exploitait dans le quartier Orly-Parc à Gonesse ; que si le ministre fait valoir que l’officine exploitée par M. V. n’était pas seule à subir des actes de délinquance, il n’est pas contesté que le quartier concerné a été le théâtre d’une situation de violence urbaine telle que le centre commercial qui y était installé a dû fermer ; que, dans ces conditions, compte tenu tant de l’importance des infractions commises que de leur persistance pendant plusieurs années, la défaillance des autorités de police à protéger l’officine est constitutive en l’espèce d’une faute lourde, alors même que, comme le souligne le ministre de l’intérieur, des efforts ont été mis en œuvre pour améliorer les moyens disponibles ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L’INTERIEUR n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles, estimant que la faute lourde commise, en l’espèce, par les services de police était de nature à engager la responsabilité de l’Etat, a condamné celui-ci à indemniser M. V. du préjudice subi de ce chef ;

Sur le préjudice :

En ce qui concerne la perte de bénéfices d’exploitation :

Considérant que si M. V. produit une attestation d’un expert comptable imputant à la limitation des heures d’ouverture de l’officine une perte de chiffre d’affaires, sur la période du 1er mai 1991 au 30 avril 1992, estimée à 225 000 F, il n’établit pas que la totalité de cette somme serait directement imputable à la carence fautive des services de police ; qu’il sera fait une juste appréciation du montant de la perte de bénéfices d’exploitation devant être mise à la charge de l’Etat en l’évaluant à la somme de 15 250 euros ;

En ce qui concerne la perte de valeur du fonds de commerce exploité :

Considérant que la circonstance que certains autres commerçants, établis dans le centre commercial Orly-Parc, également victimes de la violence urbaine, aient vu leur commerce racheté par la commune de Gonesse est sans aucun effet sur les obligations que pourrait avoir l’Etat à l’égard de M. VIROUROUX ; que celui-ci, qui a obtenu de l’Etat la possibilité de transférer dans un autre quartier l’autorisation d’exploiter une pharmacie dont il était bénéficiaire, n’établit pas plus en appel qu’en première instance, que son nouveau fonds de commerce aurait une valeur inférieure à celle de l’ancien ; qu’il suit de là que c’est à bon droit que les premiers juges ont rejeté sa demande d’indemnisation relative à la perte de valeur du fonds de commerce exploité ;

En ce qui concerne le préjudice moral :

Considérant qu’en tenant compte des conditions particulièrement difficiles dans lesquelles M. V. a dû exercer sa profession du fait de la carence fautive de l’Etat, le tribunal administratif de Versailles n’a pas fait une inexacte appréciation du préjudice moral subi par M. V., et dont la réparation doit être mise à la charge de l’Etat, en l’évaluant à 7 622,45 euros (50 000 F) ; qu’il y a donc lieu de confirmer cette évaluation ;

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

Considérant que M. V. a droit aux intérêts de la somme de 22 872,45 euros à compter du 13 octobre 1992, jour de la réception par le MINISTRE DE L’INTERIEUR de sa demande préalable d’indemnisation ; qu’il a également demandé la capitalisation des intérêts au 17 mai 1999 ; qu’à cette date, il était dû une année d’intérêt ; qu’il y a lieu, par suite, de faire droit à cette demande ainsi qu’à la capitalisation des intérêts à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur la demande relative à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de condamner l’Etat à verser à M. V. la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : La somme que l’Etat a été condamné à verser à M. V. en application de l’article 2 du jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 19 novembre 1998, est portée à 22 872,45 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 13 octobre 1992. Les intérêts seront capitalisés à la date du 17 mai 1999 ainsi qu’à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 2 : L’Etat est condamné à verser à M. V. la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus de la requête présentée par M. V. et le recours du MINISTRE DE L’INTERIEUR, DE LA SECURITE INTERIEURE ET DES LIBERTES LOCALES, sont rejetés.

 


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