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Conseil d’Etat, 21 novembre 2008, n° 307300, Ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales c/ Françoise M.

Il appartient à la personne publique gestionnaire d’un service public non doté de la personnalité morale d’assumer la réparation des conséquences dommageables de carences ou dysfonctionnements de ce service. La responsabilité d’une personne publique qui ne gère pas le service mais contribue seulement à son financement ou en assure la tutelle ne pourrait être recherchée qu’à raison de fautes commises dans ses missions de financement et de tutelle.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N°s 307300, 308567

MINISTRE DE L’INTERIEUR, DE L’OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES
c/ Mme M.

MINISTRE DU TRAVAIL, DES RELATIONS SOCIALES, DE LA FAMILLE ET DE LA SOLIDARITE
c/ Mme M.

M. Pascal Trouilly
Rapporteur

Mlle Anne Courrèges
Commissaire du gouvernement

Séance du 29 octobre 2008
Lecture du 21 novembre 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 1ère et 6ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 1ère sous-section de la Section du contentieux

Vu 1°), sous le n° 307300, le pourvoi enregistré le 10 juillet 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présenté par le MINISTRE DE L’INTERIEUR, DE L’OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ; le ministre demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt du 5 avril 2007 par lequel la cour administrative d’appel de Versailles a annulé le jugement du 7 avril 2005 du tribunal administratif de Versailles rejetant la demande de Mme Françoise M. et a condamné l’Etat à verser à celle-ci la somme de 30 000 euros au titre des préjudices qu’elle estime avoir subis ;

2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter l’appel de Mme M. ;

Vu 2°), sous le n° 308567, le pourvoi et le mémoire complémentaire enregistrés les 14 août et 10 octobre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés par le MINISTRE DU TRAVAIL, DES RELATIONS SOCIALES ET DE LA SOLIDARITE ; le ministre demande au Conseil d’Etat d’annuler le même arrêt du 5 avril 2007 de la cour administrative d’appel de Versailles ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu le code de la famille et de l’aide sociale ;

Vu la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 ;

Vu la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 ;

Vu loi n° 83-663 du 23 juillet 1983 ;

Vu le décret n° 88-279 du 24 mars 1988 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pascal Trouilly, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Copper-Royer, avocat du département des Yvelines,

- les conclusions de Mlle Anne Courrèges, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par un jugement du 7 avril 2005, le tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de Mme M. tendant à la condamnation de l’Etat à réparer les conséquences dommageables de l’agression dont elle a été victime en 1998 dans les locaux du centre d’hébergement et de réadaptation sociale " Sully " situé au Mesnil-Saint-Denis (Yvelines), au sein duquel elle était hébergée, qu’elle impute à la protection insuffisante et aux conseils inappropriés qu’elle aurait reçus dans ce foyer ; que, par un arrêt du 5 avril 2007, la cour administrative d’appel de Versailles a annulé ce jugement et a condamné l’Etat à verser à Mme M. la somme de 30 000 euros ; que les pourvois n° 307300 et n° 308567 présentés respectivement par le MINISTRE DE L’INTERIEUR, DE L’OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES et par le MINISTRE DU TRAVAIL, DES RELATIONS SOCIALES ET DE LA SOLIDARITE sont tous deux dirigés contre cet arrêt ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur les conclusions du département des Yvelines :

Considérant que le département des Yvelines n’est pas partie à la procédure et n’a été appelé en la cause que pour présenter ses observations ; qu’au surplus, le dispositif de l’arrêt attaqué, qui ne statue que sur la mise en cause de la responsabilité de l’Etat, ne lui fait pas grief ; qu’ainsi, les conclusions dont le département des Yvelines a assorti ses observations ne sont pas recevables ;

Sur le bien-fondé de l’arrêt attaqué :

Considérant qu’il appartient à la personne publique gestionnaire d’un service public non doté de la personnalité morale d’assumer la réparation des conséquences dommageables de carences ou dysfonctionnements de ce service ; que la responsabilité d’une personne publique qui ne gère pas le service mais contribue seulement à son financement ou en assure la tutelle ne pourrait être recherchée qu’à raison de fautes commises dans ses missions de financement et de tutelle ;

Considérant que, pour estimer comme le tribunal administratif de Versailles que Mme M. était fondée à mettre en cause la responsabilité de l’Etat, la cour administrative d’appel s’est bornée à relever que les articles 32 et 35 de la loi du 23 juillet 1983 mettent à la charge de l’Etat et non du département le financement de l’aide sociale en matière de logement, d’hébergement et de réadaptation pour en déduire que le foyer Sully, qui n’avait pas la personnalité morale à la date des faits, relevait de la compétence de l’Etat ; qu’il résulte de ce qui précède qu’en raisonnant ainsi, sans rechercher à quelle personne publique incombait la gestion de ce foyer, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit ; que, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, l’arrêt attaqué doit, pour ce motif, être annulé ;

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler l’affaire au fond en application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur la régularité du jugement du tribunal administratif :

Considérant, en premier lieu, que le jugement du 7 avril 2005 du tribunal administratif de Versailles a répondu à l’ensemble des moyens soulevés par Mme M. ; qu’il est ainsi suffisamment motivé au regard des exigences de l’article L. 9 du code de justice administrative ;

Considérant, en deuxième lieu, que si un mémoire en défense présenté par le préfet des Yvelines, enregistré le 24 août 2001 au greffe du tribunal administratif, n’a pas été communiqué à Mme M., ce mémoire se bornait à régulariser un précédent mémoire au contenu identique, enregistré le 3 octobre 2001, lequel lui avait été communiqué ; qu’ainsi, le caractère contradictoire de la procédure n’a pas été méconnu ;

Considérant, enfin, que si Mme M. soutient que le mémoire en défense présenté pour le département des Yvelines ne comportait pas le nom du président du conseil général, ce mémoire était accompagné de la délibération de la commission permanente du 27 septembre 2001 habilitant M. Borotra, président du conseil général de ce département, à en défendre les intérêts dans la procédure l’opposant à Mme M. ; que, par suite, le tribunal n’a, en tout état de cause, pas commis d’irrégularité en tenant compte de ce mémoire ;

Sur la responsabilité de l’Etat :

Considérant qu’il résulte de l’instruction que la création du foyer Sully a été autorisée par un arrêté du préfet des Yvelines du 4 avril 1978, en tant que " centre d’hébergement pour femmes en détresse et leurs enfants " dont la gestion est assurée par le département des Yvelines pour son propre compte ; que si le directeur du foyer était nommé par l’Etat en application de l’article 24 de la loi du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales, les agents étaient recrutés et gérés par le département ; que si le financement de ce centre d’hébergement était assuré grâce à une dotation de l’Etat, en application des dispositions mentionnées ci-dessus de la loi du 23 juillet 1983 et de celles du décret du 24 mars 1988 alors en vigueur, cette dotation était versée au département des Yvelines, sur le budget duquel se trouvaient donc imputées les dépenses de fonctionnement du foyer ; que le principe de la transformation du foyer en établissement public, laquelle n’était pas devenue effective à la date des faits en litige, a été décidée par une délibération du conseil général des Yvelines du 11 juillet 1996 ; qu’il ressort de l’ensemble de ces éléments que le centre d’hébergement et de réadaptation sociale " Sully " constituait, à la date des faits, un service non personnalisé du département et non un service de l’Etat ; qu’en conséquence, l’Etat ne peut être tenu responsable des dommages résultant des dysfonctionnements de ce foyer invoqués par Mme M. ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme M. n’est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement du 7 avril 2005, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l’Etat ;

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Versailles du 5 avril 2007 est annulé.

Article 2 : L’appel formé par Mme M. devant la cour administrative d’appel de Versailles est rejeté.

Article 3 : Les conclusions présentées par le département des Yvelines sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L’INTERIEUR, DE L’OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES, au MINISTRE DU TRAVAIL, DES RELATIONS SOCIALES, DE LA FAMILLE ET DE LA SOLIDARITE, à Mme Françoise M. et au département des Yvelines.

 


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