TRIBUNAL DES CONFLITS
N° 3279
Conflit sur renvoi du tribunal administratif de Grenoble
COMPAGNIE D’ASSURANCES A.G.F. c/ Compagnie UAP et Compagnie La Providence
M. Genevois, Rapporteur
M. Duplat, Commissaire du Gouvernement
Séance du 28 janvier 2002
Lecture du 4 mars 2002
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TRIBUNAL DES CONFLITS
Vu, enregistrée à son secrétariat le 9 juillet 2001, l’expédition du jugement du 15 juin 2001 par lequel le tribunal administratif de Grenoble, saisi d’une demande de la COMPAGNIE D’ASSURANCES A.G.F. tendant à la condamnation solidaire ou, à défaut, in solidum, de la société Beraud-Sudreau, de la société B.E.T.E.R.A.L.P. ayant pour liquidateur la société SAGEP, de la société UAP, en sa qualité d’assureur de la société Beraud-Sudreau, de la société B.E.T.E.R.A.L.P. et de l’entreprise Rigaud, de la compagnie La Providence aux droits de laquelle vient la compagnie AXA, autre assureur de la société Beraud-Sudreau, au remboursement de la somme de 4 925 082 F avec intérêts au jour du règlement, a renvoyé au tribunal, par application de l’article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de trancher sur la compétence en ce qui concerne les conclusions dirigées contre les compagnies d’assurance UAP et La Providence ;
Vu le jugement du 30 juin 1998 par lequel le tribunal de grande instance de Paris, saisi par la COMPAGNIE A.G.F, d’une demande ayant le même objet, s’est déclaré incompétent pour connaître de l’ensemble du litige ;
Vu les pièces desquelles il résulte "que la saisine du Tribunal des Conflits a été notifiée à la COMPAGNIE A.G.F. à la société AXA qui vient aux droits de la compagnie La Providence, à la société UAP et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie qui
n’ont pas produit d’observations ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Vu l’article 4 du titre II de la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu l’article L. 166-5 du code des communes repris à l’article L. 5711-1 du code général des collectivités territoriales ;
Vu les articles 36 et 53 de la loi du 13 juillet 1930 relative au contrat d’assurance, ensemble les articles L. 121-12 et L. 124-3 du code des assurances annexé au décret n°76-666 du 16 juillet 1976 ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Genevois, membre du Tribunal,
les conclusions de M. Duplat, Commissaire du gouvernement,
Considérant que le syndicat mixte d’aménagement rural de la Drôme a fait procéder à la réalisation d’un ensemble de serres horticoles équipées d’un réseau de distribution de chaleur à partir de rejets thermiques provenant de l’usine exploitée par la société Eurodif à Pierrelatte ; qu’à cette fin. il a conclu un marché de maîtrise d’œuvre d’ingénierie avec la S.A.R.L. Bureau d’études pour l’urbanisme et l’équipement de la Région Rhône-Alpes (B.E.T.E.R.A.L.P.) ainsi que des marchés de travaux portant sur des lots distincts de serres avec la société Beraud-Sudreau et l’entreprise Rigaud ; qu’en raison des désordres affectant le chauffage des installations, des exploitants agricoles qui avaient acquis auprès du syndicat mixte des serres préalablement équipées ont demandé devant les juridictions de l’ordre judiciaire à être indemnisés du préjudice subi ; qu’à la suite de condamnations prononcées en référé à se
encontre ledit syndicat mixte a appelé la COMPAGNIE ASSURANCES GENERALES DE FRANCE (A.G.F.) à le garantir en exécution du contrat d’assurance qu’il avait souscrit ;
qu’après avoir été condamnée sur ce fondement, la COMPAGNIE A.G.F, a demandé à être remboursée de la somme versée à son assuré, dans les droits duquel elle estime être subrogée, en sollicitant la condamnation solidaire ou, à défaut in solidum, des sociétés Beraud-Sudreau er B.E.T.E.R.A.L.P. sur le fondement de leur responsabilité contractuelle à l’égard du maître d’ouvrage des travaux, ainsi que de la société UAP, en sa qualité d’assureur de la société Beraud-Sudreau, de la société B.E.T.E.RA.L.P. et de l’entreprise Rigaud, et de la compagnie La Providence, autre assureur de la société Beraud-Sudreau ;
Considérant que le tribunal de grande instance de Paris s’est déclaré incompétent pour connaître de l’ensemble de ces conclusions au motif que le dommage dont il est demandé réparation trouve son origine dans un marché de travaux publics et que la juridiction compétente pour connaître d’un recours subrogatoire est celle qui a compétence pour connaître de l’action principale ; qu’appelé à se prononcer sur les mêmes conclusions par la COMPAGNIE A.G.F., le tribunal administratif de Grenoble, après avoir statué au fond sur l’action engagée rencontre du maître d’œuvre et de la société Beraud-Sudreau, a estimé que les conclusions dirigées contre les compagnies d’assurances UAP et La Providence ne relevaient pas de la compétence de la juridiction administrative et a renvoyé au Tribunal des Conflits le soin de décider de la juridiction compétente pour en connaître ;
Considérant qu’une action subrogatoire ne saurait être portée par le subrogé devant un ordre de juridiction autre que celui appelé à connaître de l’action qui aurait
été engagée par le subrogeant ; que cette règle reçoit notamment application lorsque l’assureur, subrogé en vertu de l’article 36 de la loi du 13 juillet 1930 repris à l’article L. 121-12 du code des assurances dans la créance éteinte par lui du subrogeant victime d’un dommage, entend récupérer le montant de cette créance auprès de la ou des personnes tiers responsables dudit
dommage ; qu’en pareil cas, l’assureur, qui a payé l’indemnité d’assurance, dispose, à l’instar de la victime dans les droits de laquelle il se trouve légalement subrogé conformément à l’article 53 de la loi du 13 juillet 1930 repris à l’article L. 124-3 du code des assurances, de la faculté de poursuivre au moyen de deux actions distinctes, le responsable du dommage et l’assureur de ce dernier ; que si ces deux actions sont fondées l’une et l’autre sur le droit de la victime à la réparation du préjudice qu’elle a subi, l’action exercée contre l’assureur du tiers responsable poursuit exclusivement l’obligation dudit assureur à cette réparation, laquelle est une obligation de droit privé ; qu’il s’ensuit qu’elle relève de la compétence des tribunaux de l’ordre judiciaire que ceux-ci aient été compétents pour statuer sur l’action en responsabilité de la victime contre le tiers responsable du dommage ou que la compétence à l’égard de cette dernière action appartienne, comme en l’espèce, aux tribunaux de l’ordre administratif ;
Considérant qu’il suit de là qu’il y a lieu de déclarer la juridiction judiciaire compétente pour connaître des conclusions de la COMPAGNIE A.G.F, dirigées contre la société UAP et la compagnie La Providence aux droits de laquelle se trouve la compagnie AXA ;
D E C I D E :
Article 1er : La juridiction judiciaire est compétente pour connaître des conclusions de la COMPAGNIE A.G.F, dirigées contre la société UAP et la compagnie La Providence, aux droits de laquelle se trouve la compagnie AXA.
Article 2 : Le jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 30 juin 1998 est déclaré nul et non avenu en tant qu’il a décliné la compétence de la juridiction judiciaire pour connaître de ces conclusions. La cause et les parties sont renvoyées devant ce tribunal.
Article 3 : La procédure suivie devant le tribunal administratif de Grenoble est, en tant qu’elle concerne le litige opposant la COMPAGNIE A.G.F, à la société UAP et à la compagnie La Providence, aux droits de laquelle se trouve la compagnie AXA. déclarée nulle et non avenue
à l’exception du jugement rendu le 15 juin 2001 par ce tribunal.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui est chargé d’en assurer l’exécution.