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Conseil d’Etat, 11 juin 2004, n° 249473, Ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales c/ M. K. K. B.

Il appartient à l’étranger qui, à la suite d’un arrêté d’expulsion ou d’une décision de reconduite à la frontière prise à l’initiative de l’administration ou pour l’exécution d’une décision judiciaire d’interdiction du territoire, demande à être assigné à résidence en application de l’article 28 de l’ordonnance du 2 novembre 1945, de justifier soit qu’il se trouve dans l’impossibilité matérielle ou juridique de quitter le territoire français soit que sa vie ou sa liberté sont menacées dans le pays de destination qui lui est assigné ou qu’il est exposé dans ce pays à des traitements contraires à l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 249473

MINISTRE DE L’INTERIEUR, DE LA SECURITE INTERIEURE ET DES LIBERTES LOCALES
c/ M. K. K. B.

Mme Artaud-Macari
Rapporteur

Mme Prada Bordenave
Commissaire du gouvernement

Séance du 17 mai 2004
Lecture du 11 juin 2004

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 2ème et 7ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 2ème sous-section de la Section du contentieux

Vu le recours du MINISTRE DE L’INTERIEUR, DE LA SECURITE INTERIEURE ET DES LIBERTES LOCALES, enregistré le 8 août 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat ; le MINISTRE DE L’INTERIEUR, DE LA SECURITE INTERIEURE ET DES LIBERTES LOCALES demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris du 4 juin 2002 qui a rejeté son recours tendant à l’annulation du jugement du tribunal administratif de Paris en date du 14 décembre 2001 annulant sa décision du 27 décembre 2000 refusant l’assignation à résidence de M. Roger K. K. B. ;

2°) d’annuler le jugement du 14 décembre 2001 ;

3°) de rejeter la demande présentée par M. K. K. B. devant le tribunal administratif ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Artaud-Macari, Conseiller d’Etat,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de M. K. K. B.,
- les conclusions de Mme Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’aux termes de l’article 28 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France : " L’étranger qui fait l’objet d’un arrêté d’expulsion ou qui doit être reconduit à la frontière et qui justifie être dans l’impossibilité de quitter le territoire français en établissant qu’il ne peut ni regagner son pays d’origine, ni se rendre dans aucun autre pays peut, par dérogation à l’article 35 bis, être astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés, dans lesquels il doit se présenter périodiquement aux services de police et de gendarmerie " ;

Considérant que, pour confirmer le jugement du 14 décembre 2001 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 27 décembre 2000 par laquelle le MINISTRE DE L’INTERIEUR a opposé un refus à la demande de M. K. K. B., ressortissant de la République démocratique du Congo, tendant à être assigné à résidence, la cour administrative d’appel a estimé que le MINISTRE DE L’INTERIEUR s’était cru lié tant par les décisions judiciaires d’interdiction du territoire prononcées à l’encontre de M. K. K. B. que par la gravité des faits commis par celui-ci et n’avait pas fait usage de son pouvoir d’appréciation pour vérifier que ce dernier pouvait être ou non assigné à résidence au regard des dispositions précitées de l’article 28 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 ; qu’il ressort, toutefois, des pièces du dossier que, pour rejeter par la décision du 27 décembre 2000 la demande présentée par M. K. K. B., le MINISTRE DE L’INTERIEUR, après avoir pris en compte la situation personnelle et familiale de l’intéressé, a relevé tant le caractère exécutoire des peines d’interdiction du territoire, dont deux à titre définitif prononcées par l’autorité judiciaire à l’encontre de l’intéressé, entre 1991 et 1998, pour trafic de stupéfiants, que la gravité des faits commis par celui-ci ; qu’en estimant qu’en opposant à M. K. K. B. un refus pour de tels motifs, le ministre n’avait pas exercé son pouvoir d’appréciation, la cour administrative d’appel de Paris a dénaturé les faits de l’espèce ; que, dès lors, le MINISTRE DE L’INTERIEUR est fondé à demander l’annulation de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris en date du 4 juin 2002 ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d’Etat, s’il prononce l’annulation d’une décision d’une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l’affaire au fond si l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de régler l’affaire au fond ;

Considérant qu’ainsi qu’il a été dit ci-dessus, pour refuser à M. K. K. B. l’assignation à résidence qu’il demandait, le MINISTRE DE L’INTERIEUR, après avoir pris en compte la situation personnelle et familiale de l’intéressé, s’est fondé tant sur le caractère exécutoire des décisions d’interdiction du territoire prises par l’autorité judiciaire que sur la gravité des faits commis par M. K. K. B. ; que de tels motifs étaient, contrairement à ce qu’a jugé le tribunal administratif de Paris, de nature à justifier un refus d’assignation à résidence ; que le tribunal administratif s’est ainsi fondé sur un motif erroné en droit pour annuler la décision qui lui était déférée ;

Considérant qu’il appartient au Conseil d’Etat, saisi de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens présentés par M. K. K. B. devant le tribunal administratif de Paris ;

Considérant que la décision contestée comporte l’énoncé des circonstances de fait et de droit qui en constituent le fondement ; qu’elle est, par suite, suffisamment motivée ;

Considérant qu’il appartient à l’étranger qui, à la suite d’un arrêté d’expulsion ou d’une décision de reconduite à la frontière prise à l’initiative de l’administration ou pour l’exécution d’une décision judiciaire d’interdiction du territoire, demande à être assigné à résidence en application de l’article 28 de l’ordonnance du 2 novembre 1945, de justifier soit qu’il se trouve dans l’impossibilité matérielle ou juridique de quitter le territoire français soit que sa vie ou sa liberté sont menacées dans le pays de destination qui lui est assigné ou qu’il est exposé dans ce pays à des traitements contraires à l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Considérant que M. K. K. B. n’a justifié, à l’appui de sa demande d’assignation à résidence, ni d’impossibilités matérielle ou juridique de quitter le territoire français ni, en cas de retour en République démocratique du Congo, de menaces pour sa vie ou sa liberté ou de risques de traitements contraires à l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Considérant que les conséquences d’un éloignement du territoire sur la vie privée et familiale de M. K. K. B. résultent des décisions judiciaires d’interdiction du territoire dont il a été l’objet et non de la décision par laquelle le MINISTRE DE L’INTERIEUR s’est borné à prendre les mesures qu’implique l’exécution des décisions de l’autorité judiciaire ; que l’atteinte excessive portée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ne peut donc être utilement invoquée à l’appui de cette dernière décision ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L’INTERIEUR, DE LA SECURITE INTERIEURE ET DES LIBERTES LOCALES est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 27 décembre 2000 rejetant la demande de M. K. K. B. tendant à être assigné à résidence ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat de M. K. K. B., demande au titre des frais qu’aurait exposés son client s’il n’avait pas bénéficié de l’aide juridictionnelle ;

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêt du 4 juin 2002 de la cour administrative d’appel de Paris est annulé.

Article 2 : Le jugement du 14 décembre 2001 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 3 : La demande présentée par M. K. K. B. devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 4 : Les conclusions de M. K. K. B. tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L’INTERIEUR, DE LA SECURITE INTERIEURE ET DES LIBERTES LOCALES et à M. Roger K. K. B..

 


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