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Conseil d’Etat, 16 juin 2004, n°235647, SA Imprimerie Borel

L’abandon de créance consenti par une entreprise au profit d’un tiers ne relève pas en règle générale d’une gestion commerciale normale, sauf s’il apparaît qu’en consentant de tels avantages, l’entreprise a agi dans son propre intérêt.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 235647

S.A. IMPRIMERIE BOREL

M. Salesse
Rapporteur

Mme Mitjavile
Commissaire du gouvernement

Séance du 26 mai 2004
Lecture du 16 juin 2004

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 10ème et 9ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 10ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 juillet et 31 octobre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la S.A. IMPRIMERIE BOREL dont le siège est Le Bas des Landes à Noyers le Bocage (14210) ; la S.A. IMPRIMERIE BOREL demande que le Conseil d’Etat annule l’arrêt du 4 mai 2001 par lequel la cour administrative d’appel de Nantes a rejeté ses requêtes tendant à l’annulation des deux jugements du 1er juillet 1997 du tribunal administratif de Caen rejetant ses demandes tendant à la réduction des compléments d’impôts sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1990 et 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Salesse, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Odent, avocat de la S.A. IMPRIMERIE BOREL,
- les conclusions de Mme Mitjavile, Commissaire du gouvernement ;

Sur l’étendue du litige :

Considérant que, par une décision en date du 12 septembre 2002, postérieure à l’introduction de la requête, le directeur des services fiscaux du Calvados a prononcé le dégrèvement, en droit et pénalités, à concurrence d’une somme de 69 876, 38 euros, des suppléments d’impôts sur les sociétés auxquels la S.A. IMPRIMERIE BOREL a été assujettie au titre des années 1990 et 1991 ; que les conclusions de la requête de la S.A. IMPRIMERIE BOREL relatives à ces impositions sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;

Sur l’abandon de créance :

Considérant que l’abandon de créance consenti par une entreprise au profit d’un tiers ne relève pas en règle générale d’une gestion commerciale normale, sauf s’il apparaît qu’en consentant de tels avantages, l’entreprise a agi dans son propre intérêt ;

Considérant qu’il résulte des pièces soumises au juges du fond que la S.A. IMPRIMERIE BOREL a donné son fonds de commerce d’imprimerie en location-gérance à la Sarl Imprimerie Borel à compter du 1er janvier 1989, pour un loyer contractuellement fixé, et légèrement révisé à la baisse en janvier 1990 ; que devant les difficultés financières de la SARL, le bailleur a renoncé à percevoir en décembre 1990 l’intégralité du loyer et a consenti à la SARL un abandon de créances de 800 000 F ; que l’administration a regardé cette décision comme un acte anormal de gestion ; que pour justifier au contraire cet abandon de recettes, la S.A. IMPRIMERIE BOREL a fait valoir qu’il était de son intérêt, dans une conjoncture extrêmement difficile, de ne pas aggraver les difficultés financières de son preneur, dont le déficit d’exploitation s’élevait à 1, 1 MF, et les dettes à 10, 6 MF, dont 9, 6 MF de dettes vis à vis de tiers, tandis que son actif circulant, soit la somme des stocks, des créances et des disponibilités ne s’élevait qu’à 9 MF et son actif immobilisé qu’à 573 000 F ;

Considérant que les juges du fond, saisis d’un litige relatif à un abandon de créance dont l’administration conteste qu’il se rattache à une activité normale, doivent examiner si les contreparties à cet abandon alléguées par le contribuable sont de nature à établir qu’il a été consenti dans l’intérêt de ce dernier ; qu’en se fondant sur l’augmentation du chiffre d’affaires de l’entreprise, sur le fait que n’était alléguée aucune action entreprise par les fournisseurs ou les établissements financiers en 1990 pour considérer que la SARL n’était pas en difficulté suffisante pour justifier l’abandon de créance, la cour administrative d’appel de Nantes a dénaturé les faits qui lui étaient soumis ; que la société requérante est par suite fondée à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ;

Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu en application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative de régler l’affaire au fond ;

Considérant qu’ainsi qu’il a été dit les difficultés de trésorerie de la SARL Imprimerie Borel étaient sérieuses ; que l’abandon de créance, inférieur à 10 % du loyer et assorti d’une clause de retour à meilleure fortune, était destiné à rétablir la situation financière temporairement dégradée du locataire-gérant ; que dès lors, la société requérante établit qu’il était de son intérêt de renoncer, en 1990, à percevoir la totalité du loyer dû par le preneur, et est par suite fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la réduction de la cotisation d’impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie en raison dudit abandon de créance au titre de l’année 1990 ;

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la S.A. IMPRIMERIE BOREL et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : A concurrence de la somme de 69 876, 38 euros, il n’y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la S.A. IMPRIMERIE BOREL.

Article 2 : L’arrêt en date du 4 mai 2001 de la cour administrative d’appel de Nantes et le jugement du 1er juillet 1997 du tribunal administratif de Caen sont annulés en tant qu’ils ont rejeté les conclusions de la S.A. IMPRIMERIE BOREL tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d’impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie en raison de l’abandon de créances consenti en 1990 au profit de la SARL Imprimerie Borel.

Article 3 : Il est accordé à la S.A. IMPRIMERIE BOREL décharge de la cotisation supplémentaire d’impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie en raison de l’abandon de créance consenti au titre de l’année 1990.

Article 4 : L’Etat versera à la S.A. IMPRIMERIE BOREL une somme de 1 500 euros au titre l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la S.A. IMPRIMERIE BOREL est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la S.A. IMPRIMERIE BOREL et au ministre d’Etat, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

 


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