format pour impression
(imprimer)

DANS LA MEME RUBRIQUE :
Conseil d’Etat, 21 février 2003, n° 226489, M. Jean-Claude U.
Conseil d’Etat, Section, 6 février 2004, n° 249262, Société Royal Philips Electronic et autres
Conseil d’Etat, 30 avril 2003, n° 183110, Société Sovico
Conseil d’Etat, 19 mars 2003, n° 240718, M. Didier H.
Conseil d’Etat, 4 décembre 2002, n° 234336, Société Spie Trindel
Conseil d’Etat, 30 décembre 2002, n° 240635, Elisabeth de R. de L.
Conseil d’Etat, 9 mai 2001, n° 231320, Société Chef France SA
Conseil d’Etat, 7 mai 2008, n° 309316, La Poste
Conseil d’Etat, 30 décembre 2002, n° 241240, Commune de Quaix-en-Chartreuse
Conseil d’Etat, référé, 25 avril 2002, n° 245414, Société Saria Industries




Conseil d’Etat, 1er mars 2004, n° 247733, Ministre de l’économie, des finances et de l’industrie c/ Société civile de moyens Imagerie Médicale du Nivolet

Les procès-verbaux et les rapports qui sont établis dans le cadre d’enquêtes administratives, en application des dispositions précitées de l’article 46 de l’ordonnance du 1er décembre 1986, codifié à l’article L. 450-2 du code de commerce, par des fonctionnaires habilités par le ministre chargé de l’économie, et dont ce ministre est destinataire, sont des documents administratifs dont la communication est régie par les dispositions de la loi du 17 juillet 1978. La circonstance que ces documents peuvent, le cas échéant, servir de fondement à des procédures engagées devant les juridictions pénales, en application des dispositions de l’article 17 de l’ordonnance du 1er décembre 1986, codifiées à l’article L. 420-6 du code de commerce, n’est pas de nature à leur faire perdre ce caractère de documents administratifs. Il appartient seulement à l’administration saisie d’une demande de communication de tels documents, de rechercher si celle-ci peut être refusée en application des dispositions de l’article 6 de la même loi, notamment dans le cas où elle serait de nature à porter atteinte au déroulement de procédures engagées devant une juridiction ou à l’un des secrets protégés par la loi, au nombre desquels figure le secret de l’instruction prévu par l’article 11 du code de procédure pénale.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N°s 247733, 251338

MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE
c/ société civile de moyens "Imagerie Médicale du Nivolet"

M. Herondart
Rapporteur

M. Goulard
Commissaire du gouvernement

Séance du 9 février 2004
Lecture du 1er mars 2004

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 9ème et 10ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 9ème sous-section de la Section du contentieux

Vu 1°), sous le n° 247733, le recours, enregistré le 10 juin 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présenté par le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt du 4 avril 2002 de la cour administrative d’appel de Paris en tant qu’il a ordonné, avant-dire droit sur son recours tendant à l’annulation du jugement du 1er mars 2001 du tribunal administratif de Paris, qu’il produise, dans le délai d’un mois à compter de la notification de l’arrêt, les documents dont la communication a été demandée par la société civile de moyens "Imagerie Médicale du Nivolet" ;

2°) d’ordonner le sursis à exécution dudit arrêt ;

Vu 2°), sous le n° 251338, le recours, enregistré le 30 octobre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présenté par le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt en date du 7 août 2002 par lequel la cour administrative d’appel de Paris a rejeté son recours tendant à l’annulation du jugement du 1er mars 2001 du tribunal administratif de Paris annulant, en tant qu’elle porte sur des informations autres que celles relevant du secret en matière commerciale et industrielle, sa décision rejetant la demande de communication de documents formée par la société civile de moyens "Imagerie Médicale du Nivolet" ;

2°) d’ordonner le sursis à exécution dudit arrêt ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code de commerce ;

Vu la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;

Vu l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Herondart, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la société civile de moyens "Imagerie Médicale du Nivolet",
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les recours enregistrés sous les numéros 247733 et 251338 sont relatifs au même litige ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une même décision ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a réalisé une enquête dans le secteur de la radiologie et de l’imagerie médicale en Savoie et Haute-Savoie ; qu’à l’issue de cette enquête, l’administration a informé la société civile de moyens "Imagerie Médicale du Nivolet" que ces investigations avaient révélé des pratiques pouvant tomber sous le coup des dispositions des articles 7 et 36-1 de l’ordonnance du 1er décembre 1986, en raison de leur caractère discriminatoire et de leur effet anticoncurrentiel sur le marché de l’exploration radiologique ; que la société a alors demandé la communication des documents la mettant en cause et qui ont été à l’origine de cette enquête, des procès-verbaux d’investigation relatifs tant à elle-même qu’au groupement d’intérêt économique constitué avec le centre hospitalier de Chambéry, ainsi que de "tout document administratif ayant trait à cette affaire" ; que le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE a refusé la communication de ces documents par une lettre du 6 juin 1999 ; que le tribunal administratif de Paris, par un jugement du 1er mars 2001, a annulé cette décision de refus, sauf en tant qu’elle portait sur des informations relevant du secret en matière commerciale et industrielle ; que saisie par le ministre d’un appel contre ce jugement, la cour administrative d’appel de Paris, par un arrêt du 4 avril 2002, lui a ordonné, avant-dire droit, de produire les documents litigieux pour la mettre à même d’en apprécier le caractère au regard des dispositions de la loi du 17 juillet 1978 relatives à la communication des documents administratifs, puis par un arrêt du 7 août 2002, a rejeté cet appel ; que le ministre a saisi le Conseil d’Etat de deux pourvois en cassation dirigés respectivement contre ces deux arrêts ;

Sur les conclusions à fins de non-lieu à statuer sur le recours dirigé contre l’arrêt avant-dire droit du 4 avril 2002 :

Considérant que, contrairement à ce que soutient la société civile de moyens "Imagerie Médicale du Nivolet", le recours du MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE dirigé contre l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris du 4 avril 2002 ordonnant, avant-dire droit, un supplément d’instruction n’est pas devenu sans objet à la suite de l’intervention de l’arrêt du 7 août 2002, dès lors que le ministre s’est également pourvu contre ce dernier arrêt ;

Sur les conclusions du MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE :

Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 1er de la loi du 17 juillet 1978, dans leur rédaction alors en vigueur : "Le droit de toute personne à l’information est garanti par le présent titre en ce qui concerne la liberté d’accès aux documents administratifs (.)" ; qu’aux termes des dispositions de l’article 6, de la même loi dans leur rédaction alors en vigueur : "Les administrations mentionnées à l’article 2 peuvent refuser de laisser consulter ou de communiquer un document administratif dont la consultation ou la communication porterait atteinte : (.) - au déroulement des procédures engagées devant les juridictions ou d’opérations préliminaires à de telles procédures, sauf autorisation donnée par l’autorité compétente ; (.) - au secret en matière commerciale et industrielle ; (.) - ou, de façon générale, aux secrets protégés par la loi." ;

Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 45 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, codifiées à l’article L. 450-1 du code de commerce : "Des fonctionnaires habilités à cet effet par le ministre chargé de l’économie peuvent procéder aux enquêtes nécessaires à l’application de la présente ordonnance (.)" ; qu’aux termes des dispositions de l’article 46 de la même ordonnance, codifiées à l’article L. 450-2 du code de commerce : "Les enquêtes donnent lieu à l’établissement de procès-verbaux et, le cas échéant, de rapports. Les procès-verbaux sont transmis à l’autorité compétente. Un double en est laissé aux parties intéressées. Ils font foi jusqu’à preuve contraire." ; qu’aux termes des dispositions du premier alinéa de l’article 11 de la même ordonnance, codifiées à l’article L. 462-5 du code de commerce : "Le Conseil de la concurrence peut être saisi par le ministre chargé de l’économie." ; qu’en vertu des dispositions de l’article 17 de l’ordonnance, codifiées à l’article L. 420-6 du code de commerce, toute personne physique qui, frauduleusement, aura pris une part personnelle et déterminante dans la conception, l’organisation ou la mise en oeuvre de pratiques d’entente et d’abus de position dominante, visées aux articles 7 et 8 de la même ordonnance, codifiés aux articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce, encourt une peine d’emprisonnement de quatre ans et une amende de 75 000 euros ou l’une de ces deux peines ;

Considérant enfin qu’aux termes de l’article 11 du code de procédure pénale : "Sauf dans le cas où la loi en dispose autrement et sans préjudice des droits de la défense, la procédure au cours de l’enquête et de l’instruction est secrète. Toute personne qui concourt à cette procédure est tenue au secret professionnel dans les conditions et sous les peines des articles 226-13 et 226-14 du code pénal" ;

Considérant que les procès-verbaux et les rapports qui sont établis dans le cadre d’enquêtes administratives, en application des dispositions précitées de l’article 46 de l’ordonnance du 1er décembre 1986, codifié à l’article L. 450-2 du code de commerce, par des fonctionnaires habilités par le ministre chargé de l’économie, et dont ce ministre est destinataire, sont des documents administratifs dont la communication est régie par les dispositions de la loi du 17 juillet 1978 ; que la circonstance que ces documents peuvent, le cas échéant, servir de fondement à des procédures engagées devant les juridictions pénales, en application des dispositions de l’article 17 de l’ordonnance du 1er décembre 1986, codifiées à l’article L. 420-6 du code de commerce, n’est pas de nature à leur faire perdre ce caractère de documents administratifs ; qu’il appartient seulement à l’administration saisie d’une demande de communication de tels documents, de rechercher si celle-ci peut être refusée en application des dispositions de l’article 6 de la même loi, notamment dans le cas où elle serait de nature à porter atteinte au déroulement de procédures engagées devant une juridiction ou à l’un des secrets protégés par la loi, au nombre desquels figure le secret de l’instruction prévu par l’article 11 du code de procédure pénale ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la cour administrative d’appel de Paris n’a pas commis d’erreur de droit en estimant que la circonstance que les procès-verbaux, rapports, et pièces annexées dont la société "Imagerie Médicale du Nivolet" avait demandé la communication pourraient être transmis au parquet et donner lieu à des poursuites pénales ne permettait pas de s’opposer à leur communication sur le fondement de la loi du 17 juillet 1978 ;

Considérant qu’en estimant par ailleurs que, dès lors qu’aucune instance pénale n’avait été engagée, la communication des documents sollicités ne pouvait porter atteinte au secret de l’instruction protégé par l’article 11 du code de procédure pénale, la cour n’a pas méconnu les dispositions de l’article 6 de la loi du 17 juillet 1978 ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE n’est pas fondé à demander l’annulation des arrêts attaqués ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l’Etat, en application de ces dispositions, à verser à la société civile de moyens "Imagerie Médicale du Nivolet" une somme de 2 300 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Les recours du MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE sont rejetés.

Article 2 : L’Etat versera 2 300 euros à la société civile de moyens "Imagerie Médicale du Nivolet" en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE et à la société civile de moyens "Imagerie Médicale du Nivolet".

 


©opyright - 1998 - contact - Rajf.org - Revue de l'Actualité Juridique Française - L'auteur du site
Suivre la vie du site